C’est ce que j’ai pu constater en participant à la 10e édition du Parlement francophone des jeunes (PFJ) comme membre de la délégation canadienne. Cette simulation parlementaire internationale s’est déroulée à Montréal, du 4 au 9 juillet dernier.
En tant qu’étudiante de maitrise habituée à vivre en milieu francophone minoritaire, j’ai été surprise et ravie de pouvoir passer une semaine entourée de gens d’une quarantaine de pays différents, dont plusieurs pays que je connaissais très peu, et d’utiliser presque exclusivement le français pour communiquer entre nous.
Le PFJ est organisé par l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF), un organisme de collaboration internationale, qui compte 92 États et organisations membres. Ce parlement jeunesse est destiné aux jeunes de 18 à 25 ans et a lieu tous les deux ans en même temps que la session de l’APF, qui réunit des parlementaires de toutes ses sections membres.
Le PFJ constitue à la fois une formation civique, qui permet aux participant(e)s de découvrir le travail législatif, ainsi qu’un espace où les jeunes s’expriment en élaborant des résolutions, qui sont ensuite présentées aux vrai(e)s parlementaires.
Les participant(e)s du PFJ sont divisé(e)s en quatre commissions, c’est-à-dire des comités qui se penchent sur un enjeu particulier. Ma commission s’intéressait à «la promotion des usages officiels et populaires de la langue française au XXIe siècle».
Ce thème a engendré de riches échanges entre les jeunes de quatre continents. Nos discussions ont porté sur les stratégies pour favoriser l’usage du français auprès de la jeunesse et, dans certains cas, sur notre rapport personnel à la langue française. Elles m’ont ainsi permis de réfléchir au concept de francophonie dans un contexte international.
Au Canada, où il peut être difficile de recevoir des services en français, les communautés francophones et acadiennes ont pendant longtemps été marginalisées et le sont toujours à plusieurs égards. Toutefois, dans d’autres pays, par exemple dans divers pays africains, le français, héritage de la colonisation, est surtout parlé à l’école et dans les instances politiques et administratives du pays. La population parle une autre langue à la maison, qu’il s’agisse d’un créole ou d’une langue autochtone locale.
Une réalité bien différente existe dans certains pays européens, où le français n’est pas une langue officielle et n’est même pas particulièrement utilisé dans l’espace public, mais où des jeunes choisissent d’étudier en français par amour pour la langue ou parce qu’elles et ils considèrent que le français leur sera utile dans le monde du travail. La diversité de points de vue dans ma commission nous a permis d’élaborer une résolution constituée d’observations et de recommandations destinées aux membres de l’APF.
Les délibérations pour aboutir à cette résolution n’ont pas été de tout repos. Cet exercice m’a permis de constater que participer à la diplomatie, ça signifie parfois sacrifier une idée qu’on aurait voulu inclure dans la résolution finale parce qu’elle ne cadre pas tout à fait avec l’enjeu qui nous a été assigné. Ça peut même vouloir dire accepter que nos collègues rejettent une clause qui nous tient à cœur parce qu’elle n’interpelle pas la majorité d’entre elles et eux. Dans ce cas, il faut quand même travailler en équipe pour écrire la meilleure résolution possible.
Sur une note plus heureuse, je me suis rendu compte que la diplomatie implique aussi de se découvrir des objectifs en commun avec des gens qui peuvent sembler très différents de nous. À la fin de nos discussions, ma commission avait élaboré des clauses originales portant sur les enjeux liés à la langue française qui touchent de près les jeunes.
Nous étions d’accord sur plusieurs priorités, parmi celles-ci : augmenter la découvrabilité des contenus francophones sur Internet, l’étude et la description des variétés régionales de français et une éducation qui prend en compte ces variétés de français ainsi que les langues locales et nationales des nombreux endroits où le français cohabite avec d’autres langues.
Au-delà des activités politiques, ce sont les rencontres que j’ai faites qui m’auront le plus marqué au PFJ. J’ai adoré faire découvrir la ville de Montréal et le Canada aux autres participant(e)s. Évidemment, en tant que jeunes adultes passionné(e)s de politique, nous avons discuté de systèmes parlementaires et d’actualités internationales, mais nous avons aussi partagé des fous rires et des sorties nocturnes.
Loin d’être homogène, notre groupe comptait des étudiant(e)s en sciences politiques, d’autres en médecine, une étudiante en lettres classiques et en histoire, un diplômé en architecture et bien d’autres profils.
Comme le PFJ se déroulait en même temps que les réunions de l’APF, j’ai aussi fait la connaissance de vrais parlementaires. Le président de la Chambre des communes du Canada a prononcé un discours lors de notre première journée d’activité. Plus tard, j’ai croisé les sénateurs acadiens René Cormier et Réjean Aucoin et le député provincial néo-brunswickois Daniel Allain. Un membre de la délégation canadienne m’a même présenté à Raymonde Gagné, la présidente du Sénat canadien.
Je ne sais pas si je vais recroiser les personnalités politiques que j’ai rencontrées la semaine dernière, mais je n’ai aucun doute que les amitiés que j’ai tissées avec les autres jeunes seront durables et que nous allons continuer à échanger longtemps après le PFJ.
Bien que je n’aspire pas nécessairement à une carrière politique, cet évènement aura été pour moi une expérience exceptionnelle. Le PFJ et les évènements du genre offrent une initiation aussi agréable qu’efficace à la diplomatie et au parlementarisme.
Si j’avais à résumer ma semaine en une phrase, je dirais que le PFJ combine l’énergie et les amitiés inattendues d’un camp d’été avec le travail acharné et la réflexion d’un séminaire d’université, le tout accompagné de franches discussions sur tous les sujets possibles pendant et après les blocs de débat officiels.
Marianne Arseneau, Université d’Ottawa et Observatoire Nord/Sud.