Jean-Philippe Giroux – IJL – Réseau.Presse – Le Courrier de la Nouvelle-Écosse
Notons que 20 % des débarquements de homard canadiens sont effectués dans la zone de pêche du homard 34, qui s’étend du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse à la baie de Fundy.
Cette année, l’ouverture de la saison de pêche dans cette zone, qui était prévue pour le 29 novembre, a été repoussée. « Ça, c’est relié aux réchauffements climatiques et aux hivers plus doux », souligne Kenneth Deveau, directeur du Centre sur la qualité du homard de l’Université Sainte-Anne, à la Pointe-de-l’Église.
Ce centre de recherche et d’innovation a été créé en 2020 dans le but d’améliorer la qualité et la valeur d’exportation du homard. Il vient justement de publier un rapport présaisonnier, qui identifie où le homard se situe sans son cycle de croissance.
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Normalement, le homard mue environ une fois par an, généralement durant l’été. Maintenant, la perte peut se produire plus souvent et plus tard, en automne.
Ce changement pose des problèmes, car les nouvelles carapaces sont plus molles et le homard a moins de vitalité. « Ça draine son énergie, cet exercice de mue là, et ça crée un homard qui est point propice au marché », explique le directeur.
De plus en plus de homards ont du mal à survivre aux longs voyages. C’est l’une des raisons pour lesquelles les pêcheries ont davantage recours au triage et à la transformation.
En octobre 2022, des données du Centre ont permis de découvrir que deux populations de homards se sont formées dans les zones du sud : une qui a mué il y a quelque temps et une autre qui était à veille de muer.
La situation se complique quand on prend en compte l’augmentation du nombre de homards au cours des 10 dernières années, par rapport aux décennies précédentes. En effet, avec une baisse du nombre de prédateurs, dont la morue, les changements climatiques ont des effets mitigés.
Cela dit, on commence à voir une légère diminution du nombre de ces crustacés dans la zone, précise Mme Deveau.
Le Centre s’apprête à faire des tests génétiques sur les homards pour identifier et mieux comprendre les familles de homards dans les eaux de la région.
S’adapter pour survivre
Avec les températures des océans plus élevées, les homards doivent apprendre à s’adapter. D’ailleurs, une étude récente du Centre de recherches marines de Dartmouth a dévoilé que le homard pourrait apprendre à faire face au changement des océans, et ce, en s’acclimatant aux eaux plus chaudes et en modifiant son maximum thermique.
Or, il ne sera pas à l’abri des autres effets des changements climatiques. L’acidification des océans contribue à la décroissance du homard, mais aussi des huîtres, des moules, des palourdes et des pétoncles. Ces calcificateurs marins sont particulièrement vulnérables, puisqu’ils n’ont pas d’enveloppe protectrice durable.
La baisse progressive du potentiel hydrogène (pH) des océans est causée notamment par les pollutions humaines, dont l’augmentation des niveaux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère et, par la suite, son absorption par les océans. Le résultat est un ramollissement des coquilles, une réduction des taux de croissance et une hausse de la mortalité de certains animaux marins.
Kenneth Deveau ajoute que certains homards sont touchés par une maladie de la carapace, possible dans les eaux plus chaudes. Des scientifiques ont témoigné de ce phénomène chez les homards du Maine et Long Island. « Ça semble se déplacer vers le nord, dit-il. On n’en a point vu beaucoup en Nouvelle-Écosse encore, mais c’est sûr qu’on surveille ça de près. »
Le Centre sur la qualité du homard aimerait également étudier les effets des plastiques sur la santé digestive de l’animal marin.
Les microplastiques, dorénavant omniprésents dans l’environnement, modifient le microbiome intestinal des animaux. D’après une recherche entreprise conjointement avec une équipe de scientifiques de l’Université McGill, les intestins des animaux seraient altérés par les microplastiques, ce qui se traduit par une réduction des bactéries bénéfiques et une hausse des bactéries résistantes aux antibiotiques.