Jean-Philippe Giroux
IJL – Réseau.Presse – Le Courrier de la Nouvelle-Écosse
La carte a été réalisée par le groupe Annapolis Heritage Society (AHS) ainsi qu’une équipe de bénévoles dévoués.
Elle est née d’une exposition de cartes historiques acadiennes, au Musée O’Dell House, à Annapolis Royal, mise sur pied avec l’appui d’un octroi de 10 000 $ de la part de l’Office des affaires acadiennes et de la francophonie.
«Ce projet de l’Annapolis Heritage Society démontre l’intérêt croissant de la population pour leurs racines acadiennes, et pour l’histoire passionnante et complexe des Acadiens de la Nouvelle-Écosse», communique le ministre des Affaires acadiennes et de la Francophonie, Colton LeBlanc, par écrit.
C’est une autre manière de mettre en valeur le patrimoine, précise M. LeBlanc. «Nous espérons aussi que ce projet encouragera la diaspora acadienne à venir visiter notre province et à découvrir la richesse du patrimoine acadien de la Nouvelle-Écosse.»
De 1710 à 2024
Il s’agit d’une réplique d’une carte de l’ingénieur militaire français Pierre-Paul de Labat, surimposée sur une carte moderne. Elle indique plus approximativement le lieu où les Français – devenus les premières familles acadiennes – se sont établis, à l’amont du fort du Port-Royal.
«Il est maintenant possible de tracer les racines de plusieurs de nos ancêtres acadiens», déclare Robert Surette, président de l’Association des Familles Acadiennes de Port-Royal 1632-1755 (AFAP).
Lorsque M. Surette a découvert la carte de Labat, il a «pris connaissance qu’il y avait un trésor d’information sur cette carte à propos d’où vivaient les Acadiens de cette époque, au cœur du berceau de l’Acadie».
Il a eu des discussions avec Anne-Marie Boyer, directrice générale de l’AHS, vers la fin de 2022, pour voir s’il y avait la possibilité de mettre en place une exposition acadienne dans leur musée.
Une demande a été soumise avec l’appui de M. Surette, mais aussi de Jillian Barteaux, ancienne directrice et conservatrice de l’AHS ainsi que d’autres membres de la Société. C’est au début de 2023 que la Société a reçu les fonds nécessaires pour passer à la prochaine étape.
Aujourd’hui, les visiteurs de la région peuvent se procurer la carte, pour renouer avec leurs racines. «Pour nous, les Acadiens, c’est très spécial d’être capable de se retrouver à l’endroit même où nos ancêtres vivaient dès leur arrivée, au début des années 1600», confie le président.
Les copies de la carte, qui comprend quelques dizaines de lieux, sont disponibles gratuitement depuis le début de l’été. Le projet a aussi mené à la création d’une carte Google, préparée par l’AFAP et accessible à partir d’un code QR.
«Les Acadiens et les Acadiennes de partout qui se procurent soit la carte papier ou s’accrochent en ligne à Google Maps auront les moyens de trouver où plusieurs familles de jusqu’à quatre générations de leurs ancêtres vivaient et ont prospéré», explique M. Surette.
«Ils pourront aussi visiter [l’endroit] où la déportation de 1 664 hommes, femmes et enfants de Port-Royal a pris place, le 8 décembre 1755», ajoute-t-il.
De l’exposition à la carte
L’amateur d’histoire Gérard Boyer a embarqué dans le projet pour effectuer les recherches ainsi que la mise en page de la carte, avec l’aide des membres de sa famille.
Il fait de la recherche sur ses ancêtres depuis quelque temps, ce qui l’a mené à Annapolis Royal, où habitaient certains de ses ancêtres acadiens et où habite aujourd’hui sa sœur, Anne-Marie Boyer.
Il s’est donc couplé avec l’AHS pour offrir son expertise en recherche et en généalogie, mais aussi en paléographie afin de déchiffrer le vieux français de la carte de Pierre-Paul de Labat.
La première étape était de bien interpréter la carte, dans une salle acadienne établie au Musée O’Dell House. «Ce qu’on a fait, c’est qu’on a exposé des vieilles cartes historiques pis le joyau des cartes, c’était cette carte de 1710», raconte M. Boyer.
Une fois l’interprétation faite, il restait encore des sous. Le groupe s’est donc tourné vers la conception de la carte pédestre et autoguidée.
La fille de l’historien, Liane Boyer, qui est ingénieure-géologue, lui a suggéré de la concevoir à partir des données géographiques de l’ancienne carte et des données d’aujourd’hui. Le processus a pris environ un mois.
L’AHS a fait imprimer 1 000 copies en anglais et 500 copies en français. Le recto de la carte inclut un ensemble de points représentant le lieu des résidences des ancêtres de Port-Royal. Au dos de chacune se trouvent des faits historiques, dont le nom de la personne qui y habitait, le nom de l’épouse, le lien de parenté et d’autres détails identifiés en 1710.
Une grande partie de Port-Royal a été détruite en 1710, la dernière année où la ville a été gérée par une administration française. À la suite du siège de Port-Royal en 1710, communément appelé la conquête de l’Acadie, ce sont les Britanniques qui ont pris le contrôle de l’administration.
C’est pour cette raison que l’on se réfère souvent à la carte de Labat, réalisée alors qu’il était de retour en France, après la capitulation de Port-Royal.
Ajouter un arrêt
Selon Robert Surette, «il est important de faire connaitre la carte à tous ceux et celles qui vont se déplacer vers le CMA de cette année, car avec cette information, ils ont l’opportunité de prendre avantage de cette nouvelle information et vivre une expérience unique qui ne leur était pas possible auparavant».
Selon le ministre Colton LeBlanc, la carte et les ressources développées par l’AHS sont des outils formidables pour renforcer les liens entre les visiteurs et la Nouvelle-Écosse, sur le chemin du Congrès mondial acadien (CMA) 2024.
Gérard Boyer organise deux réunions de famille lors du CMA, pour les Martin et les Morins, qui se sont établis à Port-Royal au 17e siècle.
Il est d’avis, comme M. Surette, que la carte est une occasion de faire un arrêt, en chemin vers Clare et Argyle, et de donner une raison aux visiteurs de venir découvrir Annapolis Royal.
Mais l’initiative va au-delà du CMA, selon lui. «Il reste encore à développer un gros potentiel historique, culturel, touristique pour la période française de Port-Royal entre ses débuts vers les 1630 jusqu’à la déportation de tous ses habitants en 1755», dit M. Boyer.
Le CMA serait, selon lui, une occasion en or pour travailler au développement, entre autres, d’un meilleur centre d’interprétation, surtout pour les francophones qui veulent être servis en français lors de leur visite.