Cette chanson du groupe Les Cowboys fringants, Sur mon épaule, harmonisée par l’arrangeur et chef de chœur québécois, Michel Aubert, est l’une de celles qu’on entendra lors du concert-anniversaire célébrant les cinquante ans d’existence de cette chorale de la municipalité régionale d’Halifax-Kjipuktuk, créée en 1973 par une douzaine de choristes réunis dans le sous-sol d’Ida Gaudet-Romero.
1973… Pour les francophones de la région, la vie était peut-être plus jeune et plus sweet, mais c’était la préhistoire de notre histoire. Mon histoire, c’est un rêve qui commence… 1968, la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse installe son bureau central ici. Nous rêvions… un bureau des Affaires acadiennes, des écoles, des centres communautaires. « Francophones hors Québec » Les Héritiers de Lord Durham (1977) et Pour ne plus être sans pays (1979) nous disaient l’importance du scolaire et du communautaire pour nos communautés éparpillées en milieu urbain, se cherchant une voix dans une ville anglophone.
Pour une chorale, s’affilier à l’éducation permanente de la ville de Dartmouth (Dartmouth Continuing Ed) en 1979 était alors le meilleur choix… le Carrefour du Grand-Havre, lieu de répétitions et de concerts aujourd’hui, n’existerait pas avant 1991. Bois-Joli, 1999, Beaubassin, 2000, Sommet, 2011, Mosaïque, 2020, et j’en passe. Le secteur scolaire se développait, les institutions communautaires s’affirmaient. La vie de la communauté, comme de la chorale, est probablement plus sweet aujourd’hui, mais surtout… ni l’une ni l’autre n’ont perdu le beat, bien au contraire, et les Voix d’Acadie sont plus que jamais implantées dans la ville, prêtes à Faire une jam…avec tout le monde !
Écoles, communauté, les liens étaient réels : Danielle Tardy organisa des concerts à l’École Bois-Joli, où elle enseignait la musique, en équipe avec André Mallet, alors chef de chœur des Voix d’Acadie. Tous deux étaient dans la liste des six chefs de chœur, dont chacun amena « sa propre couleur », selon Monique Simard-Pelletier, choriste depuis 33 ans et ancienne présidente (hé oui, une chorale, c’est aussi le travail d’une équipe administrative bénévole !).
De Ida Gaudet-Romero pendant deux ans et demi à Daniel LeBlanc depuis six ans, Irène Comeau, Pierre Perron (du département de musique de l’université Dalhousie), Danielle Tardy (pendant 16 ans), André Mallet (pendant 15 ans) et les chefs de chœur, parfois accompagnateurs aussi, ont contribué à façonner un groupe, dont le chanteur acadien Calixte Duguay, qui m’écrivait en 2022 : « Sacrée bonne chorale. J’avais écrit en 2004 une suite musicale de 45 minutes pour chœur mixte (SATB) et sept musiciens, La Grande Traversée. Elle en avait fait une remarquable interprétation. »
2004, c’était l’année du Congrès mondial acadien et l’occasion d’affirmer plus que jamais l’appartenance de ces choristes venus d’horizons divers à un espace qui était, à sa manière, l’Acadie : Je suis de terre / et je suis d’eau / Y a des pays qu’on a dans la peau / Je suis d’ici et je suis d’ailleurs / Y a des pays qu’on a dans le cœur…
Le public pourra découvrir ou redécouvrir bien des chansons, parfois sous la forme de medleys. Michel Aubert, après 15 ans d’association heureuse avec la chorale, expliquait en janvier de cette année, lors d’un atelier : « Quand on veut faire l’historique de chansons déjà connues, comme les comédies musicales, cela prendrait trop de temps de les faire au complet, alors on fait des clins d’œil… que le monde s’imprègne un peu – oh ! je connais ! – celle-là, j’la connais aussi ! – et on passe un bon moment. »
En 2023 les Voix d’Acadie avaient une quarantaine de membres, de solides sections basses et ténor (les gars !) et de belles voix féminines en sopranos et altos. Des francophones, mais aussi des francophiles : chanter en français est ouvert à tous et toutes. Ian Bent, accompagnateur, en est la preuve ! Avec plus de 10 000 résidents francophones dans la MRH, près de 50 000 personnes bilingues… chanter impose-t-il des frontières ? Même si une chorale francophone est, bien sûr, un élément important de notre identité collective, surtout après 50 ans d’existence. Joignez-vous à la parade / de ceux qui croient au genre humain…
« Le chant dans la chorale était obligatoire. J’ai appris le solfège et à chanter à l’âge de 6 ans », confiait le chef d’orchestre québécois d’origine suisse, Charles Dutoit. « En quatrième année, je chantais des berceuses et Le Danube Bleu », raconte Monique Simard-Pelletier.
Tournées, rencontres, collaboration avec l’Orchestre Symphonique de la Nouvelle-Écosse, échanges avec le Québec, la liste des réalisations est longue. Gaston Renault, président actuel, chante avec les Voix depuis 15 ans. Sa compagne, Sonia Losier, depuis 17 ans. Danielle Tardy est là depuis 40 ans et chante encore. André Mallet est toujours aussi dynamique après 41 ans… Serge Desjardins, Donna d’Entremont, Suzie Quackenbush, Marie-France Breton… on n’en finirait pas de citer des noms ! Et on chante aujourd’hui sans cahier…
Le concert du 28 octobre, chorégraphié par Aimée Després, sera porteur de cinquante ans de rêves toujours vivants…