le Vendredi 24 janvier 2025
le Vendredi 6 Décembre 2024 7:00 Lettre à l'éditeur

L’église Sainte-Marie de Pointe-de-l’Église, joyau du patrimoine acadien, vouée à la destruction?

  PHOTO : Jean-Philippe Giroux
PHOTO : Jean-Philippe Giroux
J’ai bondi de ma chaise lorsque j’ai entendu au Téléjournal Acadie que l’Archidiocèse d’Halifax & Yarmouth avait procédé à des appels d’offres pour faire détruire la plus grande église en bois en Amérique du Nord, l’Église Sainte-Marie de Pointe-de-l’Église.
L’église Sainte-Marie de Pointe-de-l’Église, joyau du patrimoine acadien, vouée à la destruction?
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Je salue bien bas et suis solidaire avec les différents comités de bénévoles qui ont tenté de sauver le monument. À titre de présidente de l’ancien comité de sauvegarde de l’Église de Bas-Caraquet, au Nouveau-Brunswick, qui a mené une lutte semblable de 5 ans pour sauver notre église de style gothique; je sais ce que ça veut dire de travail, de temps et d’efforts extraordinaires déployés par les bénévoles pour la sauver. Dans notre cas, l’évêque de Bathurst d’alors, Daniel Jodoin, l’a fait raser à la suite du cruel incendie dont elle a été la proie. Les gens de pouvoir sont rarement du côté du petit peuple! 

L’église de Sainte-Marie, cette icône du patrimoine religieux acadien, unique au monde, devrait être inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. 

120 ans d’histoire, témoin de l’acharnement des Acadiens pour vivre, vont-ils partir en poussière? 

Le peuple acadien déporté, revenu sur ses terres, sentinelle aux barricades de l’anglophonie en Amérique, a construit ce monument extraordinaire, à la hauteur de son histoire, de sa créativité, de son courage et de sa résilience. 

Au même moment, quelle ironie! Le monde jubile de joie à l’annonce de l’ouverture officielle de Notre-Dame de Paris rénovée par suite du terrible incendie qui en avait détruit une partie en 2019. Faisant douloureusement écho au terrible feu de notre magnifique église de style gothique en pierre de Bas-Caraquet et maintenant cette annonce terrible de vouloir détruire un autre monument extraordinaire de l’histoire des Acadiens, l’Église de Sainte-Marie. 

Après que c’est détruit, c’est perdu à jamais, c’est une décision comme la peine de mort non seulement pour le monument, mais aussi et surtout au peuple qu’il représente. Ne remarquez-vous pas que, petit à petit, on essaie toujours d’effacer notre histoire, notre culture et notre passage tel que ce qui est inscrit dans cette église? 

Ne pourrait-on pas s’attendre par suite des efforts herculéens fournis par les Acadiens pour la construire, la maintenir et la sauvegarder que la province de la Nouvelle-Écosse pourrait faire sa part? Il semble qu’elle réalise de plus en plus la valeur importante de l’Acadie et les retombées du Congrès mondial acadien pour l’ensemble des citoyens de la Nouvelle-Écosse. Ce qui a contribué à l’obtention du statut de membre observateur à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), une décision prise en France en octobre dernier lors du 19e sommet de la Francophonie. 

Ne pourrait-elle pas fournir un effort de justice réparatrice envers les Acadiens en avançant les fonds en partenariat avec le gouvernement fédéral pour sa rénovation et sa préservation? Tel un lieu patrimonial pour le peuple acadien en collaboration avec le gouvernement fédéral. Peut-être même que la Société Nationale de l’Acadie en collaboration avec la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse pourrait porter ce dossier devant le Président français pour y établir une fenêtre sur la France à Pointe-de-l’Église. 

Au pire qu’on l’entoure d’une clôture et qu’on la laisse mourir de sa bonne mort. Qui sait, peut-être qu’un jour un riche donateur sera prêt à la sauver mais si elle est détruite, il n’y a plus d’espoir, car elle sera perdue pour l’éternité. Il faut garder la flamme allumée.  

On parcourt le monde pour aller admirer les ruines du Parthénon à Athènes, celles du Colisée à Rome ou encore le Sphinx et les pyramides d’Égypte, personne ne semble parler de les rénover ou les réparer, simplement de les conserver. Que restera-t-il du peuple acadien quand on aura tout rasé?

Cette église exceptionnelle ne doit pas tomber! Ne peut pas tomber! Cela serait un sacrilège, une faute grave envers la mémoire du peuple acadien,  pour les générations qui suivront et le patrimoine mondial de l’humanité.  

Lucie Le Bouthillier

Présidente 

Ancien comité de sauvegarde

de la défunte église de Bas-Caraquet