Une cinquantaine de membres de sa famille étaient réunis autour de lui pour le gâteau. Il a reçu plus de 300 cartes ainsi qu’un certificat du ministre des Anciens Combattants, un autre du député de Kings Hants. Il a aussi reçu un appel téléphonique du premier ministre de la province, Tim Houston.
Raymond a grandi entre Meteghan, d’où son père était originaire, et l’île Brier, où il est né. Avec ses parents et ses trois sœurs, il a passé son enfance dans différents endroits, où l’ouvrage appelait son père.
À l’âge de 13 ans, Raymond a commencé à travailler, d’abord dans un hôtel à St John, au Nouveau-Brunswick, puis au chantier naval Thériault de Meteghan, et encore à Goose Bay, au Labrador, où il a œuvré à la construction de l’aéroport.
Enfin, quand la Seconde Guerre mondiale a éclaté, il a pris la décision de s’engager. Il n’avait pas encore 17 ans, mais grâce à sa stature physique imposante, il a réussi à passer pour plus âgé. Il a fait son entraînement à Yarmouth puis en Ontario. Finalement, il a embarqué à Debert pour Glasgow, en Écosse, et il a parfait sa formation en Angleterre.
En 1944, il est passé en Normandie, six jours après le Débarquement, et il a été posté à Carpiquet, près de Caen. Là, il conduisait un tank et réparait le matériel la nuit à la lueur d’une lampe de poche. Il a obtenu le grade de caporal suppléant.
Il aurait pu rentrer au pays à la fin de la guerre, mais l’amour l’a invité à rester une année supplémentaire. Il avait rencontré Hendrika (Riki) dans un bal. Ils ne parlaient pas la même langue, mais se sont attachés tout de suite. Il a décidé d’attendre que la jeune fille ait l’âge pour l’épouser. Le moment venu, il a demandé l’autorisation, mais on la lui a refusée, car elle était protestante et il était baptisé catholique.
Déterminé, il a menacé de déserter. Alors, on lui a donné le feu vert. Ainsi, il s’est marié et est revenu à Westport, bientôt suivi par sa jeune épouse. Rapidement, il a parrainé sa belle-famille dont le village avait été dévasté, et ils ont pu s’installer au Canada.
25 ans plus tard, Raymond est retourné en Normandie et a été reçu avec beaucoup d’émotion par le maire de Carpiquet, à qui il a offert une reproduction miniature du Bluenose.
Avec Riki, ils auront neuf enfants. Combien de petits-enfants et arrière-petits-enfants ? Il a arrêté de compter ! Les murs de son salon sont couverts de photos de famille. Tout le monde est là, sa femme et lui peuvent les admirer au quotidien.
À Westport, travailleur acharné et bâtisseur, il a ouvert le magasin R. E. Robicheau, qui existe toujours, ainsi que plusieurs autres entreprises qu’il a menées de front. Pour ne citer qu’un exemple, à l’âge de 70 ans, il vendait encore des assurances.
Il n’a jamais hésité à s’impliquer localement. Il a aussi touché à la politique en travaillant pour le parti libéral aux côtés de Joe Cassy. Aujourd’hui, il est le dépositaire de la fondation Bowers et il s’y adonne activement.
« Je ne suis plus aussi stable sur mes jambes, mais j’ai bon appétit et ma santé est excellente », affirme-t-il. Jusqu’à récemment, il marchait tous les jours. Maintenant, il fait son tour quotidien au volant de sa voiture. Il roule très lentement, s’arrête ici et là pour saluer les gens qu’il croise, observe les tortues qui barbotent dans un ruisseau, les oiseaux qui nichent, guette les premières fleurs au printemps.
Toujours, il arbore un grand sourire et s’enquiert de savoir comment vont les gens. À la maison, il s’installe dans son fauteuil préféré, caresse Charlie, le chat errant qui l’a choisi comme maître, et regarde les nouvelles à la télévision.
Son conseil pour vivre longtemps ? « Marchez! Marchez aussi loin et aussi longtemps que vous pouvez, jusqu’à ce que ça fasse mal, mais marchez ! » Et d’ajouter dans un grand éclat de rire : « Bah, je termine mon premier siècle. En avant pour le prochain ! »