Jean-Philippe Giroux – IJL – Réseau.Presse – Le Courrier de la Nouvelle-Écosse
D’après le Centre de collaboration nationale en santé environnementale, le bruit ambiant généré par l’activité humaine peut entrainer des problèmes tels que la perte auditive et les acouphènes, même si l’exposition est de courte durée.
Incluant les épisodes d’anxiété et de stress, à long terme, les individus peuvent ressentir l’irritation, l’hypertension et la diminution de la productivité. Et une exposition prolongée au bruit est parfois liée au manque de sommeil, aux troubles cardiovasculaires et aux maladies métaboliques.
Selon le magazine de Harvard Medicine, la pollution sonore a une influence sur la santé mentale et cognitive, englobant des problèmes tels que les troubles de la mémoire, les déficits d’attention et les retards d’apprentissage chez les enfants.
Kayla Rekowski, auteure de l’étude de 2022, Halifax Noise Study, a effectué un sondage dans la Municipalité régionale d’Halifax (MRH) pour découvrir quels étaient les bruits urbains les plus communs, mais aussi le degré d’inconfort vécu par la population.
Elle a géocodé ses données pour voir quelles régions avaient le plus grand nombre de répondants et pour mieux connaitre les sources de bruit dans chaque zone. Dans les régions rurales, les nuisances du voisinage, dont les feux d’artifice, revenaient souvent dans les sondages.
Selon Mme Rekowski, il est impératif d’étudier les effets du bruit ambiant sur la population et la nature, surtout dans les régions qui s’urbanisent. « Je pense qu’on doit être prudents et réfléchir à la manière dont on développe notre environnement urbain, mais aussi à la manière dont on s’étend dans une zone rurale », dit-elle.
Vivre avec elles
Au cours de sa recherche, Kayla Rekowski a constaté que quelques répondants considéraient les éoliennes comme une source de nuisance. « Bien qu’elles n’aient pas reçu la même proportion de nuisances de la part de la population interrogée, cela ne signifie pas que ces personnes ne sont pas aussi affectées que le reste de la population par les nuisances sonores », clarifie-t-elle.
Elle fait remarquer que, dans la MRH, l’emplacement des parcs éoliens comme celui près de Porters Lake, où les turbines sont installées le long des routes et loin des zones résidentielles, semble meilleur qu’ailleurs.
Par le passé, des riverains se sont plaints que le bruit produit par les éoliennes est la raison pour laquelle ils ont développé des problèmes de santé comme des maux de tête et des maladies cardiovasculaires.
Une étude épidémiologique de Santé Canada de 2012 a conclu que la proximité aux éoliennes ne correspondait pas à une détérioration de la santé, malgré la gêne et les troubles autodéclarés par les résidents.
« L’application de nombreux modèles de régression n’a pas permis d’établir de liens entre le bruit des éoliennes et les concentrations de cortisol dans les cheveux, la tension artérielle, la fréquence cardiaque au repos et des paramètres mesurés de la qualité du sommeil », peut-on lire dans le rapport d’étude.
La plupart des turbines modernes produisent un bruit de 35 à 40 dB, à 350 mètres de distance. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse requiert que le bruit soit moins de 40 dB à l’emplacement des récepteurs.
Mais Mme Rekowski rappelle qu’il ne faut pas nier l’effet potentiel à long terme de la fréquence et du bruit inaudible, soit les bruits de basse fréquence et des infrasons.
Les parcs éoliens et ses voisins
La Municipalité du District d’Argyle a approuvé une motion, le 25 janvier, permettant à l’entreprise vancouvéroise Elemental Energy d’aller de l’avant avec son projet de parc éolien, où une douzaine de turbines seront installées dans les communautés de Upper Wedgeport, Little River Harbour et Comeau’s Hill.
Conformément à un règlement municipal, les éoliennes doivent être installées à au moins un kilomètre de distance des résidences.
La construction commencera en mai et terminera fin 2025 ou début 2026. Une étude géotechnique est en cours pour finaliser le plan du parc.
Il ne s’agit pas du premier. Le site de Pubnico Point possède 17 éoliennes à grande échelle et le parc de Barrington, également géré par Elemental Energy, en a deux.
« On a appris des choses et on a compris ce qui est important pour nos résidents, en termes de distance par rapport aux éoliennes, de bruit, de scintillement et d’ombre, etc. On a donc veillé à ce que tous ces aspects soient bien établis », précise la sous-préfète et conseillère d’Argyle, Nicole Albright.
Ce projet provincial a nécessité énormément de travail et d’engagement public, dit-elle. La Municipalité avait justement organisé une séance d’information la semaine d’avant pour en discuter avec les résidents.
Mme Albright affirme que l’entreprise a franchi toutes les étapes nécessaires et suivi toutes les réglementations provinciales et municipales.
Lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre des projets à proximité des habitations, Kayla Rekowski est d’avis qu’il faut veiller à ce que tout le monde soit présent à la table. « Il ne s’agit pas de choisir la voie la plus facile ou la plus rentable, mais plutôt celle qui minimise le plus les dommages potentiels pour les autres et la faune locale. »
D’autres inquiétudes
Le conseiller d’Argyle Ted Saulnier insiste sur le fait que le projet n’est pas parfait, avec ses avantages et ses inconvénients, mais qu’il générera des revenus pour la Municipalité d’environ 700 000 $ par an ainsi qu’un fonds communautaire de 80 000 $ par an.
Au cours de la séance d’information du 18 janvier, Jonathan Turner, consultant en développement pour Elemental Energy, était présent afin de répondre aux questions et inquiétudes concernant le projet.
Un citoyen a évoqué le danger que représente le projet pour les oiseaux. Les critiques des projets d’éoliennes mentionnent souvent le taux de mortalité des oiseaux migratoires lié aux turbines en action.
Des études de 2013 et 2014 ont déterminé que le nombre d’oiseaux tués annuellement aux États-Unis était de 140 000 à 679 000, a déclaré MIT Climate Portal en décembre dernier, et que les chiffres sont plus élevés aujourd’hui, compte tenu de la multiplication des projets à travers le continent depuis la dernière décennie.
M. Turner a ajouté que l’entreprise pourrait être obligée de mettre en place des mesures d’atténuation, en cas de mortalité de certains types d’oiseaux migratoires et de chauves-souris au cours de la période de construction
La province a pour objectif de réduire de 53 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Pour ce faire, la transition vers l’éolien est l’une des priorités fixées.
Encore aujourd’hui, une grande partie de l’électricité produite en Nouvelle-Écosse provient du charbon, du coke de pétrole et de l’essence.