D’un père français de Saint-Pierre-et-Miquelon et d’une mère purement acadienne de l’Isle Madame, cette Zarouche a grandi à La Pointe et a fréquenté l’école de Petit-de-Grat en anglais.
Dans son jeune temps, les écoles francophones en Nouvelle-Écosse, ça n’existait pas encore. Même si les enseignants étaient, pour la majorité, des Acadiens de l’Isle, les cours se donnaient en anglais. Mais soyez sûr que les élèves se parlaient en français entre eux dans la cour d’école et à l’extérieur de l’école.
Après le secondaire, elle a choisi de quitter l’Isle pour aller étudier à l’Université de Moncton et ensuite à l’Université du Cap-Breton. Mais elle trouvait qu’il manquait un petit quelque chose. Elle avait envie d’aventure, de voir du pays.
Vers l’âge de vingt ans, elle a entendu qu’un de ses cousins était dans les forces armées canadiennes et elle a eu envie d’essayer la même chose. C’était un terrain plutôt inconnu, nouveau, et excitant qui répondrait peut-être à son besoin d’aventure !

Quelques-unes des distinctions de Rochelle Heudes.
Une carrière militaire
Mme Heudes s’est dirigée vers Cornwallis, où elle s’est enrôlée dans l’armée. Elle a commencé en tant que commis, un travail qui ressemble un peu à une agente aux ressources humaines, avec des tâches administratives.
Elle y a travaillé pendant quelques années, tout en commençant à accumuler les distinctions. Dans ses premières années, elle avait gagné la meilleure athlète et le commandant shield pour le meilleur soldat.
Parce qu’elle était bilingue, elle s’est ensuite fait muter vers la capitale nationale, où elle est restée jusqu’à son premier déploiement en Yougoslavie, maintenant connu comme la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, la Serbie et la Macédoine du Nord.
Là-bas, elle a fait partie d’une équipe de Casques bleus, et c’était le 2e Général canadien qui était en charge de la mission. Sur le site Internet des Nations Unies, on peut lire que « les Casques bleus participent activement à la protection des populations civiles, à la prévention des conflits, à la réduction de la violence et au renforcement de la sécurité sur le terrain ».
En revenant de la Croatie, elle a été mutée à Winnipeg avec les fantassins, qui font partie de l’armée de terre. « Les fantassins sont la principale force combattante de l’armée canadienne, peut-on lire sur le site Internet des Forces armées canadiennes. Leur rôle consiste à s’approcher de l’ennemie et à l’anéantir. »
À cette époque, Mme Heudes était l’une des seules femmes de son bataillon. « C’était vraiment comme jouer à la guerre, raconte-t-elle. Pareil comme tu vois dans les films : on shootait avec des mitraillettes pis la terre r’volait ».
Elle a donc troqué son casque bleu pour un casque blanc et c’est avec cette nouvelle équipe, qu’elle s’est rendue de nouveau en Yougoslavie, où les conflits et les guerres civiles pour l’indépendance étaient encore bien présents.
À son retour de la Bosnie, Mme Heudes a été mutée aux forces armées spéciales du Canada ; Joint Task Force 2 (Deuxième Force opérationnelle interarmées). « L’élite de l’élite », dit Mme Heudes en souriant.
Quand j’ai essayé de lui demander ce qu’ils faisaient de différent dans cette unité, elle m’a souri et m’a répété qu’il s’agit des forces spéciales. « On peut pas vraiment dire qu’est-ce qu’on fait », confesse-t-elle.
Elle a ensuite rajouté des débuts de phrase en restant très vague comme « c’était comme…, c’était vraiment …» avant de changer de sujet, toujours le sourire aux lèvres.
Elle a ensuite postulé pour le Programme de formation universitaire pour militaires du rang – Force régulière, en français. Il faut savoir que le Collège royal militaire du Canada offre des cours pour les gens qui sont enrôlés dans l’armée. Mme Heudes a obtenu un baccalauréat en arts et sciences militaires.
Mme Heudes a ensuite été commissionnée comme officier avant de partir pour la base militaire de Valcartier, au Québec, avec la 5e ambulance de campagne, l’une des unités de soins médicaux des forces.
