Avez-vous déjà entendu le moulin? Il peut vous parler. Écoutez bien et vous l’entendrez. Oubliez le présent et reculez dans le passé.
En 2003, le Sénateur Gerald Comeau réunissait une équipe pour faire des réparations au moulin dans le but de le faire scier de façon sécuritaire en vue d’attirer les touristes.
C’est l’été 2004, été du Congrès mondial acadien en Nouvelle-Écosse. Il est 3 heures de l’après-midi et les touristes sont nombreux.
L’équipe du moulin est là aussi. Équipe composée d’un contremaître, soit le Sénateur Gerald, d’un scieux, d’un rouleux, d’un ratteux, d’un gars sur la hallup, d’un gars derrière la grande scie, d’un déligneux, d’un marqueux et d’un gars sur le trimmeux de bois à feu. Oui c’est toute une équipe. Bénévoles et tous professionnels à la retraite.
Le contremaître explique aux touristes ce qui va se passer avec les consignes de sécurité. On peut entendre le bruit sonore de l’eau qui déverse par la sluce et de par quelques fuites en dessous du moulin. L’eau de la rivière Meteghan est haute et la turbine a envie de tourner – grand moment d’attente.
Le contremaître fait signe au scieux de rouvrir la pelle qui contrôle l’eau vers la turbine. Le scieux tourne la roue rouge de toutes ses forces, ce qui contrôle la pelle. L’eau rentre dans le coffre, ce qui laisse passer un grand volume d’eau dans la turbine Little Giant.
Tranquillement, la turbine avec ses neuf forces (HP) commence à tourner et en même temps toute la machinerie tourne aussi. La grande roue d’inertie qui pèse plus d’une tonne se met aussi en marche.
Plus ça tourne vite, plus le moulin vibre et se secoue. La grande scie commence à chanter sa chanson. La déligneuse siffle de plus en plus fort. Le moulin se secoue. C’est le vacarme! Les touristes semblent un peu apeurés.
Tous les bénévoles sont à leurs postes.
Le scieux fait signe au rateux d’attacher la chaine de la hallup au billot qu’il a amené au pied de la hallup. Le gars de la hallup fait monter le billot dans le moulin.
Ensuite, il aide au rouleux à placer le billot mouillé su la karridge (chariot à grumes de scierie) et le piquer en place avec les dogues.
Le scieux fait avancer la karridge lentement en activant le frein de celle-ci et en même temps il décide comment il veut couper le billot et quelles dimensions de bois il veut en sortir. Il s’agit de calculs rapides sans ordinateur.
La karridge avance lentement dans les dents de la scie et le bruit aigu que ça fait pourrait réveiller les morts! Le moulin se secoue de plus en plus. Les touristes sont inquiets, mais sont surpris de voir les planches se former. Le moulin reste solide en place.
Le scieux forme les planches les unes après les autres, sur une période d’un quart d’heure. Ça prend du temps, car la turbine n’a que neuf chevaux et il y a beaucoup de machines qui travaillent ensemble. Le bruit intense des scies et des poulies reste constant.
Entre-temps toutes les planches sont passées dans la déligneuse avec son cri perçant pour les rendre de la même largeur. Celles-ci sont passées au marqueux qui marque la dimension sur chacune, en tenant compte de combien de pieds de bois qui passent au bout du moulin pendant la journée.
Le trimmeux de bois à feu s’occupe de couper les croutes et les délignures en morceaux de 16 pouces.
Le contremaître voit que les touristes en veulent plus. Il ordonne de faire monter d’autres billots et ça continue.
Enfin, le contremaître donne le signe de fermer la pelle. La machinerie ralentit et s’arrête – tout est silencieux pour un long moment. Mais le bruit intense et le secouage du moulin restent dans la tête.
Après un instant de silence, les questions des touristes abondent.
Mais tout ceci n’est pas arrivé tout seul. L’équipe formée en 2003 devait ajuster la machinerie, refaire des pièces de la turbine, refaire le coffre et remplacer des pièces de bois pourri de la chaussée (barrage).
C’est sous la direction technique de Camille (à Albénie) Maillet et Donald (à Élie) Comeau que le travail fut fait. Sans leur expertise les bénévoles auraient été perdus. De plus, Victor (à Edouard) Gaudet a modifié un gros morceau de machinerie pour mieux contrôler la pelle.
Finalement, il est important de remercier les bénévoles les plus actifs qui ont travaillé au moulin pendant les quelques années qui ont suivi le Congrès.
Il s’agissait de Robert et Lawrence Thériault, Willis Comeau, Hector Boudreau, Hubert Robicheau, Élie Thimot et Albert Geddry. Ce groupe était mené par un sénateur canadien et composé de deux ingénieurs en électrique, un ingénieur en mécanique, un technicien d’entretien d’avions, un ingénieur en industriel, un inspecteur retraité de la GRC et un brigadier général retraité de l’armée. Du talent en masse!
Le moulin vous a parlé. L’avez-vous entendu comme si vous aviez été là? Moi je l’ai entendu. Une voix que je ne pourrai jamais oublier.
N.B. Certains mots ou expressions dans ce texte étaient utilisés autrefois dans nos moulins.