le Mercredi 11 septembre 2024
le Jeudi 15 février 2024 9:00 Rubrique - Le Carrefour des Francophones

Quand les locuteurs du français sont victimes des normes de leur propre langue

  PHOTO : Jen Theodore - Unsplash
PHOTO : Jen Theodore - Unsplash
Par norme de la langue, il faut entendre un ensemble de recommandations déterminées par des puristes, indiquant ce qui doit être reconnu afin que cette langue soit bien utilisée dans la société. La langue française fait l’objet de ces normes à tel point qu’elle a différentes formes, selon les usagers. Ainsi, le français standard, autrement appelé le français normalisé, est le français adopté par l’Académie française, qui est non seulement répandu dans le monde, mais aussi utilisé dans les médias, les livres et les travaux scientifiques.
Quand les locuteurs du français sont victimes des normes de leur propre langue
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La grammaire, la syntaxe, la morphologie, l’orthographe et la prononciation de ce français sont décrites à la lettre dans les dictionnaires. Aussi choquant que cela puisse paraitre, tout contrevenant à ces règles ne sera aucunement considéré comme un « bon usager » de la langue française.  

En effet, qu’en est-il des locuteurs des variétés régionales du français ou ceux ne sachant pas ces règles établies par les puristes de la langue ? Comment ces locuteurs se comportent-ils quand ils font l’objet de critiques à cause de leur façon de parler ? 

Nombre d’auteurs ou de chercheurs s’intéressent à la situation de ces locuteurs, qui, indépendamment de leur volonté, ne maitrisent pas le français standard. C’est en ce sens que des concepts comme glottophobie, insécurité linguistique et d’autres encore se développent dans la littérature sociolinguistique. 

​​Philippe Blanchet, créateur du terme glottophobie. 

PHOTO : Wikipedia

Créé par Philippe Blanchet, le terme glottophobie désigne une discrimination linguistique. C’est le fait d’exclure un individu ou une population, qui fait l’usage d’une langue qui s’éloigne des normes. Tandis que, l’insécurité linguistique est un sentiment développé chez le locuteur le faisant croire que la variété de langue qu’il utilise ou la façon dont il parle n’est pas légitime ou valorisée dans la société où il évolue. 

Dans son ouvrage qui s’intitule Discriminations : combattre la glottophobie, Blanchet souligne que les discriminations fondées sur la langue affectent des millions de personnes. Selon l’auteur, ces personnes sont méprisées, voire rejetées à cause de leur accent, qui ne correspond pas à la langue des dominants. 

Annette Boudreau abonde dans le même sens dans son ouvrage Dire le silence. Insécurité linguistique en Acadie 1867-1970 en soulignant que « [p]orter un jugement sur la langue que parle un individu, c’est souvent porter un jugement sur lui ». 

Force est de remarquer que la situation des locuteurs du français ouvre la voie à ces réflexions des auteurs ci-haut. D’une part, les usagers des variétés de la langue française en France et, d’autre part, les Acadiens avec leur français qui est souvent jugé mauvais. 

Il va sans dire que les normes de la langue française ont un impact négatif sur les locuteurs mêmes de cette langue. Nombreux sont des locuteurs qui sont dans cette situation. C’est la raison pour laquelle il y a plus de travaux de recherche sur l’insécurité linguistique dans les pays francophones. 

Dans le même esprit de défendre les locuteurs du français, qui sont souvent méprisés à cause de leur accent. Méderic Gasquet-Cyrus, dans son ouvrage En finir avec les idées fausses sur la langue française, souligne que l’idée selon laquelle « bien parler le français, c’est respecter les normes » est archi fausse. 

Selon l’auteur, le respect des normes ressemble à des châtiments pervers à l’encontre des locuteurs. Par ailleurs, ces personnes, qui sont victimes de leur propre langue, sont indispensables à cette langue. Cette dernière ne peut nullement exister et évoluer sans eux.

De plus, si la discrimination, qui frappe les personnes en mobilité réduite, les homosexuels, les personnes souffrantes de certaines maladies, pour ne citer que ces catégories de personnes, n’est pas tolérée en ce sens que des organismes les défendent quotidiennement, la discrimination dont les locuteurs font l’objet est souvent ignorée. 

Cependant, comme a précisé Blanchet, « [l]es discriminations linguistiques sont des discriminations ». Il faut les extirper dans les sociétés.