le Mercredi 6 novembre 2024
le Vendredi 20 septembre 2024 7:00 Éditorial

La santé mentale, un enjeu à ne pas négliger

  PHOTO : Madison Oren - Unsplash
PHOTO : Madison Oren - Unsplash
Au début du mois de septembre, le centre de santé IWK de Halifax a reçu un don de 25 millions de dollars pour bonifier ses services de santé mentale, l’un des derniers secteurs du centre en besoin d’amélioration.
La santé mentale, un enjeu à ne pas négliger
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Selon l’hôpital, l’objectif est de créer un «écosystème de santé mentale et de lutte contre les dépendances». C’est une annonce qui se fait à un moment important, où l’on confirme que 30 à 40 enfants sont actuellement sur les listes d’attente en psychiatrie. 

La santé mentale est un sujet parfois sensible à aborder, soit à cause de son invisibilité ou des préjugés qui en découlent. Si on parle ouvertement des troubles physiques ou des maladies, on dirait qu’on prend du retard sur la question des problèmes psychologiques. 

C’est justement pour cette raison que le don annoncé est important: même si on réussit à lutter contre des maladies comme le cancer, on traine encore de la patte sur le plan du soutien psychologique pour les personnes qui subissent des épisodes traumatisants. Alors, pourquoi en sommes-nous ici? 

Selon Statistique Canada, le pourcentage de jeunes de 15 à 24 ans ayant une santé mentale de bonne qualité est passé de 62 % en 2018 à 40 % en 2020, soit la plus forte baisse parmi tous les groupes d’âge. 

La pandémie n’a pas aidé non plus. D’après un rapport de l’Université Western, Media screen time use and mental health in school aged children during the pandemic (2023), non seulement le temps d’écran est resté élevé au cours de la pandémie, mais est associé à des problèmes de dépression et d’anxiété. 

«Les enfants qui passaient plus de temps sur les écrans et qui vivaient dans des foyers où les parents déclaraient des niveaux de stress plus élevés avaient des comportements plus intériorisés. Le stress des parents était positivement associé aux comportements d’extériorisation des enfants.»

Le 9 avril dernier, Ottawa a dévoilé un nouveau fonds de 500 millions de dollars pour la santé mentale des jeunes afin de les aider à accéder aux soins nécessaires. 

Est-ce trop d’argent? Pas assez? Commençons par regarder les données canadiennes sur les décès des jeunes de 15 à 19 ans. Parmi 799 décès en 2022, on compte 158 liés au suicide. C’est la deuxième cause après les accidents (blessures non intentionnelles), qui font eux-mêmes partie d’une vaste catégorie comprenant les overdoses d’opioïdes (empoisonnements non intentionnels).

La crise des opioïdes, dont les premières expositions ont eu lieu dans les années 90, a mené à une plus grande présence des opioïdes dans nos communautés. On trouve même des opioïdes mélangés à l’approvisionnement d’autres drogues, ce qui multiplie les chances d’en devenir dépendant. 

Mais je pense que le problème est plus grand. On a de la misère à avoir des conversations sincères et franches autour de la santé mentale, ce qui n’aide pas la cause, et je crois que c’est en grande partie liée à des raisons historiques. 

La génération des babyboumeurs a été adolescente durant le mouvement de la contreculture des années 1960. Elle a témoigné de plein de choses, dont la désinstitutionnalisation des soins de santé mentale. Pour plusieurs, il y a donc une croyance que l’antidote aux problèmes de santé mentale, c’est en partie le développement personnel et l’entraide. 

Dans le passé, la religion a joué un rôle important pour aborder la question de la santé mentale. L’église était là pour aider les personnes en deuil ou ceux qui traversent une période difficile. La religion répondait aux besoins des humains pour des générations, qu’il s’agisse de trouver un but ou de répondre à des questions spirituelles ou philosophiques complexes. Bref, la religion guidait les gens pour leur donner une idée de quoi dire, de quoi faire, de comment agir. 

Il serait donc injuste de pointer du doigt. Mais il faut certainement agir, car les données sous-entendent qu’on n’avance pas, on va à reculons. Continuer de traiter le sujet comme un tabou ne nous mène nulle part. 

Si on ne donne pas de l’amour au secteur des soins en santé mentale, ma crainte est qu’on va perdre plus de gens. J’espère que les fonds seront suffisants et, si nécessaire, qu’ils se multiplient, car l’avenir des futures générations en dépend. 

Jean-Philippe Giroux 

Rédacteur en chef