Les victimes sont souvent questionnées: «Pourquoi n’êtes-vous pas parties?» Mais elles se demandent également: «Est-ce que mes enfants et moi serons plus en sécurité si nous partons?» Se trouvant sans ressource et menacées de ruine financière, de perte de logement ou de garde d’enfants, elles vivent dans la terreur de leur agresseur qui limite leur liberté. Prendriez-vous le risque de partir?
La violence conjugale postséparation commence rapidement, l’agresseur exploite les enfants pour maintenir son contrôle. Par exemple, il peut chercher les enfants à l’école, puis envoyer un simple message pour affirmer qu’il a le droit de les prendre, vu qu’il n’y a pas de jugement sur la garde.
Cette instrumentalisation des enfants mène de 30 à 60 infanticides commis par un parent chaque année au Canada, ce qui soulève la question: la sécurité des enfants est-elle une priorité? Avec de telles statistiques, il semble compréhensible qu’une mère choisisse de rester avec un ex-conjoint violent pour protéger ses enfants.
Les agresseurs prétendent souvent vouloir s’investir auprès de leurs enfants, mais, en réalité, ils traquent et harcèlent leur ex-partenaire. Lorsque les femmes signalent ces comportements, les autorités hésitent à intervenir, estimant qu’il s’agit simplement d’un père voulant voir ses enfants, sans reconnaitre les aspects criminels de son comportement.
Cela laisse la victime piégée, vivant une violence postséparation non reconnue. Bien que la Charte canadienne des droits et libertés garantit son droit à la vie, à la liberté et à la sécurité, la police ne peut pas protéger ce droit dans ce contexte.
Les victimes se retrouvent souvent de nouveau devant le tribunal. Si une mère demande des visites supervisées pour le père, elle est souvent accusée de ne pas collaborer et d’être responsable d’aliénation parentale, niant ainsi toute violence.
Pourtant, les Nations Unies dénoncent depuis deux ans la pseudothéorie de l’aliénation parentale, qui compromet la sécurité des enfants. Ce diagnostic n’est reconnu ni par l’Organisation mondiale de la Santé ni par les manuels officiels en santé mentale. Partirez-vous donc en sachant que personne ne protège vos enfants?
On ne cesse d’alléguer que les dénonciations de violence que les mères et enfants divulguent aux autorités sont fausses. Néanmoins, Justice Canada est d’avis que les allégations mensongères sont rares, étant seulement 4 % d’allégations fallacieuses.
Dès qu’un jugement mentionne l’aliénation parentale, cela mène à des ordonnances, telles que des «thérapies de réunification», un fardeau économique souvent payable par la mère, et puis, drastiquement, on rompt le lien mère-enfant pour assurer que la relation de l’enfant avec le père. Comment peut-on accepter dans notre société de briser le lien entre l’enfant et son parent protecteur pour imposer une relation de violence?
La Cour suprême du Canada affirme que «les abus et la violence familiale n’ont pas d’incidence sur les enfants et n’ont rien à voir avec la capacité parentale de celui qui en est l’auteur est intenable». Pourtant, les victimes perdent confiance dans le système judiciaire, dévastées en réalisant que leur sécurité n’est pas une priorité.
Même après un jugement final, l’agresseur peut prolonger le processus judiciaire, continuant d’abuser financièrement et juridiquement la victime. Bien que l’on pense que quitter la relation est la solution, on oublie que, pour une mère, elle se protège au dépens de la sécurité de ses enfants.
Partir n’est donc pas une option. L’abus continue après la séparation et involontairement facilité par le système, rendant ainsi la question «Pourquoi n’êtes-vous pas partie?» particulièrement délicate.
Cette lettre à l’éditeur est écrite par Julie Rioux du Mouvement des familles victimes de violence conjugale postséparation et Brenda Ottenbreit de Safe Child Saskatchewan.
N.B. Cette situation est représentative de ce que vivent de nombreuses survivantes de violence après la séparation à travers le Canada, et ne se limite pas à un cas spécifique.