Grandir à Chéticamp
Chéticamp a la notoriété d’un lieu d’une immense richesse culturelle et cet endroit a certainement nourri l’esprit créateur de Lilianne Cormier. Amoureuse des arts de la scène et présentement en 2e année d’art dramatique à l’Université de Moncton, Lilianne Cormier révèle l’importance de l’atmosphère artistique de son village natal. Elle est reconnaissante d’avoir grandi dans un village où elle a pu explorer son imaginaire et ses visions artistiques : « Je n’ai jamais ressenti de négativité quand je disais que je voulais être sur stage. ».
Elle danse depuis l’âge de 4 ans, ayant fait partie de plusieurs troupes à Chéticamp. Elle a évolué, entre autres, avec la troupe La Swing du Suète, présentant des numéros de danse traditionnelle du Cap-Breton, qui mêle le set carré et la gigue : « la danse des quatre ». Depuis toujours, notamment durant les concerts de Noël de l’école élémentaire, elle adore monter sur scène. En tant que membre du Conseil des Arts de Chéticamp depuis la 5e année, Lilianne Cormier a pu faire partie des productions et des spectacles de l’organisme de multiples fois.
La jeune artiste explique : « Je crois que c’est en 10e année que je me suis dit que je pouvais vraiment faire ceci pour toute ma vie, que l’art, des arts, ça pouvait être un métier ». La musique ayant toujours été présente dans sa maison, ce qui inclut la présence de deux chanteurs d’opéra, elle mentionne : « ça a toujours été dequoi qui faisait partie de moi ». Aujourd’hui, elle joue de la guitare, du ukulélé et un peu de piano, mais il n’y a pas grand-chose qu’elle trouve aussi satisfaisant que des percussions, « un bon set de drums ».
Cheminement et identité
La découverte et l’exploration de l’identité de genre, apprendre à se connaitre soi-même et être réellement confortable dans sa peau est une nouvelle réalité pour Lilianne Cormier : « C’est vraiment une porte qui s’est ouverte depuis que je suis à l’université. C’est un ever changing aspect de la vie ».
Il n’y a pas de raison de se mettre dans une boîte, de se coller une étiquette permanente (pronoms ou autres) sur soi afin de bien vivre sa vie. « Ça m’a définitivement apporté à plus de possibilités, ce qui mène… à plus de possibilités artistiques ! ».
Première chanson : création et lancement
« Tunnel Vision » est la première chanson que Lilianne Cormier dévoile, marquant le début de sa carrière musicale professionnelle. L’écriture a été une expérience unique pour l’artiste, elle explique : « s’en est une qui a juste sorti. J’ai écrit la première moitié de la chanson en 20 minutes et le lendemain je m’y suis remise et je l’ai finie en une heure ! »
Cette chanson transmet un message universel, que tout le monde pourra comprendre. Présentant un moment où l’on a besoin d’entendre que tout va bien aller, que peu importe les choix que l’on fait, tout va finir par s’arranger. « Ça fait vraiment longtemps que je veux sortir dequoi. Le plus que je vieillis, le moins que ce que j’ai écrit dans le passé me parle. Je voulais faire sûr de sortir cette chanson à un moment où elle me parle encore ».
Le choix de sortir « Tunnel Vision » plus qu’un autre single, a été celui d’offrir au public un message d’espoir (durant une pandémie, en temps de guerre et de bouleversements constants), car malgré la noirceur durant un moment particulièrement éprouvant, le soleil finira quand même par se lever le lendemain.
Le lancement de « Tunnel Vision » a été le rappel nécessaire pour l’artiste qu’il ne faut pas qu’elle oublie son aspiration musicale au profit de ses multiples autres projets artistiques.
C’est une rencontre fortuite, il y a quelques années, avec l’artiste Luc d’Eon qui a été le fil conducteur, qui a mené à l’enregistrement et la production de ce single. « Luc a vraiment été la colle dans ce projet ». Grâce à cette collaboration, l’enregistrement de la chanson a eu lieu en 2021 et le lancement d’un produit final en 2022.
Une réception surprenante
Lilianne Cormier se remémore l’excitation fébrile ressentie durant la nuit du 31 mars au 1er avril : « mettons, la soirée d’avant j’ai pas bien dormi. »
« Tunnel Vision » est sorti sur les plateformes de streaming le vendredi 1er avril 2022 et depuis, la réception est extrêmement positive. La laisser partir dans l’espace public représentait quelque chose de précieux pour l’artiste qui est soulagée de voir les auditeurs l’apprécier : « Cette chanson, c’était vraiment mon petit trésor, ma petite perle et je la tenais vraiment proche. »
Grâce aux nombreux messages qu’elle a reçus sur les réseaux sociaux, ainsi que la bonne performance de la chanson qui a atteint la 34e position sur le Singer/Songwriter Chart de iTunes Canada, la carrière musicale de Lilianne Cormier débute d’un très bon pas.
Création et insécurité
linguistique
La création de musique en français, c’est un autre cheminement personnel. « Je suis en train d’apprendre à vivre avec mon insécurité linguistique et de reconnecter avec ma francophonie. » Elle explique la réalité de grandir en région rurale en Nouvelle-Écosse. Cette pression et ce combat avec lequel les francophones en milieu minoritaire doivent constamment cohabiter. Vivre avec un sentiment d’être un imposteur ou un traître langagier, si l’on ne parle pas en français dans tous les aspects de sa vie. Lilianne Cormier éclaire avec humour : « le fait que je voulais tellement rendre honneur à quelque chose qui est plus grand que moi, ça m’a honnêtement fait freegin’ peur et ça m’a fait courir dans l’autre sens ».
En ce moment, elle suit un programme de mentorat avec l’artiste Christine Melanson, à travers le programme Stella de la FéCANE. Cette formation porte non seulement sur la création, mais aussi la reconnexion et la facilité de s’exprimer dans sa langue maternelle. « C’est pas que je ne veux pas, mais je ne sais pas encore comment m’y mettre ». Afin de trouver sa sonorité musicale, Lilianne Cormier s’est lancée en anglais. Mais cela, tout comme son refus de se limiter dans l’expression de son genre, ne veut absolument pas dire qu’elle se limitera à une seule langue.
À venir et avenir
« Le feeling d’être sur une estrade, c’est un peu comme l’avion qui descend… mais la minute que ça finit, tu veux que ça recommence ». Poursuivre l’art dramatique et la musique, ce qui pourrait très probablement mener à du théâtre musical, est ce qui nourrit l’âme de Lilianne Cormier. « Je suis en art dramatique astheur, ça fait que je n’ai pas beaucoup de temps pour travailler sur des projets personnels. Mais là, ça fait toute la fin de semaine que je travaille sur des textes. ».
La création d’un album est son prochain projet, mais ce n’est pas tout : elle espère également s’aventurer dans la création audiovisuelle comme la création de podcasts ou encore de courts-métrages conceptuels.
L’avenir de Lilianne Cormier en est un rempli de possibilités infinies, qui, telle la lumière apparaissant au bout du tunnel de « Tunnel Vision », ne fait que commencer à briller.