Depuis le mois de mai, des incendies ravagent les terres boisées des quatre coins du pays, de la Colombie-Britannique à la Nouvelle-Écosse. Ce n’est rien de nouveau, bien sûr. Moi-même, j’ai été obligé d’évacuer ma maison en 2013 à cause d’un feu de forêt incontrôlé. C’est une situation anxiogène : quitter sa demeure en panique, séjourner dans un hôtel ou chez un ami pour une période indéterminée, n’avoir aucune idée si l’on peut retourner chez soi, si l’on touche ses effets personnels pour la dernière fois…
Entre 2001 et 2021, le Canada a perdu 26,8 mégahectares en raison des incendies de forêt, d’après les données de Global Forest Watch. Selon le programme environnemental de l’ONU, d’ici 2100, le nombre de feux de forêt incontrôlés à l’échelle mondiale augmentera de 50 %. Bref, c’est notre nouvelle réalité, qu’on veuille l’accepter ou non.
Les forêts ont besoin d’humidité sous forme de précipitations, dont la neige. Les flocons ne sont pas tombés en abondance cette année pour nourrir le sol. D’ailleurs, la municipalité régionale d’Halifax a connu son mois d’avril le plus sec depuis longtemps et, selon Environnement et Changement climatique Canada, des provinces atlantiques comme la Nouvelle-Écosse ont fait face au mois d’avril le plus sec jamais enregistré.
N’est-ce pas simplement un problème de température ? La situation est beaucoup plus complexe lorsqu’on prend en compte les effets des politiques nord-américaines en matière de lutte contre les incendies. Les conditions d’antan étaient moins intenses en partie parce que les Premières Nations, avant la période coloniale, avaient leur propre manière de brûler les terres boisées ou ils laissaient les forêts s’embraser naturellement.
Ces pratiques autochtones, comme beaucoup d’autres, ont été criminalisées, ce qui veut dire que nos écosystèmes ne se ressemblent plus. Aujourd’hui, on a des forêts plus denses avec davantage de broussaille sur les sols forestiers. Elles sont donc plus vulnérables aux incendies de forêt.
Laisser ou ne pas laisser les forêts brûler. C’est une réflexion polarisante, mais je pense qu’il faut y songer. D’ailleurs, des membres de la Première Nation de Yunesit’in, dans l’Ouest canadien, tentent de raviver la pratique ancestrale de « l’embrasement culturel » dans le but de sauver leurs forêts. C’est une situation semblable dans des États américains comme la Californie où les premiers peuples de ce territoire sont en train de prendre la situation en main en brûlant la terre pour la protéger.
Entre-temps, on n’a pas le choix d’intervenir autrement que par la manière traditionnelle, avec l’appui des pompiers de partout au pays, afin de protéger les citoyens menacés par les incendies. Mais, à long terme, je pense qu’il va falloir penser à de nouvelles manières de gérer nos forêts, car la Terre ne va pas se refroidir de sitôt.
Jean-Philippe Giroux
Rédacteur en chef