le Mardi 10 décembre 2024
le Lundi 11 décembre 2023 7:00 Actualités provinciales

Hivers plus doux, animaux plus résilients

Andrew Horn, observateur d’oiseaux, étudie la conservation et la communication entre les parents et leur progéniture. 
 — PHOTO : De gracieuseté - Andrew Horn
Andrew Horn, observateur d’oiseaux, étudie la conservation et la communication entre les parents et leur progéniture.
PHOTO : De gracieuseté - Andrew Horn
Une étude longitudinale nord-américaine a permis de confirmer, en s’appuyant sur 100 ans de données de températures et de précipitations hivernales, ce dont plusieurs doutaient déjà : nos hivers deviennent plus chauds, plus courts, plus secs et moins enneigés, d’année en année. Et la faune dans tout ça ? Comment fait-elle pour s’adapter ?
Hivers plus doux, animaux plus résilients
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Jean-Philippe Giroux – IJL – Réseau.Presse – Le Courrier de la Nouvelle-Écosse

La Hubbard Brook Research Foundation a publié un rapport en 2019 compilant des données obtenues par une équipe de scientifiques canadiens et américains. Du sud-ouest du Manitoba à la Nouvelle-Écosse, on observe des baisses. Dans l’est, il y a une perte moyenne de 18 jours de gel et de 21 jours d’enneigement. 

Cette chaleur a une influence sur la qualité des eaux, aggravée par de nombreuses formes de pollution, ainsi que la santé de la faune et des forêts, menant à une augmentation des ravageurs forestiers. 

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La période de froid est importante afin de tuer des espèces comme les maringouins et les pucerons lanigères de la pruche. Dans la région du Canada atlantique, depuis 1917, on compte 15 jours de moins pour éliminer les moustiques envahissants de plus qu’une montée en flèche du nombre de tiques. 

Et pour les animaux du nord ? Avec les habitats des petits mammifères perturbés par la perte de neige et les relations entre les prédateurs et les proies modifiées, les créatures doivent faire preuve de débrouillardise face à la concurrence accrue entre prédateurs, le déclin des espèces aquatiques et la hausse du nombre de parasites.

PHOTO : Fabian Kleiser - Unsplash

Les épreuves avant l’hiver 

En 2021, des scientifiques de la Nova Scotian Institute of Science ont présenté une analyse des températures de 1961 à 2020. L’augmentation moyenne la plus importante commencerait en 1990, surtout durant les mois d’automne, où la décroissance du nombre de jours de gel est la plus évidente et les premières gelées sont plus tardives. 

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Les vagues de froid sont particulièrement difficiles pour les abeilles, mais ce sont les automnes plus chauds qui les mettent à rude épreuve. « Le danger d’une chute soudaine de la température n’est perceptible que si les jours précédents sont assez doux, explique Duncan Wetzel, président de l’Association des apiculteurs de la Nouvelle-Écosse. Un apiculteur de la Nouvelle-Écosse aime avoir un hiver froid, qui reste constamment à 5 degrés ou moins, de la mi-novembre à la fin mars. » 

Les problèmes commencent lorsque les abeilles ressentent la chaleur d’une journée de février à 10 degrés, avec beaucoup de soleil. « Lorsque la température extérieure augmente, la température à l’intérieur du nid augmente également, dit-il. Elles doivent alors se disperser pour ne pas surchauffer. S’il s’agit d’une forte colonie d’abeilles, il est peu probable que cela les affecte. Une colonie de taille moyenne ou plus petite sera certainement affectée par la chute soudaine de la température. » 

On veut alors éviter que la température baisse soudainement. « La grappe ne peut pas se reformer rapidement, explique l’apiculteur. Les petites grappes d’abeilles se séparent de la grappe principale, les exposant au froid et à l’incapacité de se nourrir. Si cela se produit plusieurs fois, la grappe principale devient de plus en plus petite et il devient de plus en plus difficile de maintenir les températures et l’alimentation. » 

M. Wetzel précise qu’il n’a pas perdu de ruches à cause des chutes de température ou du vortex polaire, mais qu’il a perdu des abeilles lors des longs automnes chauds.

Andrew Horn, du département de biologie de l’Université Dalhousie.

PHOTO : De gracieuseté - Andrew Horn

L’art de l’adaptation 

Andrew Horn est un observateur d’oiseaux du département de biologie de l’Université Dalhousie. Il se spécialise dans la communication entre les parents et leur progéniture et la conservation. 

Son équipe a remarqué, en collaborant avec d’autres chercheurs en Amérique du Nord qui étudient aussi l’hirondelle bicolore, un déclin du nombre d’oiseaux, en partie à cause des changements climatiques. 

D’autres animaux observés, dont l’apodidé, les chordeilinae et l’engoulevent bois-pourri, sont de moins en moins nombreux dans le nord-est. « Les raisons de ce phénomène sont incertaines, mais le changement climatique est certainement l’une des principales causes », souligne le biologiste. 

L’hirondelle bicolore, qui migre vers le sud durant l’hiver, n’est pas touchée par les grands changements de l’hiver, précise M. Horn. Or, il remarque que les oiseaux reviennent plus tôt et qu’ils affrontent de nouveaux obstacles. « Ce n’est pas tant qu’il fait chaud, mais plutôt que c’est variable. Les oiseaux peuvent se précipiter ici et souffrir d’une vague de froid ou d’une combinaison particulière de pluie et de froid. »

Les oiseaux chanteurs, de leur côté, restent plus longtemps avant de repartir, ce qui pose un problème. « Lorsque les conditions se réchauffent à nouveau au printemps, ils doivent se précipiter pour revenir ici, afin de profiter de la période propice à la reproduction, car ils veulent que les insectes soient abondants lorsqu’ils élèvent leurs oisillons, précise-t-il. C’est donc un effort considérable pour eux, d’essayer de revenir tôt. » 

Des repères naturels très basiques, tels que la durée de la journée et les conditions météorologiques sur le territoire, aident plusieurs espèces à choisir le bon moment pour décoller. À cause des changements climatiques, ces signaux ne correspondent pas toujours avec ce qui se passe sur le terrain. 

On voit aussi un déplacement d’espèces. De nouveaux oiseaux, dont les tourterelles tristes, s’introduisent en plus grand nombre dans les écosystèmes de la province. Le plus grand défi pour ces espèces, c’est l’adaptation au nouvel environnement. 

« Si le changement climatique modifie les habitats autant que nous le prévoyons, alors, dans les 50 prochaines années, une grande partie des Maritimes sera pratiquement inhabitable pour un grand nombre d’oiseaux que nous connaissons bien », avertit M. Horn. 

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Réduire l’impact

À la petite échelle, les humains peuvent intervenir par exemple en chassant les prédateurs et en réussissant la pollution sonore qui dérange les animaux, suggère Andrew Horn. Et pour sauver les oiseaux en particulier, il serait mieux de garder son plus grand prédateur, le chat, à l’intérieur. 

Par contre, selon lui, la meilleure solution est de s’attaquer aux enjeux les plus grands : le réchauffement climatique en général et la perte d’habitat à grande échelle. 

En Nouvelle-Écosse, les apiculteurs cherchent des solutions pour épauler les pollinisateurs. L’Association des apiculteurs de la Nouvelle-Écosse songe même à réaliser un plan d’adaptation au climat, dévoile le président. 

Les pollinisateurs jouent un rôle crucial dans la reproduction des plantes. Selon l’Organisation des Nations Unies, un tiers de la production alimentaire mondiale dépend du travail des abeilles. 

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