le Samedi 30 septembre 2023
le Vendredi 3 mars 2023 7:00 Éditorial

Francophone et/ou anglophone

  PHOTO - Pawel Czerwinski (Unsplash)
PHOTO - Pawel Czerwinski (Unsplash)
Sommes-nous prêts en tant que société à accueillir la diversité et à la pluralité linguistique ? À tirer un trait sur les étiquettes comme « standard », « propre » ou « soutenu » afin de décrire la langue ?
Francophone et/ou anglophone
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La semaine dernière, j’ai assisté à une activité virtuelle offerte par Parlons avec Confiance (PAC), l’initiative qui fait partie des Chantiers d’actions et de recherches pour les francophonies inclusives (CARFfI) de l’Université d’Ottawa, nommée Identifier et analyser les discriminations linguistiques

L’invité d’honneur de la conférence était Philippe Blanchet, professeur et chercheur en sociolinguistique à l’Université Rennes 2. L’auteur du livre Discriminations : combattre la glottophobie s’est appuyé sur des exemples en contexte breton, acadien et franco-canadien pour démystifier le concept de la glottophobie. 

Il a cité des exemples de discriminations communes, notamment le cas d’un professeur albanais qui a été rejeté d’un processus de sélection pour un projet universitaire puisque l’employeur en question cherchait quelqu’un qui «  a appris le français durant l’enfance et dont le français est la langue maternelle ». M. Blanchet a touché à d’autres formes de discriminations langagières, dont les commentaires désobligeants qu’on peut recevoir ainsi que les propos « flatteurs », mais manifestement condescendants, à propos des français parlés au Canada, soit des « parlers pittoresques » ou cute

L’invité a longuement discuté de la glottophobie, dressant un portrait assez détaillé de la situation dans les pays francophones. Mais c’est un passage très court lors de l’activité qui m’a fait le plus réfléchir, notamment une conversation autour des différentes manières d’évaluer les élèves d’expression française en milieu minoritaire. M. Blanchet, de son côté, suggérait d’évaluer les élèves – et je paraphrase – en tant que francophone et anglophone, et pas juste en tant que francophone. 

Je ne veux pas trop essayer de déchiffrer cette assertion, car je ne veux pas décontextualiser ce qu’il a dit. Or, je me souviens de m’être posé la question : pouvons-nous vraiment être perçus comme étant francophones et anglophones – ou x-phones et y-phones – en même temps ? Est-ce que le rêve Trudeau de l’être humain parfaitement bilingue est une réalité ou bien une utopie ? 

Il n’y a pas de bonne réponse, ni une seule réponse, à ces questions. En fait, c’est peut-être de ça qu’on parle quand on défend le concept de la « diversité linguistique », soit l’idée qu’il y a mille et une manières d’être francophone et/ou anglophone. 

J’insiste sur le fait que les études de la glottophobie sont très importantes pour comprendre les raisons pour lesquelles cette discrimination existe. Mais je pense qu’il ne faut pas oublier que c’est une manière de voir la chose. Il se peut que le malaise linguistique ou identitaire vienne de la discrimination, mais il peut également venir du rejet, de l’humiliation, de la honte ou du sentiment de ne pas êxtre vue, de ne pas être reconnu. 

À titre d’exemple, dans ma tête, les choses se passent parfois en français, parfois en anglais, parfois en franglais et parfois en je ne sais pas quoi, et j’ose croire que je ne suis pas seule à vivre de même.

Je ne sais pas si une grille d’évaluation existe pour évaluer mon intelligence langagière, et je ne sais pas s’il y a réellement un champ d’étude pour évaluer cette expérience humaine. 

Mais, je sais qu’il y aura toujours nos histoires. 

 

Jean-Philippe Giroux 

Rédacteur en chef