le Lundi 25 septembre 2023
le Vendredi 18 août 2023 8:00 Rubrique - Le Carrefour des Francophones

La philosophie de l’Acadie est-elle inclusive ? – 1re partie

  PHOTO - Clay Banks - Unsplash
PHOTO - Clay Banks - Unsplash
Depuis mon arrivée dans la région de la Baie Sainte-Marie en octobre 2022, j’ai assisté à nombre d’activités acadiennes dans cette région, mais aussi à Par-en-Bas et à Grand-Pré. L’une des choses qui ne cessent de m’intriguer, c’est que durant certaines activités, il n’y a toujours que des Acadiens. Parfois, je suis le seul étranger, voire le seul « noir » à y prendre part. Cependant, je sais pertinemment qu’il y a d’autres Canadiens francophones dans ces régions, sans compter une kyrielle d’immigrants.
La philosophie de l’Acadie est-elle inclusive ? – 1re partie
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Ces Canadiens francophones et immigrants ne sont-ils pas invités à ces activités ? La philosophie de l’Acadie n’est-elle pas inclusive ? Les affaires de l’Acadie concernent-t-elles exclusivement les Acadiens ? Plusieurs questions me montent toujours à l’esprit face à cette situation flagrante.

Force est de constater que le terme « Acadien » ainsi que le drapeau de l’Acadie englobent parfois tous les locuteurs du français vivant dans les Maritimes. L’Acadie a sa propre histoire et sa propre culture, qui ne concernent pas forcément tous les francophones des Maritimes. 

Même les régions reconnues comme le bastion des Acadiens, dont Moncton, Dieppe et Caraquet, au Nouveau-Brunswick, Charlottetown et la région Évangéline de l’Île-du-Prince-Édouard ou le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, comprennent certainement d’autres Canadiens et immigrants francophones qui n’ont rien à voir avec l’Acadie, souhaitant s’impliquer dans leurs communautés. Ne se voient-ils pas imposer une culture et un drapeau ? 

Je ne suis pas la seule personne à avancer ces interrogations. D’ailleurs, dans la même veine, Leyla Sall, professeur de sociologie à l’Université de Moncton, estime qu’en Acadie, les immigrants francophones ont souvent l’impression d’être « ghettoïsés socialement ». Dans une entrevue qu’il a accordée à Radio-Canada en 2021, le spécialiste en sociologie de l’immigration francophone en situation minoritaire souligne que, quand il y a des rassemblements de familles acadiennes, ce sont des Lebrun, des Cormier, des Thériault qui se réunissent, mais jamais des Mohamed. 

C’est ce même constat que je fais dans les activités auxquelles j’ai participé dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Ce sont toujours les Thibodeau, LeBlanc, Deveau, Melançon, Comeau, entre autres, qui sont présents. En outre, rares sont les organismes de l’Acadie dont l’appellation inclut les Canadiens et immigrants francophones. Il y a par exemple la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) qui parait inclusive. 

Cependant, dans toute l’Acadie, les francophones sont dans l’ombre des Acadiens. La participation sociale parait un peu complexe pour ces Canadiens et surtout ces immigrants francophones. « Il faut maintenant changer ce modèle de cohésion basé sur l’homogénéité vers un modèle de cohésion beaucoup plus inclusif, qui serait basé sur un nationalisme de type civique, sur la pluralité et le partage du français comme bien commun », déclare le professeur de sociologie. 

Une situation flagrante s’est produite en 2021 lorsque la Communauté francophone accueillante de Clare (CFA) a installé pour la première fois des bannières de sa propre couleur turquoise, et dans lesquelles il est écrit « Clare, Communauté francophone accueillante ». Des Acadiens de souche de la région ont exprimé leur mécontentement non seulement du fait que la couleur de la CFA est totalement différente de celle du drapeau de l’Acadie, mais aussi pour le mot « francophone » qui était utilisé. 

Selon Natalie Robichaud, dans un article publié en ligne sur Astheure à ce sujet, « la couleur vert turquoise et le mot francophone ne sont tout simplement pas dans le vocabulaire identitaire acadien de certaines personnes de la région »

Elle a rajouté que « traditionnellement à Clare, si tu es un locuteur du français, tu es français et non pas francophone ».  

En définitive, si l’Acadien ou encore l’Acadien de souche ne se voit pas comme francophone, mais comme Acadien tout court, pourquoi son drapeau tricolore englobe-t-il tous les francophones de sa région ? De plus, je me demande aussi si le terme « Acadien de souche » souvent utilisé dans les régions acadiennes n’illustre pas une forme d’exclusion. C’est sans doute un autre sujet à discuter.