Jean-Philippe Giroux – IJL – Réseau.Presse – Le Courrier de la Nouvelle-Écosse
«Ces travaux ne seront ni financés ni pertinents sans projets marémoteurs actifs», avertit Lindsay Bennett, directrice générale du Fundy Ocean Research Centre for Energy (FORCE).
Le problème relève surtout du fait que plusieurs projets sont encore au stade précommercial. Sans le déploiement de turbines, il manque des données pour approfondir les recherches.
Des experts de cette énergie verte, dont Mme Bennett, ont rencontré le comité des ressources naturelles et du développement économique de la Nouvelle-Écosse, le 28 mai, pour discuter de l’avenir du secteur.
Ils demandent une collaboration plus étroite entre les gouvernements et les professionnels de l’industrie. «C’est pourquoi nous sommes ici aujourd’hui, dit-elle. Sustainable Marine Energy a mis fin à ses activités au Canada parce qu’elle ne voyait pas de voie réglementaire fédérale claire pour mener à bien son projet.»
Jason Hayman, ancien PDG de Sustainable Marine Energy, soit la première entreprise à fournir avec succès de l’énergie au réseau de Nova Scotia Power, déplore ce qu’il estime un manque de leadeurship et de coordination entre les régulateurs provinciaux et fédéraux.
Il dit que la situation a empêché l’entreprise de tenir les promesses faites à leurs investisseurs. «Nous avions tout, lance-t-il. Nous avions la technologie qui fonctionnait. Nous avions une équipe fantastique qui se développait rapidement en Nouvelle-Écosse, 22 personnes travaillant au sein de l’équipe du conseil d’administration, ainsi qu’un certain nombre de fournisseurs qui nous étaient absolument indispensables, notamment A. F. Theriault, à Meteghan […] je ne peux que décrire ce qui s’est passé comme un acte de vandalisme économique.»
D’autres entreprises travaillent encore dans la région de Fundy, dont Nova Innovation et DP Energy.
Or, il manque des balises, selon Mme Bennett, pour déterminer comment chacun des projets doit être évalué, et ce, afin d’assurer la clarté et la constance du processus pour les investisseurs. On cherche aussi l’approbation d’un projet à la fois, en non d’un dispositif à la fois, pour simplifier la tâche.
Tout comme elle, M. Hayman demande une amélioration. «Votre ressource est un actif bloqué, à cause de cette impasse», avertit l’ancien PDG.
Au Canada, il n’y a pas de politique qui traite ou informe Ottawa de la manière d’accorder des permis pour les projets d’énergie renouvelable. On utilise alors la Loi sur les pêches, qui n’a pas été conçue pour le développement de l’énergie marémotrice, souligne M. Hayman.
Une solution temporaire, selon Mme Bennett, serait de fournir des autorisations en vertu de la Loi sur la pêche pour que les promoteurs puissent commencer la construction.
À ne pas perdre de vue
Pour produire de l’énergie marémotrice, comme le dit le nom, on utilise le marnage des zones littorales. Pour ce faire, il faut exploiter la différence de hauteur entre deux bassins divisés par un barrage. Cette énergie a l’unique qualité d’être intermittente et prédictible.
Le potentiel est énorme en Nouvelle-Écosse, fait remarquer Lindsay Bennett. «14 milliards de tonnes d’eau traversent le passage [de Fundy] à chaque cycle de marée, se déplaçant à plus de 20 km par heure, informe-t-elle. C’est beaucoup d’eau qui se déplace rapidement, et qui dit vitesse de l’eau dit puissance de l’eau.»
En 2011, la Feuille de route technologique du Canada en matière d’énergies marines renouvelables a été établie pour reconnaitre son potentiel, avec la baie de Fundy au cœur de la stratégie.
Un élément central de la stratégie était l’apprentissage par la pratique, précise Elisa Obermann, directrice générale de Marine Renewables Canada. «Cela signifie que des dispositifs doivent être déployés pour apprendre davantage et pour réduire les coûts.»
En 2012, la province a dévoilé sa stratégie pour les énergies marines renouvelables, dont le but est de produire 300 MW d’énergie provenant des projets d’énergie marémotrice.
Pour y arriver, le gouvernement a introduit la Loi sur les énergies marines renouvelables afin de mettre le secteur sur la voie du développement commercial, ce qui a, selon Mme Obermann, «mis la Nouvelle-Écosse sur la carte comme l’endroit idéal pour le développement de l’énergie marémotrice».
Toutefois, il y a eu des obstacles financiers, techniques et réglementaires et le secteur a besoin d’amour. «C’est pourquoi une entité telle que FORCE et un engagement et un soutien à long terme de la part du gouvernement sont si importants pour la mise à l’épreuve de la technologie, mais aussi pour la construction de cette industrie», insiste Mme Obermann.
À l’heure actuelle, le coût de cette énergie est plus élevé que d’autres énergies renouvelables. S’il faut jusqu’à 0,30 $ par kWh pour de l’énergie éolienne, le coût pour l’énergie marémotrice est autour de 0,66 $ par kWh
Mais il s’agit surtout d’un problème d’économie d’échelle : en ce moment, on dépense beaucoup sur le développement, l’installation et la connexion des générateurs d’énergie marémotrice avec moins de profits. «La modélisation suggère que les taux de croissance observés dans l’éolien en mer au cours des 20 dernières années seront reproduits dans le secteur de [l’énergie hydrolienne] entre 2030 et 2050», affirme Mme Obermann.
Pour la réduction des coûts, le volume est important, explique-t-elle. Les entreprises peuvent augmenter leur capacité ainsi que produire et distribuer l’énergie à des frais réduits, s’ils savent qu’il va y avoir plus de développement.
Si le secteur ne se développe et n’innove pas, il sera difficile de déterminer la trajectoire des coûts, conclut Jason Hayman.