Quel est le sport le plus populaire au monde ? Sans conteste ni contredit, c’est le football ou le soccer. À preuve, la Coupe du monde de football masculine, ayant lieu tous les quatre ans, est le deuxième événement sportif le plus suivi de la planète, après les Jeux olympiques d’été. Et si un jour c’était plutôt le basket-ball, ce jeu au ballon et au panier inventé par le Canadian James Naismith (1861-1939) et fortement associé à ses vedettes afro-américaines comme Michael Jordan et LeBron James ?
C’est certainement le rêve et le pari de la National Basketball Association, qui investit des ressources considérables afin d’étendre son réseau sur tous les continents (sauf l’Antarctique, certes !).
« On voit nos matchs partout, tout le temps maintenant. C’est quelque chose d’important. Il y a tellement de joueurs internationaux que peu importe que vous soyez du Sénégal ou d’Espagne, vous savez que vous pouvez atteindre la NBA. »
Voilà le constat dont faisait part Kim Bohuny, vice-présidente des opérations internationales de la NBA, au magazine Sports Illustrated qui, en 2018, consacrait un dossier à l’influence croissante des joueurs de l’étranger.
Bien entendu, il y a longtemps que le basket-ball jouit d’une notoriété à l’échelle mondiale. Sa première apparition aux Jeux olympiques remonte à 1904, à Saint-Louis (Missouri), et son adoption comme épreuve officielle date de l’édition de Berlin, en 1936, peu après la fondation de la Fédération internationale de basket-ball, ou FIBA (1932). Aujourd’hui, celle-ci regroupe 214 ligues nationales et, en plus de définir les règles et spécifications propres au jeu, veille à l’organisation de compétitions internationales.
Ce qui a changé depuis les années 1980, c’est l’internationalisation du basket-ball professionnel sur le continent nord-américain. Mes premières chroniques sur ce sujet ont signalé la proportion marquée de joueuses et joueurs de l’extérieur des États-Unis et du Canada au sein de la NBA et de la Women’s National Basketball Association – 20,2 % et 12,7 %, respectivement, au début de leurs saisons actuelles. Comment cette évolution est-elle survenue ? Reflète-t-elle des particularités de la conjoncture récente ou s’agit-il d’un véritable horizon d’avenir ?
À en croire le journaliste Joel Gunderson, auteur du livre The (Inter) National Basketball Association: How the NBA Ushered in a New Era of Basket-ball and Went Global (Sports Publishing, 2020), il faut tenir compte de deux moments charnières.
Le premier s’inscrivait dans le « dégel » de l’Union soviétique et du bloc communiste dès le milieu des années 1980. Le tournant s’est produit en 1988. Cette année-là, les Hawks d’Atlanta ont effectué une tournée en URSS, sur l’initiative du commissaire de la NBA, David Stern. Ensuite, l’équipe masculine soviétique a remporté la médaille d’or aux Jeux olympiques de Séoul (Corée du Sud) – tout un bouleversement ! (À noter que la médaille d’or de l’épreuve féminine a été obtenue par les États-Unis, suivis de la Yougoslavie et de l’URSS.)
C’est dans la foulée de ces développements historiques que les autorités soviétiques ont autorisé les sportifs évoluant derrière le rideau de fer à s’expatrier, y compris pour intégrer la NBA. À son tour, l’association s’est dotée d’un appareil de recrutement et d’implantation à l’échelle mondiale, c’est-à-dire le département des opérations internationales qui existe aujourd’hui.
Un deuxième tournant se serait produit aux JO de 2004 lors de la déconfiture de l’équipe masculine des États-Unis aux mains de l’Argentine. On se rappellera que c’est aux Jeux de 1992, à Barcelone (Espagne), que les pros de la NBA ont eu le droit d’être sélectionnés pour les équipes nationales. S’est formée alors la fameuse « Dream Team » qui rassemblait Michael Jordan, Magic Johnson, Larry Bird, Karl Malone et plusieurs autres vedettes. Douze ans après leur victoire écrasante, la défaite des États-Unis levait le rideau sur une ère nouvelle.
Selon Gunderson : « Cet été-là, tous ceux qui y ont prêté attention ont appris que, sans leur meilleur effort, les États-Unis n’étaient plus en mesure de sortir le ballon et de gagner de manière convaincante. Le reste du monde avait rattrapé son retard. »
Bien sûr, cette réalisation n’est pas tombée de nulle part. À l’aube du nouveau siècle, nombre de basketteurs de l’étranger avaient déjà laissé leur empreinte. L’administration de la NBA ainsi que les recruteurs des équipes en étaient venus à apprécier le style européen, davantage orienté vers la réussite de l’équipe que défini par les prouesses de quelques superstars.
L’initiative phare de la stratégie de l’association est la NBA Academy, fondée en 2016. S’appuyant sur des programmes antérieurs comme Basketball Without Borders, l’académie est implantée en Australie, en Inde, au Mexique et au Sénégal. Son objectif est de repérer le talent dans ces régions et d’appuyer le développement des athlètes, aussi bien femmes qu’hommes. Dans la dernière chronique, j’ai mentionné que la basketteuse Han Xu, qui assure le poste de pivot pour le Liberty de New York, est la première diplômée de la NBA Academy à être recrutée par une équipe de la WNBA ou de la NBA. D’autres joueuses et joueurs ont intégré des universités américaines, bourses à l’appui.
La NBA mise de plus en plus gros sur l’Afrique. Après la création en 2017 de la filiale africaine de la NBA Academy, une ligue continentale (Basketball Africa League, ou BAL) a été lancée l’an dernier, en collaboration avec la FIBA. Son président Amadou Fall, originaire du Sénégal, partage le rêve de Kim Bohuny : « Il y a une énorme opportunité de créer quelque chose de vraiment authentiquement africain qui pourrait être un foyer pour le formidable talent qui existe. »
À n’en pas douter, la tendance à l’internationalisation est en train de tracer la voie de l’avenir… tendance peut-être aussi passionnante que les finales, en cours depuis quelques jours, entre les Warriors et les Celtics !