Bobby Therrien
IJL – Réseau.Presse – Acadie Nouvelle
Des gens qui confirment un rendez-vous chez la coiffeuse ou l’esthéticienne, mais qui ne se présentent pas ou des réservations qui ne sont pas honorées au restaurant. Ce ne sont que quelques situations frustrantes auxquelles doivent faire face certains entrepreneurs et travailleurs autonomes.
Au Québec, l’Association Restauration Québec (ARQ) lançait, en janvier 2023, un sondage auprès de restauratrices et restaurateurs de la province afin de recueillir des données sur le phénomène.
Elle a appris que 65,8% des répondants dit avoir constaté une augmentation. Une proportion de 44,5 % a dit la subir à l’occasion, alors qu’elle est plus fréquente dans 32,9% des cas.
L’ARQ a estimé que chacun de ses restaurateurs perd, en moyenne, près de 50 000$ annuellement en raison de ce problème.
«Il faut, par exemple, acheter la nourriture en quantité suffisante auprès de son fournisseur alimentaire, et ce, dans les délais prescrits, afin de recevoir sa commande à temps. Il faut aussi penser à mettre à l’horaire assez de personnel pour assurer le meilleur service possible. La réservation est un outil qui jumelle à la fois un service à la clientèle et un service de planification pour l’exploitant», peut-on lire dans un communiqué de l’ARQ.
Plus près de nous, au Nouveau-Brunswick, il semble que cette tendance existe également, même si elle demeure difficile à quantifier.
Des travailleurs autonomes et entrepreneurs interrogés ont confirmé que ce fléau existe aussi dans la province.
C’est d’ailleurs le cas de Lucie Rossignol, une esthéticienne à la Clinique Laser Jouvence d’Edmundston. Elle raconte qu’elle et ses collègues vivent des situations du genre sur une base hebdomadaire.
Selon elle, une personne qui annule son rendez-vous sans préavis l’empêche de recevoir un autre client, ce qui engendre des pertes financières.
Ça représente une perte d’argent, car pour la majorité des personnes dans notre domaine, c’est leur salaire.
Mme Rossignol dit avoir constaté, sans vraiment savoir pourquoi, que la situation a empiré depuis la pandémie de la COVID-19.
«Il y a toujours eu des “no show”, mais, au niveau des annulations, je trouve que depuis la covid c’est pire.»
La directrice générale de la Chambre de commerce d’Edmundston, Cathy Pelletier, explique que ce ne sont pas tous ses membres qui œuvrent dans un domaine affligé par le «no show». Elle admet qu’il s’agit néanmoins d’un problème pour certains d’entre eux.
«Dans des domaines comme la coiffure et l’esthétique, il faut réfléchir à ça, car on joue avec leur salaire. Quand les gens annulent et ne se présentent pas, ce n’est pas plaisant pour la personne qui offre le service, car elle a un horaire très chargé et elle doit faire des pieds et des mains en raison des annulations de dernière minute.»
Pour la propriétaire du restaurant Chantal’s Steak House, Chantal Sirois, ce genre de situation se produit rarement.
C’est peut-être plus une affaire de grande ville. Les gens ont plus de choix que dans une plus petite ville comme la nôtre.
Cependant, elle juge que le fait de composer avec des clients qui n’honorent pas leur réservation peut devenir frustrant et dispendieux.
«Une table de deux, ça peut être correct, mais quand tu es rendu à une table de 15 qui ne se présente pas, c’est une autre histoire. Ce n’est pas juste l’argent des clients que l’on perd, c’est aussi des salaires, car on doit faire entrer des employés supplémentaires.»
Selon Mme Pelletier, dans un univers où le client est souvent roi, ces mêmes travailleurs autonomes, qui ont été mis dans l’embarras par un client qui a agi de la sorte, devront tout de même le servir la prochaine fois.
«C’est quelque chose dont on entend parler de plus en plus souvent, en particulier sur les réseaux sociaux, alors il devient important de sensibiliser les gens à prendre leurs responsabilités ou d’assumer leurs gestes.»
Lucie Rossignol soutient que ce type de comportement peut également pénaliser le client qui pourrait devoir attendre longtemps avant d’avoir un autre rendez-vous.
Du côté de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, le vice-président pour les provinces de l’Atlantique, Louis-Philippe Gauthier, indique que des propriétaires d’entreprises lui ont déjà parlé de cette réalité, mais que ça reste surtout anecdotique.
«Il y a certains types d’entreprises dans lesquelles ça a plus d’effets que d’autres. Dans les cas où c’est devenu un gros problème, je suis convaincu qu’il y a des entrepreneurs qui ont pris des mesures pour l’atténuer, comme un frais d’annulation ou quelque chose du genre.»
«Ça, c’est une réalité partout. Quand un entrepreneur est affecté par quelque chose, il sera obligé de prendre une décision afin de voir comment la clientèle va réagir (…) Il y a une raison pour laquelle le dentiste va te contacter 24 à 48 heures avant pour te rappeler ton rendez-vous.»
Tout comme l’analyse de l’ampleur du phénomène du «no show» au Nouveau-Brunswick, M. Gauthier admet que les mesures qui auraient pu être prises pour contrecarrer cette problématique n’ont pas été quantifiées par la FCEI.
«Il n’y a pas de doute que le phénomène existe et pour certaines entreprises, quand tu fonctionnes à capacité limitée, ça cause des problèmes et des pertes de revenus.»
Dans un contexte où beaucoup d’entrepreneurs comme des travailleurs autonomes ou des restaurateurs ont été affectés par les effets de la pandémie et de l’inflation, Jean-Philippe Gauthier ne croit pas que ceux-ci méritent de composer avec un problème supplémentaire qui peut facilement être évité.
«Je dirais que le conseil que je peux donner est, par pure courtoisie, de prendre le téléphone et d’appeler pour dire que vous allez manquer votre rendez-vous. Ça donne la chance à l’entrepreneur de remplir cet espace de temps qui a une si grande valeur.»
Pour sa part, le PDG du Conseil économique du Nouveau-Brunswick, Gaëtan Thomas, soutient que la problématique du «no show» n’a jamais été abordée dans les discussions avec ses membres.
«Si ça avait été une problématique commune, j’en aurais entendu parler (…) Je n’ai pas raison de croire que c’en est une avec mes membres.»
Quels sont les recours?
Selon Louis-Philippe Gauthier, les entreprises mettront des procédures en place selon leur réalité et les limites de ce qui peut être fait.
«Il y a les normes et les mœurs. L’entreprise connaît généralement bien comment ses clients interagissent avec elle et comment ils vont réagir si elle prend une décision quelconque.»
Je suis persuadé que si on sondait les entrepreneurs, on trouverait plusieurs différentes façons de faire.
À la Clinique Laser Jouvence, la clientèle obtient habituellement trois chances. Si elles ont toutes été épuisées par le même client, Lucie Rossignol explique que l’entreprise exigera un dépôt lors du rendez-vous suivant.
L’esthéticienne explique que, ironiquement, la clinique paie pour un système électronique qui se charge d’avertir les clients 48 heures à l’avance.
Ce genre de logiciel est d’ailleurs monnaie courante. Chantal Sirois utilise un système permettant d’envoyer une confirmation par texto.