Personne ne peut s’échapper de l’identité et la catégorisation sociale, comme le décrit Henry Tajfel dans sa théorie de l’identité sociale. Il explique que c’est à travers l’appartenance à un groupe que nous développons notre sens de l’identité. Assez facile à comprendre.
D’après l’Institut allemand du développement et de la durabilité, la cohésion sociale est possible lorsqu’il y a un sentiment de confiance mutuelle et un esprit de coopération «qui s’oriente vers le bien commun plutôt que vers des intérêts particuliers». Bref, on ne fait pas une société seule, comme on n’élève pas un enfant sans un village.
Et on ne bâtit rien avec le «je», bien évidemment. Comme une colonie de fourmis ou une ruche de mouches à miel, c’est l’ensemble qui épate. Sans la collectivité, qu’est-ce qu’il y aurait à observer?
Le CMA 2024 est finalement à la porte. On en parle depuis des années. Les personnes convaincues sont emballées, parées. Mais ce sont le reste des participants, les moins convaincus, que je pense qu’on devrait regarder de près. Comment vont-ils vivre le plus grand évènement de célébration collective que l’Acadie a à offrir et comment va-t-il façonner leur identité?
L’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques a publié une étude en 2022 sur les effets du CMA 2019, détaillant ces diverses retombées. Cette édition du Congrès se voulait une occasion pour les personnes «ayant perdu la langue française» de prendre part aux festivités. L’accessibilité à travers le bilinguisme, pour plusieurs, a mené à un regain de fierté, mais aussi à certains changements dans les comportements linguistiques. «Ainsi, le CMA est conçu comme un moyen de revitalisation linguistique des communautés acadiennes qui se sont anglicisées», peut-on lire dans le rapport de recherche.
Il y a quelque chose de spécial et hors pair à propos du CMA. Il n’existe pas beaucoup d’évènements pareils qui tentent d’effondrer tous les murs invisibles qui existent entre les autres. Je pense que c’est pour cette raison qu’autant de gens se sentent «transformés» après leur participation. Ne plus vivre son identité seul, mais la vivre de manière plus large est un changement de perspective énorme pour tous, Acadien ou non.
Par contre, le rapport de recherche précise qu«au plan social et identitaire, les retombées sont difficilement quantifiables». C’est vrai qu’il est difficile de mesurer cet impact, et on ne peut probablement pas le mesurer, comme plusieurs leadeurs du développement communautaire le diraient. Or, on ne peut pas sous-estimer le potentiel du CMA pour changer les esprits, peu importe le nombre.
L’un des objectifs des CMA est de mettre en valeur les particularités culturelles des régions hôtesses. Comme l’a si bien dit Alyson Blaquière dans son article, À l’aube d’une identité acadienne transnationale : le premier Congrès mondial acadien, «la diaspora est composée d’Acadiens qui se sont bâti des identités distinctes en fonction des endroits où ils se sont établis au fil du temps.»
Par exemple, en 2014, on a mis en lumière l’Acadie, mais plus particulièrement la culture brayonne, ce qui a laissé un héritage encore vivant à ce jour. Cette année, ce sera la première fois que l’héritage acadjonne sera au premier plan, en espérant que les retombées seront semblables pour les régions hôtesses.
Je ne sais pas s’il y a un évènement semblable dans le monde qui représente aussi bien le ravivement et l’épanouissement culturel. Le CMA a le potentiel de montrer à tous, y compris les non-Acadiens, comment faire rayonner une culture et comment inspirer les gens à être fier de ce qu’ils sont. Les autres francophonies canadiennes et cultures minoritaires ont de quoi apprendre pour faire avancer les choses de leur côté. Le message est clair : pour s’épanouir, il faut se mobiliser.
Le CMA souligne également l’importance de la réflexion. Non, ce n’est pas tout le monde qui va aller au CMA pour faire du travail d’introspection, et c’est bien correct. Ce n’est pas nécessaire pour tous, mais c’est essentiel de souligner que l’espace est là et a été créé pour faire ce travail social, voire philosophique, pour se demander, «qu’est-ce qu’on fait et pourquoi?».
L’Acadie résiste depuis sa création et continuera à le faire, tant et aussi longtemps que des gens sont là pour se battre pour elle. Il sera intéressant de voir où l’on en est, dans les chapitres du livre de l’Acadie. De voir l’effet positif de la cohésion sociale sur les gens, et la manière qu’elle changera la donne.
Bon Congrès!
Jean-Philippe Giroux
Rédacteur en chef