le Mercredi 27 septembre 2023
le Vendredi 5 août 2022 11:00 Éditorial

L’Acadie et ses écotones

Portrait — François Gaudet
Portrait
François Gaudet
François Gaudet, originaire de la Baie Sainte-Marie, est un artiste qui se taille une place dans le monde des arts visuels. Il fait partie d’une poignée d’artistes acadiens mis en valeur dans le cadre de l’exposition Acadie. Le pays et ses gens, au musée Michel Ciry à Varengeville-sur-Mer, en Normandie. Ses œuvres, qui y seront exposées jusqu’au 4 septembre, permettront de « proposer un regard contemporain sur l’Acadie ».
L’Acadie et ses écotones
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M. Gaudet a grandi avec un père photographe. Ce dernier aimait capturer la beauté des Maritimes. Très jeune, l’artiste était fasciné par cette « boîte magique » qui encadrait le monde autour de lui. 

Le Haligonien mentionne les défis linguistiques auxquels il a fait face durant sa jeunesse, notamment de se sentir pris entre un univers francophone et anglophone, de se sentir « toujours dans le milieu de quelque chose ». 

Et il redécouvre souvent cet entre-deux dans son quotidien. Durant la pandémie, il a commencé à « se déguiser » en modifiant une image de lui-même. Il le manipule pour exprimer son identité. Le résultat final : un autoportrait qui mélange son univers fictif, la peinture, avec celui de la photographie, qui se rapproche du réel. 

Ne sachant pas quoi faire avec ces images de son visage, il s’est trouvé une nouvelle tribune. Sur les poteaux électriques des rues de Halifax, il arrive de croiser son art qui ressemble à des affiches promotionnelles de festivals ou de concerts. 

Pour lui, ce geste est symbolique, voire politique. La fondation de la capitale de la Nouvelle-Écosse, en 1749, marque le début et la fin des Acadiens, raconte M. Gaudet. Son art public est donc une manière de « sortir des galeries » et de démontrer que son peuple est encore vivant. « Dans le milieu anglophone, on est invisible », déplore l’artiste. 

Il trouve que son art se perd également dans le monde acadien, reconnu pour ses musiciens qui prennent beaucoup de place. C’est pour cette raison qu’il a réalisé l’œuvre sur la couverture du Courrier de cette semaine, soit un portrait d’Évangéline peinturé sur un vinyle. 

Cette icône acadienne, née du poème Evangeline, A Tale of Acadie, composé par l’auteur américain Henry Wadsworth Longfellow, est très importante pour M. Gaudet. Grâce à elle, le premier long métrage canadien a été réalisé, pour souligner la Déportation des Acadiens, et une industrie touristique s’est développée, notamment avec la création d’un village mythique en son honneur. 

L’artiste insiste sur le fait que la découverte d’Évangéline a permis aux Acadiens de découvrir leur culture. Bien qu’elle soit fictive, son influence est réelle.

François Gaudet nous rappelle l’importance de la visibilité, surtout pour les personnes qui se sentent coincées entre deux mondes, deux langues, deux cultures, deux identités différentes. Quand on fait place à ces gens, on découvre des œuvres exceptionnelles et on éclaire de nouvelles facettes de l’humanité. 

Avec le 15 août qui arrive à grands pas, pensons à ce qu’Évangéline nous a légué et ce qu’elle représente. Célébrons ce qui existe dans l’entre-deux, remercions le savoir et le travail des créateurs acadiens qui fleurissent dans l’ombre et, surtout, rêvons à ce qui peut se réaliser quand nous laissons place à l’imagination. 

 

Jean-Philippe Giroux

Rédacteur en chef