le Vendredi 14 février 2025
le Vendredi 15 novembre 2024 7:00 Éditorial

La réélection de Trump: en quête d’un «sauveur»

  PHOTO : David Todd McCarty - Unsplash
PHOTO : David Todd McCarty - Unsplash
Le jour avant les élections américaines, en 2016, notre professeur nous a demandé qui allait prendre la relève de la présidence des États-Unis. La plupart des mains se sont levées pour Clinton — le choix évident, selon eux — sauf pour quelques personnes, comme moi, qui ont manifesté à contrecœur leur pessimisme et leur pressentiment qu’on s’apprêtait à faire face au début de l’ère de Trump.
La réélection de Trump: en quête d’un «sauveur»
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C’était le même sentiment le 5 novembre dernier, et la même déception que la première fois. 

Selon les données du University of Florida’s Élection Lab, 65 % des électeurs éligibles ont voté, soit 2 % de moins qu’en 2020. C’était le 4e taux de participation le plus élevé au monde, après l’Indonésie, le Sri Lanka et l’Inde. 

Selon une recherche effectuée à la sortie des urnes dans 10 États clés par NBC News, en collaboration avec un consortium d’organismes de presse, le soutien envers Biden/Harris était en déclin (-1 % pour les hommes, -3 % pour les femmes), tandis que pour Trump, il y a eu une hausse (+1 % pour les hommes et +2 % pour les femmes). 

De plus, le vote pour Trump chez les personnes noires et hispanophones/latinos a augmenté de plus de 10 %. Dans la tranche d’âge de 18 à 29 %, on constate une hausse de 6 %. Pour le vote Biden/Harris, il y a eu une baisse de 5 %. 

Les raisons pour lesquelles Trump a reporté son élection? Elles sont multiples. J’ai eu la chance de faire une entrevue avec Gabrielle Bardall, professeure adjointe et candidate pour une Chaire de recherche du Canada sur les femmes, la démocratie et le pouvoir dans la francophonie. Elle est une citoyenne américaine qui a passé 20 ans de carrière sur les questions d’élection pour la démocratie dans une soixantaine de pays. 

Au-delà des moments marquants, dont la tentative d’assassinat de Trump et le grand débat télévisé, il y a la stratégie de campagne du prochain président qu’il faut considérer. «Ce que Trump a réussi à faire, qui était unique, [c’est qu’]il a trouvé des poches d’appui, dans les zones rurales surtout, qui encourageaient les électeurs à venir voter», explique la professeure. 

J’ajoute aux péripéties la montée des médias non traditionnels comme levier d’influence pour les politiciens. Quelques semaines avant le jour des élections, les candidats à la présidence et leur choix à la vice-présidence se sont tournés vers des émissions de balados américains très connus pour se présenter à un public plus jeune, dans une ambiance informelle, où les animateurs pouvaient humaniser la personne devant eux. 

La campagne Harris s’est tournée vers Call Her Daddy, le troisième balado le plus suivi sur Spotify en 2024. Trump, lui, s’est assis avec Joe Rogan, un comédien qui anime le balado américain le plus connu à ce jour, The Joe Rogan Experience. Depuis sa publication sur YouTube il y a plus de deux semaines, l’entrevue possède 49 millions de visionnements. 

On est témoin d’une dérive, et cette tendance de mettre en priorité les nouveaux médias avant les médias traditionnels, selon moi, va se maintenir, tant et aussi longtemps que ces médias demeurent attrayants et accessibles à l’auditoire. Et les candidats le savent mieux que nous, bien sûr. 

Même si les résultats des dernières élections américaines m’inquiètent — puisque la politique américaine a toujours des répercussions sur le reste du monde, surtout son voisin d’en haut — pour notamment le droit des femmes et des minorités sexuelles et de genre, ils ne me surprennent pas, malheureusement. Trump a développé une image (de marque) qui correspond parfaitement aux valeurs conservatrices américaines. Par exemple, durant sa campagne, il a promu la vente d’une bible, nommée Holy Bible: God Bless the USA

Trump représente une grosse partie de la population américaine qui se sent ostracisée et délaissée par la politique nationale. On voit en lui une alternative, que ce soit la vérité, un mirage ou une ruse. Avec les élections provinciales et fédérales qui approchent ici, est-ce qu’on devrait se méfier davantage du phénomène Trump? Est-ce que Pierre Poilievre pourrait devenir notre équivalent? 

C’est clair que, face à une crise du logement, l’insécurité alimentaire, une classe moyenne qui s’érode, les factures médicales qui s’accumulent, le prix de l’essence qui monte, un système d’éducation inadéquat et une méfiance croissante envers le système politique en place, il y a le désespoir. Dans ces circonstances, peut-on blâmer les Américains de se chercher un «sauveur»? C’est à débattre. 

Jean-Philippe Giroux 

Rédacteur en chef

Jean-Philippe Giroux - Rédacteur en chef - Généraliste

Rédacteur en chef - Le Courrier de la Nouvelle-Écosse

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