le Mercredi 11 septembre 2024
le Vendredi 10 mai 2024 7:00 Éditorial

Les médias sociaux, du souci au sérieux

  PHOTO: Prateek Katyal - Unsplash
PHOTO: Prateek Katyal - Unsplash
En août 2023, l’agence de presse Reuters a publié un article qui a confirmé, grâce aux données de la firme Similarweb, que le blocage des nouvelles sur Facebook n’a rien changé. S’il y a eu une légère chute d’environ 1 million d'utilisateurs les premiers jours suivant le blocage des liens, on a remonté la pente de 2 millions d’utilisateurs à compter du 5 août. Les jours suivants, le temps d’utilisation est resté pratiquement inchangé, comme si de rien n’était.
Les médias sociaux, du souci au sérieux
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Et si c’était un mal pour un bien? Une enquête menée par  l’Académie de la transformation numérique de l’Université Laval, dans un contexte québécois, a permis de conclure que plusieurs résidents ont changé leurs habitudes de consommation de nouvelles en 2023. Chez les personnes âgées de 18 à 34 ans, où la confiance en ce qui concerne les informations sur les réseaux sociaux est en baisse, 61 % regardent ailleurs dorénavant, notamment sur les sites d’informations. 

Mais la dépendance aux réseaux sociaux et les habitudes de surconsommation numérique, elles, continuent d’avoir un effet sur nos vies et les tentatives pour les délaisser sont très souvent futiles. Selon le Recueil d’informations sur Internet au Canada 2023 de CIRA, plus de 50 % des Canadiens sont branchés pour plus de 5 heures par jour. Le pourcentage était de 36 % en 2016. 

Quoique la perspective vis-à-vis des médias sociaux comme Facebook et Instagram semble évoluer. «Un quart (24 %) des Canadiens estiment que les médias sociaux sont néfastes et ce chiffre continue de grimper. En 2023, seuls 18 % d’entre eux jugeront les médias sociaux bénéfiques. Facebook reste la plateforme la plus toxique et les reportages sur Instagram comme les plus addictifs ont augmenté au fil du temps», rapporte Médias d’Info Canada. 

Même si les écrans font davantage partie de notre quotidien, je suis convaincu que, collectivement, on est en train de prendre conscience des mauvais effets des réseaux sociaux sur notre santé mentale et physique. On n’est peut-être pas tous en train de tirer un trait sur notre vie en ligne, mais j’aimerais croire qu’on commence à s’imaginer un avenir où les réseaux sociaux sont des outils à notre disposition. 

Je vois aussi en ce nouveau tournant un énorme potentiel pour réimaginer la diffusion de l’information, mais aussi la manière de faire du storytelling en ligne. D’après le rapport de Viminio Recherche et Analyse nommé Habitudes de consommation de la nouvelle des 18 à 35 ans du Canada atlantique, 93 % des personnes interrogées consultent les informations sur leur téléphone cellulaire, suivi de l’ordinateur portable. 

La génération Z préfèrerait les articles de journaux en format vidéo et la génération Y aurait un intérêt pour la presse écrite traditionnelle, plus précisément la lecture numérique. «Il est intéressant de noter que les enregistrements audio, qu’il s’agisse d’extraits ou de contenus d’articles complets, ne semblent pas être populaires auprès de ces deux groupes démographiques », peut-on lire dans le rapport. 

Le potentiel du journalisme multimédia est énorme, quand la longueur de la lecture ou du visionnement numérique est illimitée. On peut combiner des vidéos, des photos, des images, de l’art, de l’infographie, des clips audio courts, du texte et des citations ressorties pour créer des projets stimulants, qui dépassent ce qu’on considère comme un reportage traditionnel. Il y a vraiment de quoi être optimiste. 

La difficulté demeure par contre le financement des médias. Selon, Patrimoine canadien, le pays a perdu plus de 450 salles de nouvelles depuis 2007. Depuis lors, des milliers d’employés ont libéré leur espace de travail. Dans le même rapport de Viminio, 24 % des participants ont dit qu’ils ne voulaient pas voir de publicité en consommant des nouvelles et souhaiteraient que leur abonnement soit gratuit. C’est un peu inquiétant de voir cette statistique, car elle signifie que certains médias en paieront le prix, surtout les plus petits qui n’ont pas accès à des subventions gouvernementales. 

En dépit de ces difficultés, je choisis de demeurer optimiste. J’espère qu’on voit de plus en plus les possibilités qui sont à notre portée. D’une certaine manière, la perte d’Instagram et Facebook nous permet d’imaginer un futur différent avec beaucoup de potentiel. 

Mais pour commencer, il faut continuer de changer notre perception des réseaux sociaux, où de nombreux milléniaux et Gen Z passent beaucoup de temps. Même si c’est divertissant, même si c’est notre lien avec plusieurs personnes et mouvements, il ne faut pas oublier que ce n’est pas vraiment la vraie vie. C’est un espace, un outil. 

Jean-Philippe Giroux 

Rédacteur en chef