le Samedi 30 septembre 2023
le Mercredi 24 mai 2023 9:00 Nos communautés - Clare

Que penser de la situation des langues autochtones au Canada ?

Mât totémique de la Première Nation Squamish.  — PHOTO - Vince Lee (Unsplash)
Mât totémique de la Première Nation Squamish.
PHOTO - Vince Lee (Unsplash)
POINTE-de-l’ÉGLISE - Les peuples autochtones parlent plus de 4 000 des langues de la planète et plus de 70 d’entre elles sont utilisées sur le territoire canadien. Le Courrier a rencontré Stéphanie St-Pierre, professeure à l’Université Sainte-Anne, pour avoir son opinion en qualité d’historienne sur la situation des langues autochtones au Canada.
Que penser de la situation des langues autochtones au Canada ?
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Selon la chercheuse, la disparition des langues autochtones au Canada est directement liée à la colonisation et aux politiques d’assimilation des peuples colonisateurs et, par la suite, du gouvernement du Canada. 

Elle croit que « l’élément le plus connu de ces politiques d’assimilation demeure le système d’écoles résidentielles ou de pensionnats autochtones. Les enfants de diverses nations étaient obligés de fréquenter ces établissements, où on leur interdisait d’utiliser leurs langues. » 

Questionnée sur la situation sociolinguistique des langues autochtones aujourd’hui, Mme St-Pierre a fait savoir que, sur le territoire, il y a environ 70 langues autochtones distinctes. Ces langues peuvent être réparties en 12 familles linguistiques. « La répartition sur le territoire est inégale et c’est sur la côte du Pacifique qu’on retrouve la plus grande variété de langues autochtones », explique-t-elle. 

Depuis plusieurs années, force est de constater que le débat tourne autour de la revitalisation des langues autochtones. Des Premières Nations montrent qu’ils veulent préserver ces langues pour les générations à venir. En Saskatchewan, le Conseil tribal File Hills a inauguré récemment la première Semaine des langues autochtones en vue de sensibiliser à la revitalisation des principales langues autochtones de cette province. 

Le mois dernier, le gouvernement de cette province a annoncé qu’un financement annuel de 50 000 $ servira à soutenir l’étude des langues autochtones dans la province. Selon Regina, ce financement « permettra de former davantage de professeurs de langues autochtones partout en Saskatchewan et représente un bénéfice à près de 40 étudiants chaque année » . 

L’historienne Stéphanie St-Pierre.

PHOTO - L'Université Sainte-Anne

Mme St-Pierre est d’avis que cette revitalisation est une question importante et préoccupante. « En 2019, le gouvernement du Canada a adopté la Loi sur les langues autochtones dont l’objectif est la revitalisation et la protection des langues autochtones sur le territoire canadien, dit-elle. C’est aussi le cas du Mi’kmaw Language Act de la Nouvelle-Écosse en 2022. »

Selon les données de Statistique Canada sur les langues autochtones, diffusées le 29 mars 2023,  le pourcentage de locuteurs qui peuvent tenir une conversation dans une langue autochtone diminue de plus en plus. Il y a eu une baisse de 4,3 % depuis 2016 et, en 2021, seulement 237 420 autochtones ont déclaré qu’ils peuvent parler une langue autochtone, ce qui représente un autochtone sur huit (12,5 %). 

Questionnée sur les actions que doivent faire le gouvernement canadien et d’autres organismes afin que les langues autochtones renaissent de leurs cendres, Mme St-Pierre, sans langue de bois, a exposé son point de vue : « De façon concrète, je crois qu’il faut accorder des ressources pour l’enseignement des langues autochtones et s’assurer que ces langues aient une reconnaissance et une place réelle dans le paysage linguistique du Canada. » 

La situation linguistique varie d’une région à une autre, précise l’historienne. Par exemple, dans certains territoires comme le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest, des langues autochtones sont reconnues comme des langues officielles. 

En définitive, si les langues autochtones sont en danger, elles sont toutefois parlées aussi dans les grandes villes comme, entre autres, Winnipeg, Edmonton, Ottawa, Gatineau et Montréal. D’ailleurs, selon Statistiques Canada, en 2021, 14 villes du Canada comptaient plus de 1 000 habitants parlant une langue autochtone.

Native du nord de l’Ontario, Mme St-Pierre a décroché son doctorat en histoire à l’Université de Montréal en 2020, après avoir terminé son baccalauréat et sa maitrise à l’Université Laurentienne, respectivement en 2004 et 2006. 

Si aujourd’hui elle est professeur à l’Université Sainte-Anne, elle a déjà travaillé comme chargée de cours à l’Université Laurentienne et à l’Université de Sudbury. Ses recherches portent sur l’histoire intellectuelle, le rôle de l’histoire dans la construction identitaire des populations en milieu minoritaire ainsi que l’histoire de la francophonie canadienne.