Oui, certes, le pêcheur est un aventurier. Au cours des décennies, les pêcheurs au homard de l’Isle Madame et des environs ont été confrontés à bien des situations difficiles et à de nombreux imprévus. On se souviendra qu’un havre était encore pris dans les glaces un 1er mai, de la présence de glaces du large qui venaient déranger et arracher des casiers aux pêcheurs le 10 mai ou plus tard encore, des tempêtes printanièresférocesquibrisaient et repoussaient sur les rives des centaines de casiers, des accidents marins comme celui du pétrolier Arrow survenu en février 1970, des années maigres où la ressource était quasi inexistante et on en passe. Oui, maintes aventures pour le pêcheur.
Le pêcheur, toutefois, connaissait l’ennemi. Vents, glaces, tempêtes, ça se voit et ça s’annonce. Ce printemps 2020, c’est un ennemi invisible, inconnu du pêcheur, qui vient compromettre un printemps qui s’annonçait fructueux. Certainement un imprévu, un inconnu et c’est l’incertitude qui s’installe. Comment composer avec cet ennemi? Comment vivre le mieux possible cette situation devenue précaire et menaçante? Comment sauvegarder une saison de pêche qui est déjà très courte? Comment faire tout cela et rester en santé? Comment faire la pêche et respecter les distances, les deux mètres imposés lors des rassemblements de cinq personnes et moins? Voilà plein de questions que se posent les pêcheurs de la région.
Le Courrier de la Nouvelle-Écosse s’est entretenu avec plusieurs pêcheurs, dans le but d’en apprendre davantage sur leur situation et de s’informer de leurs préoccupations. À la mi-avril, on n’avait pas ou presque pas de réponses aux maintes questions. Le 17 avril, sur le quai de l’Autorité portuaire de Petit-de-Grat, et ailleurs dans le village, on se préparait comme si on allait mettre les casiers en mer le 30 avril, pour le début de pêche du 1er mai.
Selon Daryl David, père d’un pêcheur et lui-même entrepreneur de la région, Pêches et Océans maintient que la pêche débutera, tel que prévu, le 1er mai. Ce serait ainsi un service essentiel et il n’est pas question d’en reporter les dates. Il s’empresse de dire que cette consigne peut changer. Cory David, capitaine, et son père Cecil David travaillaient le 17 avril à mettre des dernières touches sur un bateau neuf, le Monkey Business, construit durant l’hiver 2019-2020, par Cecil David, lui-même. Celui-ci déclare : « Nous nous préparons comme si la pêche commençait le 1er mai. Nous avons encore du travail à faire sur ce bateau, car il y a des pièces qui tardent à arriver, à cause de tout ceci. »
Ce qui préoccupe les pêcheurs, bien sûr, c’est la maladie et la possibilité de transmettre la covid-19. Comment faire pour rester à l’écart, les uns des autres, quand on pratique la pêche au homard? D’autres facteurs sont aussi très troublants. Quel sera le prix payé aux pêcheurs? Est-ce qu’il y aura un marché pour le homard, dans les mois à venir? Est-ce qu’on peut se fier à ce que les acheteurs acceptent toutes les prises? Bref, toutes des questions qui restent sans réponses et qui causent bien des ennuis. On soupçonne que le homard sera encore abondant, en 2020. L’année 2019 a été très bonne, avec des prix assez élevés, et on s’attendait à une saison semblable en 2020. C’était toutefois avant l’arrivée de l’ennemi invisible, la covid-19.
Quelles sont les options? Les pêcheurs de la région veulent pêcher le homard, mais ils voudraient modifier les paramètres de la saison. Afin d’assurer un meilleur rendement économique, ils ont suggéré aux responsables gouvernementaux que l’on pêche un mois, le mois de mai comme d’habitude, après quoi on mettrait les casiers au sec, pour reprendre le deuxième mois de pêche, au mois d’octobre. Selon les pêcheurs de la région, cela devrait protéger et les pêcheurs et les acheteurs. Question de donner plus de temps pour se débarrasser des premières prises et aussi maintenir un meilleur revenu pour les prises. Et avec le temps, à l’automne, il serait peut-être possible d’envisager un retour à la normale. Comme deuxième mesure, les pêcheurs seraient d’accord pour ne pas pêcher les dimanches. Encore ici, une mesure qui réduirait les prisesafin de maintenir un prix plus stable et de ne pas saturer les marchés. Il importe de souligner que cette dernière mesure ne relève ni du gouvernement ni des règlements. Les pêcheurs pourraient s’entendre sur cette démarche, peu importe quand la pêche se pratique.
Pour le moment, c’est comme si la pêche allait se tenir du 1er mai au 30 juin 2020 à l’Isle Madame. On se prépare en attendant des nouvelles de Pêches et Océans. Pour le pêcheur, encore une fois, l’aventure et l’inconnu sont au rendez-vous.
Nous souhaitons aux pêcheurs et aux gens de l’industrie succès et santé.
