le Jeudi 12 septembre 2024
le Jeudi 9 mai 2024 9:00 Rubrique - Le fil d'Ariane

«Arrêthons» la surpêche!

Paysage de Haute Mer (sans DCP).  — PHOTO: Ariane Gleize
Paysage de Haute Mer (sans DCP).
PHOTO: Ariane Gleize
Le 2 mai était la Journée mondiale du thon. Quoi de mieux que de lui rendre hommage. La forte pression de la pêche au thon entraîne des pratiques de pêches non durables, qui ont des conséquences néfastes sur les écosystèmes marins et la subsistance des pêcheurs traditionnels. En tant que consommateur, que «peut-thon» faire et que «peut-thon» choisir?
«Arrêthons» la surpêche!
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Logo MSC sur des canes de poissons. 

PHOTO: Ariane Gleize

État des lieux et surpêche

Chaque année, près de sept millions de tonnes de thonidés et espèces apparentées sont capturées. Le thon fait partie des poissons surpêchés, c’est-à-dire qu’il est capturé à un rythme qui nuit à sa reproduction.

La pêche artisanale côtière qui approvisionnait le marché local a, aujourd’hui, cédé la place à la pêche de pleine mer avec des bateaux-usines. Cette pratique de pêche tape dans la ressource en fragilisant l’espèce. L’Asie, et notamment la Thaïlande, inonde le marché mondial de boîtes de conserve et de thon frais pour la fabrication de sushis et de sashimis.

Dès les années 80, la surpêche de thons avait mis l’espèce en danger. Dans les années 90, le thon rouge était menacé de disparition en Méditerranée et dans l’Océan Atlantique. 

Depuis les années 2010, quatre espèces de thons pêchés commercialement sont en voie de reconstitution grâce à des quotas de pêche et la lutte contre la pêche illégale.

Cependant, dans un contexte de pression sur la vie marine, la vigilance est toujours nécessaire pour éviter les dérives des pêches illégales.

Les logos officiels, qui assurent d’une pêche plus respectueuse.

Conséquences écologiques de la pêche au thon

Un thon met environ cinq ans avant de pouvoir se reproduire. Sur 10 millions d’œufs pondus chaque année par une femelle, il y en a, à peine, un qui atteindra l’âge de se reproduire! Ce qui montre bien sa vulnérabilité s’il n’est pas protégé.

Il existe plusieurs méthodes de pêche au thon avec des incidences différentes sur la faune marine. 

Une technique couramment utilisée est la palangre. Elle est constituée d’une ligne sur laquelle sont fixés des hameçons qui peuvent attraper des thons juvéniles, des tortues des raies… qui ne survivent pas.

Une autre méthode, la senne coulissante sur des bancs libres, est plus sélective, car la maille peut varier pour pêcher un certain type de poissons et permet aux plus petits de s’échapper. 

Une autre technique, les Dispositifs de Concentration des Poissons (DCP), sont des systèmes de radeaux flottants artificiels. Ils attirent et concentrent naturellement toutes sortes de poissons. Ils sont munis de balises GPS et de sondeurs, qui permettent de connaître leur position et le volume de poissons en temps réel. 

Ce n’est plus un dispositif, c’est un piège… Quand le volume de thon est suffisant, les thoniers peuvent capturer d’un seul coup plus de 100 tonnes de thons ainsi que d’autres espèces, sans distinction. C’est une méthode qui surexploite les océans.

Certaines multinationales accumulent les quotas de pêche et les méthodes technologiques pour capturer le plus de poissons en un temps record.

Aujourd’hui, environ 80 000 à 120 000 DCP sont répartis dans les eaux internationales. L’impact sur les espèces marines est catastrophique.

Les logos officiels, qui assurent d’une pêche plus respectueuse.

Conséquences écologiques des prises accessoires 

Les prises accessoires ont un effet dévastateur sur la faune marine et mettent en danger des espèces protégées. 

Elles capturent de nombreux poissons juvéniles, qui ne pourront pas se reproduire, ainsi que d’autres espèces comme les tortues, les raies, les requins, les dauphins, inutiles pour les industriels de la pêche. Même si les espèces sont remises à l’eau, elles ont peu de chance de survie. 

La palangre et la senne coulissante sur des bancs libres entraînent des prises accessoires, mais moins importantes que les DCP.

Un exemple de technique de pêche très destructrice est la pêche au chalut. Elle est utilisée pour pêcher d’autres espèces que le thon et détruit les écosystèmes, car le chalut racle le fond marin : pour 1 kg de crevettes pêchées par chalut, il y a 10 kg de prises accessoires!

Les logos officiels, qui assurent d’une pêche plus respectueuse.

Conséquences économiques et humaines

La diminution des stocks de poissons menace les populations côtières et la pêche traditionnelle, qui dépendent de l’océan pour se nourrir.

Pour subvenir à leur besoin, les pêcheurs sont obligés d’aller plus loin en mer pour une durée plus grande.

Les bateaux traditionnels ont laissé place à des bateaux-usines réfrigérés de certaines multinationales. Les travailleurs restent des mois en mer, dans des conditions plus que précaires et parfois subissant l’esclavage.

Vers une pêche durable

En haute mer, la pêche est moins contrôlée, ce qui amène à des abus : pas de limite de capture, utilisation de techniques interdites (explosifs, poisons), pêche illégale et non déclarée.

Quant à elle, la pêche durable garantit le respect de la législation du travail et de l’environnement. Elle fait le choix de méthodes de pêches sélectives et non destructrices, de zones de captures délimitées, de limiter la quantité et la durée de poissons à pêcher. Elle permet aussi d’assurer une traçabilité complète de la zone de capture jusqu’au point de vente.

En ce qui concerne la traçabilité, en tant que consommateur, il est important de  connaître les logos officiels, car certains industriels en inventent des semblables pour tromper le consommateur. Ces trois logos vous assurent d’une pêche plus respectueuse.

Revoir nos modes de consommation

Il ne s’agit pas de ne plus manger de thon, mais d’en consommer moins et mieux.

Les ressources en poissons ne sont pas infinies. C’est pourquoi il est nécessaire de se tourner à nouveau vers des pêches locales et des techniques de pêches à la ligne ou responsables, sans DCP.

À l’épicerie, en premier, nous choisissons uniquement le poisson et les boîtes ayant les logos officiels. Ensuite, nous pouvons regarder leur provenance pour favoriser les pêches locales et traditionnelles.

À notre poissonnier, nous pouvons lui demander la provenance du poisson et un meilleur étiquetage. S’il ne nous donne pas l’information, c’est peut-être involontaire de sa part, mais c’est certainement une pêche non responsable.

Au rayon surgelé, il en est de même. Avant d’acheter des produits à base de poissons, il est nécessaire de vérifier la présence de ces logos. S’ils n’y sont pas, il s’agit de pêches industrielles illégales. 

Avoir le bon thon!

Faire le choix du bon poisson nous garantit des pêches respectueuses et légales. Cela a aussi une importance pour le maintien de la biodiversité marine, de l’emploi dans la pêche traditionnelle et de la sécurité alimentaire des populations.

Si vous voulez vous impliquer, rejoignez par exemple les associations Greenpeace, WWF ou Ecology Action Centre.

Notre action en tant que consommateur a toujours son importance.

Du 13 au 17 mai, se tiendra en Thaïlande la 28ème Commission des thons de l’océan Indien (CTOI). Cette organisation intergouvernementale est mandatée pour définir le nombre de DCP autorisés et gérer les thons et les thonidés, dans l’océan Indien et les zones adjacentes.