Jean-Philippe Giroux – IJL – Réseau.Presse – Le Courrier de la Nouvelle-Écosse
Originaire de Miramichi, au Nouveau-Brunswick, Kevin est à Halifax depuis maintenant cinq ans. Lui et son mari, qui est aussi Drag Queen sous le nom de Trinity Foxx, sont venus pour diverses raisons, notamment des possibilités de carrière plus alléchantes.
Halifax a également permis à Brooke Rivers de s’épanouir dans la scène locale, mais aussi au sein du réseau acadien et francophone de la Nouvelle-Écosse.
Au cours des dernières années, Brooke a contribué à plusieurs projets, dont l’événement scolaire Autour du feu 2023, la projection du documentaire Y a une étoile à Dartmouth ainsi que d’autres événements comme le Francofest.
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Néanmoins, le mariage de ses identités ne vient pas sans son lot de défis. « [Quand on est] Acadien, francophone et queer, on ne se voit pas souvent, et pas juste en drag. Je pense qu’être queer et francophone, c’est deux intersectionnalités qui ne se voient pas », mentionne M. Lemieux.
Il aimerait bien qu’elles se convergent, de quelconque manière. « Un full événement qui est queer et francophone, je n’ai jamais vu ça. Je pense que ça serait amazing ! »
M. Lemieux aimerait que les opportunités de faire de la drag en français soient plus nombreuses à Halifax et ailleurs dans la province. Le problème, selon lui, c’est qu’il ne s’agit pas de la première chose qui vient à l’idée d’organisateurs d’événements. Il n’y a pas non plus énormément d’artistes acadiens en Nouvelle-Écosse pour créer un collectif ou une scène de drag francophone dans une seule localité.
Dans le même ordre d’idées, d’autres questions lui sont venues à l’esprit. « Est-ce que j’ai pas eu l’invitation parce qu’ils ne sont pas au courant de qui je suis ou parce que la communauté n’est pas encore assez accueillante pour cela ? »
Une vraie découverte
Durant son enfance, Kevin Lemieux était une personne très artistique. Il était impliqué dans les arts de la scène comme le théâtre et la danse. « Être sur scène, c’était très naturel. »
Son amour de la drag s’est amplifié après avoir visionné la quatrième saison de l’émission américaine RuPaul’s Drag Race, qui met en lumière les talents de ce pays. Il aimait ce qu’il voyait et les histoires derrière les personnages.
Brooke Rivers est née peu de temps après à Fredericton, où M. Lemieux a poursuivi ses études postsecondaires. À l’époque, le bar gai en ville organisait une compétition pour la Fierté nommée So You Think You Can Drag? (Vous pensez pouvoir faire de la drag ?) à laquelle Brooke s’est inscrite.
À l’issue de la soirée, elle a remporté la première place. « Je pense que c’est vraiment de là où j’ai eu la piqûre pour le drag pis là, ça fait au-dessus de neuf ans que [j’en fais]. »
Brooke se concentre surtout sur la performance et le plaisir du spectacle. Mais, au fil des années, elle a ajouté des cordes à son arc en explorant différentes techniques de maquillage ainsi que la couture.
Ce personnage fait ressortir quelque chose d’autre chez Kevin. « J’essaie d’être une extravagante version de Kevin, confie l’artiste, une version plus over the top de moi-même. Kevin, c’est un gars assez réservé et calme, on va se le dire. Mais Brooke, une fois qu’elle est avec le public, c’est une femme très sociable. »
Un mal pour un bien
Ironiquement, à cause de la fermeture des bars en 2020, la pandémie a été un moment propice pour les drags afin de se faire découvrir.
Auparavant limitée aux espaces de vie nocturne, où la concurrence était souvent rude, la drag s’est trouvée dans de nouveaux lieux comme les microbrasseries et les restaurants pour présenter des soupers-spectacles et des drag brunches. « C’est là-dedans où on a trouvé un peu plus de notre succès, où le monde a commencé à nous voir », déclare Kevin Lemieux.
Depuis, il y a eu l’apparition de covid babies, dit Kevin, c’est-à-dire la prolifération du nombre de jeunes artistes queers qui cherchaient des endroits en ville pour présenter leur personnage de drag, réalisé à la maison durant la période de confinement.
Aujourd’hui, des scènes ouvertes ont été mises en place pour permettre à ces créatures de se voir et de développer leur propre sous-culture de drag. « C’est encore plus accessible que ça l’était », fait remarquer M. Lemieux.
Selon l’artiste, cette ouverture est aussi liée au fait que la société est un peu plus accueillante et acceptante qu’autrefois.
Brooke Rivers et son copain animeront un drag pageant, qui aura lieu ce février en collaboration avec Garrison Brewing Company. Les Drag Kings et Drag Queens dans leurs débuts sont invités à y participer.