Tout d’abord, j’observe que l’information, qui reste à confirmer, a été transmise par le conseiller de Montréal, François Lubrina. Ce dernier n’est pas le seul conseiller consulaire à avoir abordé ce sujet puisque l’été dernier, un conseiller de Toronto, Marc Cormier, l’avait évoqué sur les réseaux sociaux. Or, la fermeture éventuelle du consulat général de France à Moncton et Halifax est un thème de campagne électorale, et les Français de l’étranger seront appelés aux urnes pour élire, au printemps 2020, leurs conseillers consulaires. François Lubrina et Marc Cormier pour Les Républicains, et Yan Chantrel (Rassemblement des Français de gauche) qui vient de lancer une pétition en ligne, courtisent les voix des Français du Canada atlantique où ils ne résident pas eux-mêmes. En réalité, peu leur importe que le consulat ferme ses portes ou soit maintenu.
Je me dois de rappeler qu’il y a neuf ans, quelques mois avant la fin de mon mandat, l’administration française avait pris la décision d’abolir le porte de consul général adjoint et de transférer à Montréal une partie des attributions de Moncton, dont la délivrance des passeports biométriques. À cette occasion, François Lubrina et quelques ressortissants français alors installés depuis peu à Moncton-Dieppe étaient montés aux barricades pour dénoncer cette décision.
Cette dernière n’a été renversée par un autre arrêté ministériel, fin septembre 2010, que parce que j’ai soulevé cette problématique avec le nouveau sous-directeur de l’administration consulaire, que je connaissais personnellement pour avoir travaillé avec lui de 2004 à 2007. Lorsque, en 2015, le service des passeports a de nouveau été fermé à Moncton, les personnes qui avaient protesté cinq ans auparavant n’ont plus bronché. Pourquoi? Tout simplement parce que, entre-temps, celles-ci avaient obtenu la citoyenneté canadienne.
Un consulat général de France est, pour les Français de l’étranger, un prestataire de services administratifs au même titre que Service Nouveau-Brunswick et Service Canada pour les citoyens canadiens. L’informatisation et la dématérialisation des procédures font qu’il est de moins en moins nécessaire de se déplacer pour accéder à de tels services.
C’est même l’administration qui va à la rencontre de ses ressortissants, ce qu’elle fait deux fois par an, à l’occasion des tournées consulaires. Les Français qui ressentent le besoin de faire renouveler leur passeport peuvent prendre rendez-vous pour déposer leur demande auprès de l’agent en tournée. Contrairement aux pratiques en vigueur en 2010, ils n’ont plus besoin de se déplacer une deuxième fois pour récupérer leur titre de voyage.
Il n’est donc pas du tout prouvé qu’une telle fermeture aurait un impact négatif sur l’immigration française au Canada atlantique. À cet égard, je dois signaler qu’il y avait 1 008 inscrits au registre consulaire de Moncton lorsque mon mandat a pris fin. Le 14 juillet dernier, lors de son discours d’au-revoir, la consule générale Laurence Monmayrant avait avancé un nombre équivalent. Or, l’article du 4 octobre parle de 900 inscrits. Dans le meilleur des cas, la présence française dans la circonscription consulaire n’a pas augmenté; dans le pire des cas, 10 % des inscrits se seraient volatilisés. Faut-il en conclure que, depuis mon départ, la présence du consulat n’a nullement favorisé l’immigration française en Acadie et en Atlantique?
Je souhaiterais donc rassurer mes compatriotes sur ce point : si l’administration française venait à leur faire défaut dans la région, en revanche, je serais toujours présent pour assurer le relais et répondre à leurs préoccupations.
Là où le bât blesse, c’est au niveau de la relation qui existe entre la France et l’Acadie. Il est indéniable que la présence du consulat à Moncton a valeur de reconnaissance des liens privilégiés qui ont été tissés avec le peuple acadien au cours des cinquante dernières années, et je comprends parfaitement l’émoi de ses plus éminents représentants.
Toutefois, celles et ceux dont l’œil est exercé n’auront pas manqué d’observer que, depuis quelques années, les évènements culturels qui bénéficient du soutien de la France n’affichent plus le logo du consulat, mais celui de l’ambassade bilatérale à Ottawa. Le soutien français aux arts et à la culture dans les provinces de l’Atlantique ne sera donc pas remis en question.
S’agissant des questions économiques, celles-ci sont gérées par l’ambassade, et le consul général de France à Moncton agit en qualité de représentant de proximité. La rationalisation du réseau diplomatique et consulaire français, à travers le redéploiement de ses effectifs, pourrait-elle porter préjudice au développement économique entre les quatre provinces de l’Atlantique et Saint-Pierre-et-Miquelon? C’est peu probable, sachant que l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne est présentement en cours de ratification par le Parlement français.
Pour terminer, je salue l’action de la Société Nationale de l’Acadie, de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse, de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, de la Société Saint-Thomas-d’Aquin et de la Fédération des francophones de Terre-Neuve-et-Labrador. Je les invite cependant à exprimer leurs inquiétudes aux représentants des Français de l’étranger (l’ambassade, le député Roland Lescure, les sénateurs, les conseillers consulaires) et auprès des gouvernements des quatre provinces du Canada atlantique desservies par le consulat.
Enfin, ces organismes pourraient utilement solliciter le soutien du gouvernement fédéral. Si celui-ci appuyait officiellement leurs revendications, ces dernières n’en auraient que davantage de poids et de crédibilité auprès du gouvernement français.
Allons-nous rester sur une relation régionale avec la présence physique d’un consulat de plein exercice privilégiant les échanges culturels, économiques, historiques et linguistiques, ou allons-nous évoluer vers des liens traités au niveau des administrations centrales? Peut-être est-il temps de clarifier les relations franco-acadiennes et de lever une décennie d’indécision. In fine, cette question ne pourra être réglée qu’entre le président de la République française et le futur premier ministre du Canada.