Clara Dugas se décrit comme ayant été une enfant plutôt docile, gênée et qui n’avait pas autant d’énergie que les autres enfants du voisinage. Au lieu d’aller jouer dehors avec les autres jeunes, elle préférait rester près de sa mère. Clara la suivait souvent, même jusqu’à la cuisine, où elle lui demandait fréquemment de lui raconter des histoires de son enfance pendant qu’elle la regardait cuisiner.
D’ailleurs, elle me confie que lorsqu’elle est partie de la Baie pour aller à l’université, Clara n’était pas vraiment homesick, mais plutôt Mom’sick. Elle s’ennuyait vraiment de sa mère !
La mère de la conteuse, ayant grandi dans les années 1914, avait des histoires qui faisaient le portrait d’une époque, d’une différente génération, avec des valeurs différentes et qui donnait un œil plutôt différent sur le monde. Sa mère disait de Clara qu’elle était trop « espionne », car lorsqu’il y avait de la visite chez eux, la petite Clara aimait bien s’assoir entre eux et écouter les adultes parler ensemble. Elle trouvait leurs conversations « fascinantes et très très très intéressantes » !
C’est vers ce moment-là qu’elle a commencé à s’intéresser aux contes et qu’elle a compris toute l’importance d’apprendre à écouter. C’est donc bien avant de commencer à conter elle-même qu’elle a découvert le plaisir d‘écouter les histoires.
Clara a enseigné pendant 35 ans. Elle reconnait d’ailleurs qu’elle a eu encore plus la piqure du conte lors d’une journée pédagogique, alors qu’une étudiante de l’Université Mount Saint Vincent est venue présenter un conte pour sensibiliser les gens sur le recyclage et le composte. Elle a été tellement fascinée par le conte, qu’elle s’est revue à 5 ans dans la cuisine de sa mère.
Après cette présentation, elle s’est dit que si quelqu’un pouvait captiver 40 enseignants, peut-être qu’elle pourrait elle aussi essayer de conter et captiver ses étudiants.
La prochaine journée d’école, dans sa classe, elle s’est donc lancée avec une vraie histoire pour ses premiers spectateurs. Sur le coup, ses élèves n’ont pas eu une grande réaction et elle a cru que sa carrière de conteuse allait s’arrêter aussi vite. Cependant, lors des jours et des mois qui ont suivi, les élèves ont demandé à entendre plus d’histoires et d’années en années, c’est devenu une tradition dans les classes à Mme Dugas.
« Le fait d’être bilingue a rendu ma carrière de conteuse extraordinaire, mentionne Mme Dugas, parce que je me suis fait inviter plus souvent dans les festivals francophones que les festivals anglophones ! »
« D’ailleurs, je suis très reconnaissance qu’Elaine Thimot et Jocelyne Comeau aient commencé le Festival de la Parole, qui s’est passé à la baie Sainte-Marie de 2005 à 2016 , raconte la conteuse. Pendant ces 11 années consécutives, les conteurs venaient de partout pour faire partie de ce festival international. Des Québécois, des Français, et même des conteurs de l’Afrique. J’étais toujours inclus soit comme conteuse ou soit comme animatrice. Sans ces deux femmes, je n’aurais certainement pas eu la carrière de conteuse que j’ai eue ! »
Un jour, alors qu’elle contait une des histoires de sa grand-mère, un homme l’a approché en lui disant que son conte avait tout ce dont un conte avait besoin, et il l’a l’invité à aller conter dans un festival aux Îles-de-la-Madeleine.
Raconter au Québec, ça faisait un peu peur à Clara. Elle pensait que les Québécois ne comprendraient pas son accent acadien. Lorsqu’elle est allée à l’extérieur de l’Acadie, à Poitiers en France, les gens là-bas ne la comprenaient pas vraiment et se disent « mais, quel genre de langage elle parle ?! ».
Cependant, les Québécois l’ont invité justement parce que son accent est différent et qu’ils ont trouvé que cela apportait de la richesse culturelle à leurs festivals.
Mme Dugas admet cependant que, lors de notre échange, elle ne me parle point avec son accent acadien cru de la baie Sainte-Marie. Il faut dire qu’avec ses nombreux voyages et au fil du temps, Clara a appris à adapter son vocabulaire et son accent pour le tourner un peu plus en français standard international. Mais elle avoue aussi que son bel accent de la Baie n’est jamais bien loin.
Clara pense qu’une partie de son succès actuel est probablement dû à un projet de podcast sur lequel elle a travaillé l’an dernier, en collaboration avec Stéphanie Bénéteau, où elle raconte les histoires de femmes qu’elle a connues. Pour les curieux, Acadie, de mère en fille est disponible sur plusieurs plateformes numériques et comprends 5 épisodes d’environ 20 minutes.
Le Prix Grand-Pré est un prix annuel, établi depuis 1987, qui reconnait les artistes néo-écossais de tous les domaines, dont le travail reflète les valeurs culturelles acadiennes, en faisant preuve d’excellence et d’originalité.