Sans surprise, la promotion du septième CMA a pris d’assaut la toile : un site Internet, un bulletin électronique, un compte Facebook, un profil Instagram.
D’un support à l’autre, le message véhiculé met de l’avant une série d’éléments qui invite à vivre une expérience authentique, exclusive et mémorable, cela en misant sur des ingrédients gagnants : le rappel de l’histoire, la proposition de vivre une expérience et l’appel aux sens.
Une destination chargée d’histoire
En raison de son lien avec l’Acadie historique, la région hôtesse de la septième édition bénéficie assurément d’un fort crédit.
Gwénaël Lamarque a étudié les trois premiers CMA et, selon lui, la prégnance du passé dans le choix de leur localisation est indéniable. Faire appel à l’histoire est donc une bonne stratégie promotionnelle.
On rappelle que «c’est ici que tout a commencé!» : des premiers établissements de colonisation française aux épisodes les plus emblématiques de la déportation.
Pourtant, le message ne se borne pas au rappel du passé, mais se sert plutôt de ce dernier pour inscrire la présence acadienne en ces lieux au présent, comme on le voit dans cet extrait du site Internet :
«En invitant les Acadiens et les touristes du monde entier, l’Acadie du Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse ouvre la porte sur plus de 400 ans d’histoire. C’est ici que tout a commencé! Les paysages de la région ont été témoins de la force, de la résilience et de la détermination du peuple acadien. On retrouve dans les mots des gens d’ici toutes les couleurs d’un passé riche et la saveur d’une Acadie résolument moderne.»
Deux des principaux ethnostéréotypes du groupe : sa détermination et sa résilience (on en verra d’autres) sont mises de l’avant.
On rappelle aussi que la région aurait le plus acadien des parlers acadiens, le plus conservateur, le plus proche de celui des ancêtres. Cette ancienneté renforce l’un des éléments les plus attendus lorsqu’il s’agit d’attirer les touristes : leur garantir l’authenticité. En fait, la région propose à son public une expérience unique.
Une expérience avant tout
Une caractéristique qui frappe dans les pages virtuelles dédiées au CMA 2024, c’est l’insistance sur le «vivre» : il s’agit de vivre une expérience unique. On ne propose pas de visiter, d’explorer ou encore de découvrir (verbes habituellement en tête du vocabulaire touristique), on lance une invitation qui va bien au-delà. Tout est dit dans un slogan habilement choisi : «Venez vivre votre Acadie!».
Ce slogan joue sur la répétition (le retour du «v» en début de mot), ce qui fonctionne bien quand il s’agit de faire passer un message. Il porte également en lui l’une des caractéristiques majeures du marketing touristique : il promeut et promet une expérience.
L’objectif est de rompre avec l’image d’un tourisme de masse, uniformisé et aseptisé. Le tourisme expérientiel met l’accent sur le vécu, les émotions, l’imaginaire, les interactions entre le néo-touriste et son environnement physique et humain. Cette forme de tourisme donne un rôle actif au touriste, ce qui ressort ici par la dimension interpellative du slogan.
Enfin, par l’invitation ainsi lancée, la personne interpellée n’est plus simple visiteuse, elle devient invitée. Le slogan donne une version dynamique et volontariste de l’acadianité, chacun est invité à venir la vivre à sa façon, tel qu’il l’attend.
Dans l’expérience proposée, les sens sont aussi à l’honneur.
À la table ou sur l’estrade : l’appel aux sens
La communication du septième CMA sollicite plusieurs sens. Le goût avant tout, qui illustre le poids de l’argumentaire gastronomique dans la communication touristique actuelle, signe de l’importance de ce secteur pour le tourisme. La consommation de nourriture participe de l’expérience sensorielle et s’avère un facteur d’attraction et donc un instrument marketing.
Selon certaines études, le choix d’axer sa communication sur la promotion de l’offre alimentaire est une stratégie particulièrement gagnante dans les zones géographiquement marginalisées, leur donnant un plus de compétitivité et de singularité, notamment en lien avec l’authenticité et le partage.
En matière d’offre alimentaire, l’Acadie de ce coin de pays peut se vanter de mille plaisirs culinaires, inscrits dans une tradition et ancrés dans leur milieu. Les produits de la mer en particulier sont mis de l’avant : photos de guédilles au homard et de râpure à l’appui.
La mobilisation de la cuisine comme trait culturel, qui à la fois démarque et fédère, se lit aussi dans le nom du bulletin officiel du CMA 2024 : La râpure, nom du plat le plus emblématique de l’Acadie du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse.
Le texte de présentation de ce bulletin se lit comme suit :
Dans les villages acadiens, la râpure est un mets traditionnel servi lors de rassemblements familiaux et communautaires. Chaque râpure est un peu différente, mais elle est toujours généreuse, nourrissante et réconfortante. C’est un plat qui nous rassemble pour célébrer, se connecter (et parfois se reconnecter) et partager des nouvelles autour de la table.
Avec ce bulletin électronique, qui prend le nom de ce symbole culturel important, on invite des gens de partout dans le monde à notre table icitte au sud-ouest de la Nouvelle-Écosse.
On retrouve les mots attendus du marketing touristique. On promet une expérience inscrite dans une tradition, mais aussi propre à chacun. On met de l’avant le partage, le réconfort, la connexion entre individus. De plus, invité à leur table par les gens d’ici, le touriste devient convive et commensal.
La mention des plaisirs de la table à partager s’inscrit dans la démarche de sociabilité et de convivialité promue par le CMA (le mot convivialité vient de là).
Enfin, autre ingrédient de convivialité partagée : la musique qui elle aussi fait appel aux sens. Les concerts, occasion de grands rassemblements, sont très présents dans l’iconographie. Plus largement, c’est sur le sens de la fête des Acadiens et Acadiennes que mise une partie du discours promotionnel, un autre ethnostéréotype dont le discours touristique est friand.
Laurence Arrighi est professeure de linguistique à l’Université de Moncton.