Pourtant, à travers les rapports de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) sur l’état des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone, force est de constater les efforts de la Francophonie pour rétablir la démocratie dans des pays francophones qui traversent des crises politiques récurrentes. Malgré la situation qui prévaut dans certains pays francophones comme le Mali et Haïti, les apports de la Francophonie restent et demeurent.
Selon l’édition 2022 du rapport, La langue française dans le monde, le nombre de francophones à l’échelle planétaire est estimé à 321 millions alors que le centre de gravité de la francophonie se trouve en Afrique subsaharienne.
L’ancien président du Sénégal et fervent défenseur du fait francophone, Léopold S. Senghor, a déjà affirmé que « si on introduit ou maintient le français dans l’enseignement en Afrique, si on l’y renforce, c’est, d’abord, pour des raisons politiques ».
De ce fait, on ne peut pas ignorer la vision politique de la Francophonie depuis ses pères fondateurs. Bien qu’avec la Francophonie institutionnelle, sa mission devient de plus en plus élargie.
C’est ainsi que la déclaration de Bamako de 2000, premier texte normatif de la Francophonie sur la démocratie, vient légitimer le rapport de l’OIF à la politique dans l’espace francophone. Ainsi, ce document stipule que « Francophonie et démocratie sont indissociables ».
Depuis lors, la Francophonie se bat tant bien que mal pour promouvoir et sauvegarder la démocratie dans l’espace et les pays francophones, soit à travers des initiatives autonomes, soit en soutenant d’autres organisations nationales et internationales.
Ainsi, je mets ici l’accent sur certains pays francophones tels que Haïti, Togo, Madagascar, le Mali et, croyez-le ou non, la Moldavie.
Étant moi-même originaire d’Haïti, je peux dire que les Haïtiens s’intéressent beaucoup plus au côté géoculturel de l’OIF qu’à son côté géopolitique. Or, même si on en parle peu, la Francophonie agit politiquement en Haïti.
Après le départ de l’ancien président Jean-Bertrand Aristide, la Francophonie a appuyé la résolution devant conduire à la Mission des Nations Unies pour la stabilité en Haïti (MINUSTAH). Toujours dans une visée de stabilité politique, en 2021, la secrétaire générale de l’OIF, Louise Mushikiwabo, a envoyé en Haïti une mission d’information et de contacts.
Le but était d’engager des consultations approfondies avec l’ensemble des parties prenantes en vue de contribuer, avec les acteurs nationaux et en lien avec les autres partenaires d’Haïti, à un règlement durable pour la crise politique et institutionnelle que traverse le pays depuis plusieurs années.
Le Togo, petit pays de l’Afrique de l’Ouest, a le français comme langue officielle et compte, selon le rapport de 2022, 41 % de francophones. Sur le plan politique, l’OIF est toujours aux côtés des Togolaise et Togolais.
Vers les années 1990, le Togo traversait une crise politique énorme mettant en face le pouvoir de Gnassingbé Eyadema et l’opposition. C’est ainsi qu’en 1998, avant même la déclaration de Bamako, la Francophonie a participé aux côtés d’autres organisations pour aider les Togolais à sortir de cette crise.
Plus récemment, en 2023, toujours à l’appui de sa mission pour la stabilité démocratique, l’OIF a joué le rôle d’expert à l’audit du fichier électoral au Togo.
Madagascar compte, lui aussi, une proportion élevée de francophones, soit 26 % de sa population. En 2009, le pays a connu une grave crise politique, ce qui fait que l’OIF a sanctionné Madagascar. En dépit de tout, elle est toujours aux côtés des Malgaches pour un retour à l’ordre constitutionnel.
Récemment, à travers sa mission d’expertise aux élections dans les espaces francophones, la Francophonie a assuré cette mission lors de l’élection présidentielle du Madagascar en novembre dernier.
Le Mali est aussi membre de la Francophonie. Sa population francophone est estimée à 17 %, selon l’OIF. Malgré ce pourcentage, nous pouvons dire que le rapport du Mali avec la Francophonie est préoccupant.
C’est ainsi que, après un coup d’État survenu en 2020, le conseil supérieur de l’OIF s’est réuni pour suspendre la République du Mali de ses instances. En dépit de cette situation, la Francophonie reste toujours déterminée à restaurer la démocratie malienne.
Le Conseil permanent de la Francophonie, qui est l’instance chargée de la préparation et du suivi du Sommet, sous l’autorité de la Conférence ministérielle, a décidé de « maintenir les actions de coopération bénéficiant directement aux populations civiles, ainsi que celles concourant au rétablissement de la démocratie ».
De plus, la Francophonie a collaboré avec la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MUNISMA), en mettant à la disposition des soldats non francophones une formation en langue française pour pouvoir mieux mener à bien leur mission.
Malgré ces efforts de la part de l’OIF, sa relation avec le Mali n’est pas si tendre sur le plan géopolitique. Récemment, la junte militaire qui dirige le Mali a décidé de retirer le français comme langue officielle du pays.
Si jusqu’ici on a l’impression que la mission de l’OIF en matière de défense et de sauvegarde de la démocratie concerne les pays à dominance politique faible, tel n’est pas toujours le cas. L’apport de la Francophonie se fait également sentir sur le continent européen, particulièrement en Moldavie.
La Moldavie est un pays d’Europe orientale comptant seulement 1 % de francophones.
Toutefois, les autorités moldaves sont très conscientes du rôle de l’OIF pour un pays comme le leur.
C’est ainsi que la sociolinguiste Olga Turcan signale « une ouverture, notamment au sens politique, de la francophonie en Moldavie, déterminée par la volonté politique, la prise de conscience par les acteurs moldaves du rôle de la francophonie dans le processus de rapprochement du pays de la communauté européenne ».
Sur la demande des autorités moldaves, la secrétaire Louise Mushikiwabo a dépêché une mission électorale à l’avance des élections législatives du 11 juillet 2021, en République de Moldavie. Conformément à son mandat, la mission s’est attachée à évaluer les conditions de préparation et de tenue des élections en Moldavie.
Au regard de tout ce qui précède, il est clair que la Francophonie assure sa mission géopolitique tout en considérant les particularités politiques de chaque pays francophone. C’est en ce sens que son action peut être différente d’un État membre à l’autre.
Johnsly Ira est stagiaire à l’Observatoire Nord/Sud de l’Université Sainte-Anne.