Farida Agogno – IJL – Réseau.Presse – Le Courrier de la Nouvelle-Écosse – Atl
M. Léger est spécialiste des minorités francophones et suit de près le modèle acadien néoécossais depuis plusieurs années.
Selon M. Léger, ce modèle repose sur trois piliers majeurs : les circonscriptions acadiennes, la Loi sur les services en français et la Loi sur l’éducation en langue française.
Ce modèle néoécossais se distingue par ses spécificités uniques au Canada, notamment les circonscriptions acadiennes, qui visent explicitement à encourager la présence de députés acadiens à l’Assemblée législative.
Et la Loi sur l’éducation en langue française, récemment adoptée, accorde un rôle spécifique au Conseil scolaire acadien provincial, renforçant ainsi la position de la communauté acadienne dans le système éducatif de la province.
Toutefois, M. Léger précise que ce modèle reste fragile en rappelant l’abolition des circonscriptions acadiennes en 2012 et les révisions apportées à la Loi sur les services en français par le gouvernement néodémocrate en 2011.
Ces abolitions ont entrainé des luttes politiques et juridiques de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE), du Conseil jeunesse provincial et d’autres organismes.
Ces efforts ont porté leurs fruits en 2019, lorsque le rapport de la Commission de délimitation des circonscriptions a recommandé le rétablissement des circonscriptions électorales exceptionnelles pour une représentation effective des Acadiens et Afro–Néoécossais.
Ces évènements illustrent la précarité des acquis de la communauté acadienne, qui nécessitent une vigilance constante. Même la nouvelle loi sur l’éducation, bien qu’importante, a mis des années à voir le jour et son impact concret sur le terrain reste à démontrer.
«Depuis une trentaine d’années, la tendance est à la fragilité, [ce qui pousse] la population acadienne à rester aux aguets [et] de ne pas s’assoir sur ses lauriers», confirme l’auteur.
Malgré ces avancées, la population acadienne de Chéticamp demeure exclue des circonscriptions dites protégées ou exceptionnelles, une situation qui perdure depuis l’instauration de cette loi.
«Je pense que l’absence d’une circonscription pour Chéticamp crée une injustice entre les régions acadiennes en Nouvelle-Écosse», déplore M. Léger.
Selon lui, la raison de cette injustice évoquée par certains est que Chéticamp soit relativement petite par rapport aux autres régions. «Tout cela me semble être un faux débat parce que le modèle néoécossais sur la représentation effective n’est pas un modèle dans lequel on trace des frontières électorales autour de la population acadienne», dit-il.
«La circonscription d’Argyle ou la circonscription de Clare, ce ne sont pas des circonscriptions exclusivement acadiennes. L’idée du modèle de la représentation effective en Nouvelle-Écosse, c’est augmenter les chances à ce qu’un député ou une députée acadienne soit élu», renchérit-il.
L’absence d’une circonscription pour Chéticamp a conduit la FANE à déposer un avis de requête à la cour suprême de la Nouvelle-Écosse en 2021.
Le Courrier a contacté la FANE et a reçu une déclaration.
Une audience a eu lieu en octobre 2023. La FANE confirme qu’elle est en attente d’une décision de la cour, qui a reporté la mise à jour ce mois-ci. Donc l’organisme espère avoir des nouvelles les jours à venir.
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Lorsque contacté pour un commentaire sur la circonscription pour Chéticamp, l’Office des affaires acadiennes (l’OAAF) a répondu que «parce que la question est toujours devant les tribunaux, nous ne pouvons pas offrir de commentaire pour le moment».
Concernant la loi des services en français, la révision de 2011 a été transférée de l’autorité de l’OAAF au ministère des Communautés, de la Culture et du Patrimoine.
La FANE s’est mobilisée pour restaurer l’autorité de l’Office. Ce fut une décision adoptée par le gouvernement en 2016.
Pour l’OAAF, le ministre et le bureau travaillent ensemble pour s’assurer que les droits linguistiques des Acadiens et des francophones sont respectés et que leurs besoins sont pris en compte dans les services offerts par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse.
Néanmoins, M. Léger souligne que l’ambigüité de cette loi persiste, car bien que les Affaires acadiennes relèvent de l’autorité du ministre responsable de l’Office, le texte de loi sur les services en français mentionne toujours que les Affaires acadiennes relèvent du ministre de la Culture et du Patrimoine.
«Je pense qu’il y a tout un travail à faire pour clarifier les ambigüités. C’est une loi qui date de presque deux décennies, donc c’est probablement le temps de la mettre à jour», complète l’auteur.
L’OAAF confirme qu’elle travaille en partenariat avec des organismes et acteurs communautaires pour s’assurer que les services en français disponibles répondent aux besoins de la population acadienne et francophone.
«Les secteurs où le gouvernement provincial continuera de concentrer ses efforts incluent les services gouvernementaux en français, les services et les soins de santé, la santé mentale et le traitement des dépendances, les ainés, l’immigration francophone et le maintien en place des nouveaux arrivants francophones en Nouvelle-Écosse, ainsi que le développement économique francophone», conclut l’OAAF.