On était dans des tentes
il nous restait au moins ça
on n’était pas sur le trottoir
mais c’était une perspective inquiétante
de n’avoir plus aucun toit
d’être sans abris, sans espoir.
La police de Halifax,
elle nous a donné des amendes
300$ à payer, pour camper illégalement
quand ce n’était pas de plaisir,
mais de survie, ce campement
nous étions réfugiés, sans fuir notre patrie
les armes contre nous étaient les hausses des prix
nous n’avions plus d’emploi, et les loyers sans mesures
avaient doublé ou triplé sans augure.
Nous, qui n’avions pas
de famille comme une bouée de sauvetage
d’amis si proches dans les parages
qu’un canapé nous aurions pu supplier…
Nous, qui ne savions où aller,
étions dans les parcs de la ville.
Au Peace and Friendship,
près d’où arrivent les bateaux de croisière
ou du côté du Waegwaltik
où y a les beaux yacht-clubs
ou devant l’ancienne bibliothèque,
en plein centre-ville.
Là, des charités avaient placé des abris
des shacks de plywood isolés contre le froid.
Les amis qui y survivaient depuis de rudes mois
et nous itou, on a reçu il y a deux jours des avis
ils venaient de la mairie, et aboyaient “Quittez les lieux!”
Pour aller où? Dieu seul sait!
Nous étions là, non pas heureux
mais car nous n’avions pas d’autre solution
et personne ne nous en proposait!
Si la ville n’aimait pas notre solution,
au moins qu’ils nous donnent une autre option!
Si les loyers étaient restés gelés
depuis plus de cinq ans qu’on nous parle de crise d’habitation
si les immeubles vides, qui sont nombreux
étaient transformés en hébergement…
Ou si l’infameux Shannon Park devenait
un lieu de logement abordable
à la place de permettre aux conseillers municipaux
de fantasmer sur un stade de football…
Le matin, après deux jours d’angoisse,
la police est venue nous dire de décamper
les nôtres les plus désespérés,
ils ont été arrêtés
le reste, où allons-nous?
Dans des boîtes en carton sur la Spring Garden?
La ville dit avoir “essayé de travailler avec nous”
on aimerait bien du travail, mais il se trouve où?
La ville nous a dit de partir, sans alternative à notre misère
(même pas une différente misère aussi noire)
pas de chômage, pas d’aide à l’embauche, pas de dortoir
« travailler avec nous », c’est sa façon de dire
qu’elle n’assume pas ses actes.
Que Halifax admette « On n’aime pas voir des bums »
La ville aurait pu garder le nom « Cornwallis »
si c’était pour commencer de remover le monde de ce parc
qui asteur s’appelle Peace and Friendship.
De beaux mots, du langage diplomatique
Que Halifax admette que la ville n’en a rien à faire
de régler des problèmes sociaux,
de traiter le monde avec dignité
que Halifax admette que les actions de la ville
disent : « Quand t’es down, on va t’kicker down ».
Le matin du 18 août,
la police d’Halifax nous a jetés hors
du Peace and Friendship,
pour ensuite vider les autres parcs
de tout le « monde indésirable »
qui pendant une pandémie de lockdowns
de manque d’ouvrage, de factures à payer
a coulé
et s’est retrouvés avec
une tente, et un sac à dos, sur une pelouse publique
sans douche, sans eau, sans chauffage, sans lessive, sans toilettes
et on leur a pris tout ça
en leur criant dans les oreilles:
Va être homeless ailleurs!