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le Jeudi 8 août 2024 11:00 Actualités provinciales

52 millions d’arbres : un projet de reboisement qui ne fait pas l’unanimité au Nouveau-Brunswick

Les feuillus de la forêt acadienne sont les principales victimes d’une politique qui favorise les résineux depuis des décennies.
 — PHOTO: Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien
Les feuillus de la forêt acadienne sont les principales victimes d’une politique qui favorise les résineux depuis des décennies.
PHOTO: Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien
Les gouvernement fédéral et provincial ont annoncé conjointement vendredi 19 juillet à Moncton un financement de plus de 71 millions $ pour des projets de plantation d’arbres aux quatre coins du Nouveau-Brunswick. Problème : tous seront des épinettes, ce qui fait grincer des dents les défenseurs de la forêt acadienne qui est menacée de disparition.
52 millions d’arbres : un projet de reboisement qui ne fait pas l’unanimité au Nouveau-Brunswick
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Damien Dauphin – IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien

52 millions d’arbres, soit environ 60 pour chaque Néo-Brunswickois, seront plantés à travers la province. Sur le papier, les intentions semblent bonnes. C’est du moins ce qu’avancent les responsables gouvernementaux en annonçant un investissement dans le cadre d’une initiative visant à planter deux milliards d’arbres au Canada d’ici 2030.

«Nos forêts constituent notre bien naturel renouvelable le plus précieux. Elles stimulent non seulement notre économie, mais contribuent également à réduire considérablement les effets des changements climatiques et la perte de biodiversité», a déclaré la députée de Moncton-Riverview-Dieppe, Ginette Petitpas Taylor.

La ministre fédérale a avancé que l’initiative contribuera à instaurer et à améliorer la biodiversité en plantant des arbres indigènes résistants à l’évolution du climat tout en assurant la durabilité et la diversité des forêts du Nouveau-Brunswick.

Le financement permettra notamment d’agrandir et de moderniser la pépinière de Kingsclear, près de Fredericton. À l’heure actuelle, celle-ci produit 15 millions d’arbres par an pour des programmes de reboisement.

Le financement annoncé le 19 juillet dans le décore bucolique du Parc du Centenaire à Moncton ne concerne que des espèces d’épinettes, au grand dam des défenseurs de la mixité sylvestre.

PHOTO: Courtoisie Gouvernement du Canada

«Notre projet porte sur les défis liés à la disponibilité limitée des espèces d’arbres indigènes dans les pépinières locales, ce qui nuit aux efforts de restauration et à la valorisation de la biodiversité. Nous souhaitons (…) améliorer les méthodes d’approvisionnement en semences, accroître la disponibilité des semences indigènes et impliquer la collectivité pour assurer la vitalité et la résilience à long terme des magnifiques écosystèmes du Nouveau-Brunswick», a fait savoir le ministre provincial des Ressources naturelles et du Développement de l’énergie, Ted Flemming.

Toutefois, les seules essences d’arbres produites par la pépinière de Kingsclear sont l’épinette blanche, l’épinette noire, l’épinette rouge et les espèces du pin.

Il n’en fallait pas davantage pour faire tiquer certaines personnes qui voient, dans la production exclusive de conifères, une «réponse favorable à une demande de l’industrie forestière qui a un besoin insatiable de bois résineux». Et ce, au détriment de la vraie diversité que représente à leurs yeux la forêt acadienne mixte.

«De ne favoriser qu’une seule essence d’arbre pour entretenir des monocultures d’épinettes n’est certainement pas une façon de faire écologiquement viable et en phase avec la réalité de notre territoire, et ce, encore moins dans un contexte de réchauffement climatique», dénonce Frédérick Dion, président de l’Association acéricole du Nouveau-Brunswick, alors même que l’annonce vante la «biodiversité» du projet.

Des citoyens de Kedgwick River, Francine Lévesque et André Arpin, s’en sont émus dans une lettre d’opinion publiée par nos confrères de l’Acadie Nouvelle le 23 juillet dernier. L’annonce gouvernementale, qui ne les a pas convaincus, suscite plutôt leurs inquiétudes.

«Est-ce que cette initiative servira à justifier, comme par le passé, la coupe à blanc des forêts acadiennes mixtes?», questionnent-ils.

« Ce dont notre province a besoin, ce sont des feuillus, ont-ils ajouté. Mais là encore, ceci n’est pas la solution idéale. Jamais un petit semis ne captera la quantité de carbone que peut capter un arbre déjà établi.»

Selon la littérature scientifique, il faut attendre 23 ans avant que l’arbre capture du CO2. Dès lors, Mme Lévesque et M. Arpin avancent l’urgence de diminuer les émissions de GES, de protéger la régénération naturelle, d’arrêter l’arrosage aux pesticides qui tuent les feuillus et de ne récolter que les arbres mâtures tout en protégeant ceux qui sont en voie de maturité.

Frédérick Dion leur donne raison. Il soutient que le Nouveau-Brunswick n’a pas besoin de planter des arbres car «la régénération naturelle fait très bien le travail dans nos forêts». Propriétaire d’une érablière, il plaide en faveur de l’aménagement de forêts mixtes, mélange de résineux et de feuillus comme l’était la forêt acadienne.

Dans cette optique, il estime que le nombre de feuillus devrait être au moins égal aux résineux, voire leur être supérieur de sorte à contrebalancer les centaines de milliers d’hectares d’épinettes plantés exclusivement depuis les années 1960.