Farida Agogno – IJL – Réseau.Presse – Le Courrier de la Nouvelle-Écosse – Atl
Mike Howlett, président sortant de l’Association canadienne des médecins d’urgence (ACMU), et Matthew Murphy, directeur des données de Santé Nouvelle-Écosse, pointent les défis du personnel et la planification des soins, tout en rassurant sur la qualité des soins fournis.
M. Howlett attribue l’augmentation de la mortalité dans les services d’urgence au Canada au surpeuplement de ce département.
Il précise que ce problème concerne surtout les personnes gravement malades qui ne trouvent pas de lit d’hospitalisation, contrairement à l’idée que ce sont principalement les patients atteints de maladies mineures.
M. Howlett évoque que des études menées au Royaume-Uni, aux États-Unis, au Canada et en Australie montrent que le taux de mortalité augmente lorsque les patients des urgences ne peuvent pas accéder à un lit d’hôpital. L’absence de ressources adéquates pour les soins aigus en hospitalisation fait grimper le taux de mortalité.
La province a enregistré 666 décès cette année, soit une augmentation de 19 % par rapport aux 558 décès de l’année précédente.
Matthew Murphy, directeur des données de Santé Nouvelle-Écosse, insiste sur le fait que chaque chiffre représente une personne et une famille, et que chaque décès est pris très au sérieux. Il reconnaît l’augmentation du nombre de décès, mais mentionne également une variation d’une année à l’autre.
M. Murphy explique que les patients arrivant aux urgences sont triés selon l’échelle du triage d’acuité canadienne (TAC), allant de 1 (le plus urgent) à 5 (le moins urgent). Ces dernières années, il y a eu une hausse significative des cas avec des scores TAC de 1, 2 ou 3, et une diminution des scores TAC de 4 et 5, indiquant une augmentation des cas aigus. Elle entraîne une augmentation naturelle des taux de mortalité en raison de la complexité et de la gravité accrues des patients.
Une autre raison est le stress subi par les urgentistes, selon M. Howlett. Ce dernier avance que le personnel des urgences est souvent sous une pression énorme, gérant des patients dans des conditions difficiles, comme dans les couloirs, ou des personnes âgées sur des brancards pendant plusieurs jours.
M. Howlett souligne que le stress vécu par le personnel des urgences, souvent sous une pression énorme et manquant de ressources, contribue également à la hausse de la mortalité. Le manque de formation adéquate et l’épuisement professionnel conduisent certains à quitter leur poste, aggravant ainsi le problème.
De plus, les formations en soins critiques et en médecine d’urgence n’ont pas suivi la demande croissante, exacerbant le manque de personnel.
Il critique également le manque de planification gouvernementale pour les soins de longue durée, obligeant des patients à rester à l’hôpital pendant des semaines, voire des mois.
Il cite le cas de sa belle-fille qui a dû passer beaucoup de temps aux urgences en attendant d’être admise pour un cancer de stade 4.
D’après le président de l’ACMU, la pandémie de la COVID-19 a exacerbé la pénurie de lits et mis en lumière ces problèmes. Bien que la COVID-19 n’ait pas créé ces défis, il les a rendus plus visibles. Les difficultés d’accès aux lits et les retards de soins persistent, entrainant des décès supplémentaires aux urgences.
Le Courrier a contacté le ministère de la Santé et du Bien-être, mais n’a pas reçu de réponse avant la publication de cet article.
M. Howlett appelle à une meilleure planification des ressources humaines et à des financements ciblés sur les besoins essentiels, plutôt que sur des solutions temporaires.
Il souligne que les soins virtuels ne peuvent remplacer les soins critiques d’urgence, et qu’il est crucial de valoriser les travailleurs de première ligne et d’améliorer les soins de longue durée pour les personnes âgées.
Malgré les problèmes cités, M. Murphy affirme qu’il n’y a pas de corrélation entre les fermetures de services d’urgence et une augmentation de la mortalité. Il insiste sur le fait que la pénurie de ressources n’est pas un problème.
«Il serait malhonnête de dire que nous n’avons pas de défis importants en matière de personnel, lorsque nous connaissons des fermetures. Cependant, nous voyons des investissements constants dans tout le système de santé, ce qui le rend plus attractif en tant que lieu de travail», avance-t-il.
Des mesures comme le déchargement des ambulances en moins de 30 minutes ont amélioré la gestion des soins d’urgence en Nouvelle-Écosse, réduisant les délais et accélérant les transferts de patients.
M. Murphy rappelle que des mesures ont été mises en place pour améliorer la gestion des soins aux urgences en Nouvelle-Écosse. C’est le cas du déchargement des ambulances en moins de 30 minutes.
En six mois, ces initiatives ont considérablement réduit les délais de déchargement, permettant aux services d’urgence de répondre plus efficacement aux appels communautaires. Les améliorations incluent une réduction des temps d’attente et une accélération des transferts des patients vers les unités d’hospitalisation, tout en surveillant régulièrement les effets pour éviter des conséquences imprévues.
Pour le président de l’ACMU, il est crucial de réorienter les priorités, mieux planifier les ressources humaines, et cibler le financement sur les besoins essentiels plutôt que sur des solutions temporaires.
Les soins virtuels ne remplacent pas les soins critiques en urgence. Ainsi, il est important de valoriser les travailleurs de première ligne et d’améliorer les soins de longue durée pour les personnes âgées.
«Il est compréhensible que les informations sur les décès aux urgences puissent être inquiétantes pour les Néoécossais. Cependant, je tiens à rassurer tout le monde : nos services d’urgence sont extrêmement surs et offrent des soins de haute qualité», rassure M. Murphy.
«Malgré les préoccupations concernant l’augmentation des décès, nos équipes travaillent avec efficacité et professionnalisme. Il est crucial de se rappeler que, en cas d’urgence, il faut appeler le 911 en toute confiance, sachant que vous recevrez les meilleurs soins possibles», conclut-il.