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le Lundi 23 octobre 2023 11:00 Actualités provinciales

Est-ce facile d’accéder à des soins de santé mentale en français en Nouvelle-Écosse ?

  PHOTO : Robina Weermeijer - Unsplash
PHOTO : Robina Weermeijer - Unsplash
Le 10 octobre était la Journée mondiale de la santé mentale, qui a pour objectif de sensibiliser aux enjeux liés à la santé mentale et au bien-être, incluant l’accès aux soins dans sa langue dé préférence.
Est-ce facile d’accéder à des soins de santé mentale en français en Nouvelle-Écosse ?
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Jean-Philippe Giroux – IJL – Réseau.Presse – Le Courrier de la Nouvelle-Écosse

Quand un client découvre les services de Philippe Isler, psychologue licencié francophone de la Vallée, il se sent « soulagé » de pouvoir faire une thérapie avec lui. 

« La plupart de mes clients francophones viennent de la base militaire (à Greenwood) et la plupart, ou presque tous, viennent du Québec, raconte M. Isler. Alors, ils vivent déjà un dépaysement. » 

Même si leur travail s’effectue principalement en anglais, ils ont besoin de communiquer dans leur langue pour s’exprimer et parler d’eux-mêmes, fait remarquer le psychologue. 

La communication est au cœur du traitement, explique Pierre Roisné, directeur général de Réseau Santé Nouvelle-Écosse, et il ne faut donc pas négliger l’aspect de la langue quand on discute du développement des soins. 

« Déjà de parler de ta santé mentale dans ta propre langue, c’est compliqué. Parler de ta santé mentale dans une autre langue que la tienne, c’est déjà poser des enjeux sur la compréhension et le traitement qui va venir », dit-il. 

La barrière linguistique fait que « la personne doit mettre de l’énergie et focuser sur comment dire ce qu’il veut dire, ce qui empêche de vraiment juste parler de façon fluide », précise le psychologue. 

Pierre Roisné, directeur général de l’organisme Réseau Santé Nouvelle-Écosse.  

PHOTO : De gracieuseté

Il ajoute qu’une thérapie réussie doit inclure une compréhension mutuelle, bien sûr, mais aussi une bonne relation entre le client et le thérapeute, qui ne doit pas être négligé. « Ça comprend le confort, un sentiment de sécurité, d’être accepté, d’être vu, d’être compris, énumère-t-il. Tout ça, on peut seulement le faire si on parle dans la langue qui nous est la plus confortable. » 

À ce qu’il sache, M. Isler est le seul à offrir des services de ce genre en français dans sa région. Il affirme qu’il n’y a pas assez de psychologues pour répondre à la demande. 

Malgré ces défis, il fait remarquer que l’accès aux services de santé mentale est un problème plus large qui touche la population dans son ensemble. 

Besoins et solutions

En 2019, l’organisme Réseau Santé Nouvelle-Écosse a constaté, par l’entremise de ses consultations communautaires, que la santé mentale était dans les trois premiers choix des répondants. 

L’exercice a été effectué de nouveau en 2022 avec les organismes provinciaux en 2022. Très souvent, la priorité, c’était la santé mentale. 

Il semble y avoir un manque de communication concernant les ressources en matière de santé mentale qui existent, remarque Pierre Roisné. « Déjà, il n’en a pas toujours beaucoup, mais sur celles qui existent, elles sont pas assez mises de l’avant. » 

M. Roisné mentionne que Santé mentale et dépendances, un site Internet géré par Santé Nouvelle-Écosse, a été traduit et que des outils en ligne pour la santé mentale, dont TAO et Mindwell, sont disponibles.

Philippe Isler, psychologue francophone de la Nouvelle-Écosse. 

PHOTO : transformationaltherapy.ca

Mesures préventives

Il y a aussi des défis autour de la question de l’éducation et de la sensibilisation. Autrefois, les organismes recevaient du financement de Santé Canada pour promouvoir les soins en santé mentale, mais lorsque l’Agence de la santé publique du Canada a été créée en 2004, Santé Canada a cessé de financer ce volet. 

Cet enjeu touche particulièrement Réseau Santé et, de fil en aiguille, les communautés acadiennes et francophones. « Malheureusement, c’est ce qui fait qu’aujourd’hui, on a très, très peu de financement dans l’organisme pour travailler sur tous les enjeux liés à la promotion de la santé », déclare Pierre Roisné. 

C’est une vraie tragédie, selon lui, puisque l’intention avec la promotion est également de se concentrer sur la prévention, pas seulement l’accès aux soins immédiats. « On veut que les gens puissent avoir des ressources auparavant pour entretenir ou faire en sorte que leur santé physique et mentale soit bonne pour justement ne pas avoir à accéder à des services. » 

La communauté fait face à une double pénalisation, car non seulement il y a un manque de promotion, mais aussi il n’y a pas une offre d’accès à des services en santé mentale à la hauteur, affirme le directeur général. 

Réseau Santé travaille en ce moment sur des projets de santé mentale ayant pour but d’appuyer le recrutement de professionnels bilingues. Il aimerait recevoir du financement pour donner des cours de premiers soins en santé mentale aux membres de la communauté, mais à l’heure actuelle, il n’y a pas assez de fonds pour passer à la prochaine étape.