Pour ses premières tâches au Québec, Mme Heudes était responsable des ambulances. « Il y avait beaucoup d’action », mentionne-t-elle.
Elle s’est ensuite dirigée vers une clinique sur la base militaire de Gagetown, au Nouveau-Brunswick, où elle était gestionnaire des services d’appui.
Après Gagetown, elle est retournée dans les Forces spéciales pour le Régiment d’opérations spéciales du Canada (ROSC) où elle a été capitaine adjudant. Elle a ensuite suivi un cours au Texas pour obtenir une promotion au grade de major avant d’atterrir au premier hôpital de campagne de Petawawa, en Ontario.
Quelques mois plus tard, en janvier 2010, un tremblement de terre d’une magnitude de 7.0 se produit en Haïti avec conséquences désastreuses. Mme Heudes partira là-bas pour trois mois dans le but de construire un hôpital et d’apporter des soins aux habitants de ce pays durement touché par le séisme.
Quelque temps après son retour d’Haïti, la militaire s’est retrouvé à Montréal au QG du 4e Groupe des services de santé, où elle a été responsable des ressources humaines d’environ 23 cliniques et unités, de l’Ontario à la Nouvelle-Écosse.
Son parcours dans l’armée canadienne, en plus de lui faire voir beaucoup du Canada, l’a aussi apporté en Romanie, en Allemagne, en Israël, au Portugal, en France, en Belgique et plus!
Juste avant la pandémie de la COVID-19, Mme Heudes était de retour en Nouvelle-Écosse pour prendre son deuxième commandement dans l’un des plus gros hôpitalux militaires du Canada.
Quand la pandémie a commencé, « c’était beaucoup … c’est probablement ça qui m’a donné des cheveux blancs. Je n’en avais pas avant la Covid…».
Après 32 ans, satisfaite de sa carrière, Mme Heudes décide de prendre sa retraite des forces régulières.
En septembre, elle a repris son poste de commandant pour la réserve, la 35e ambulance de campagne à Terre-Neuve, avec un détachement au Nouveau-Brunswick.
Mme Heudes possède plusieurs distinctions et décorations plutôt impressionnantes. Elle a aussi complété un diplôme en administration des services de santé de l’Université de Ryerson ainsi qu’une maitrise en leadership de l’Université Royal Roads, en Colombie-Britannique.
L’importance du français, le retour aux sources et la fierté acadienne
Mme Heudes a toujours voulu travailler en français, même si la majorité des choses se font en anglais dans l’armée, sauf au Québec. Toutefois, elle réussissait toujours à trouver les autres frenchies.
Elle contemplait l’idée de pouvoir revenir sur l’Isle Madame et de vivre en français avec ses proches. Elle s’est sentie comme si la vie lui avait offert un cadeau quand elle a vu le poste en ressources humaines pour le Conseil scolaire acadien provincial. Un emploi en français, dans ses intérêts et dans sa région natale; difficile de demander mieux.
Depuis son retour sur l’Isle, elle s’implique dans sa communauté acadienne. Elle est présidente du Festival acadien de Petit-de-Grat, présidente du centre communautaire La Picasse, et siège également au conseil administratif de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE), où elle représente la région de Richmond.
« Je pense que, dans notre région, on a un devoir à faire : de préserver notre langue et notre culture, affirme-t-elle. Maintenant, je suis une guerrière de ma langue et de ma culture acadienne. »
Mme Heudes est fière de son héritage acadien. « C’est du monde qui a rebâti leur vie après avoir subi la Déportation, précise-t-elle. On est toujours en famille. On est toujours là pour s’entraider. J’pense que maintenant, notre devoir, c’est de se battre pour notre langue et de revenir à nos racines. Soyez fiers de votre accent, soyez fiers d’être Acadien set Acadiennes ».
La relève !
Avant de finir notre entretien, Mme Heudes a ajouté qu’elle espère que les jeunes vont en apprendre davantage au sujet des possibilités de carrières dans l’armée
Elle souligne qu’on peut faire pas mal tous les mêmes métiers qu’au civil, de mécanicien à ingénieur, et que c’est l’armée qui paie pour les études.