Le 4 février 1970, Louis C. Boudreau avait été interviewé par l’animateur Marc Babin, dans le cadre de l’émission matinale, Le Réveil de Radio-Canada. En fin d’après-midi ce même jour du 4 février 2020, Le Courrier de la Nouvelle-Écosse s’est entretenu avec M. Boudreau de ses souvenirs de l’accident marin de 1970, de ce qu’il avait fait suite à cet événement sinistre et de la situation actuelle, 50 ans plus tard.
M. Boudreau était pêcheur de homard et d’autres poissons de fond, lors du naufrage du Arrow, en 1970. Aujourd’hui, il est pêcheur à la retraite. En entrevue, M. Boudreau a dit que c’était une vraie tempête d’hiver, vent féroce avec neige abondante. Il avait été difficile de faire quoi que ce soit immédiatement à cause de la force des vents. Mais dès qu’ils furent capables de se rendre sur les lieux, plusieurs pêcheurs avaient été appelés à mettre des filets/des rets autour du pétrolier échoué afin de contenir autant que possible l’huile épaisse et insoluble qui s’échappait dans les eaux glaciales du détroit. Un travail difficile dans des conditions périlleuses. L’objectif était de réduire les effets néfastes du naufrage, dans la mesure du possible, et de faciliter la récupération de l’huile au moyen de pompes. M. Boudreau était un de ces vaillants pêcheurs en 1970.
M. Boudreau se rappelle : « Les côtes étaient noires d’huile. Les oiseaux étaient couverts de cette huile épaisse. Il avait fallu avoir des tracteurs pour nettoyer et transporter tout cela au dépotoir aménagé à cette fin. Les pêcheurs avaient peur que la nappe d’huile détruise ce qui restait de la pêche en région. » Et en réalité la pêche a été en déclin pendant plusieurs années par la suite.
Au fil des ans, le pétrolier Arrow est devenu une espèce de gagne-pain pour M. Boudreau. Comme la pêche n’était pas bonne ni très lucrative pendant les années 1980 et 1990, Louis Boudreau relate que des plongeurs d’un peu partout dans le monde, voulaient se rendre sur les lieux de l’épave. Il les y transportait donc avec son bateau de pêche. « Dans ce temps-là, ça payait mieux que de faire la pêche. Il n’y avait rien à faire dans la pêche pendant ces années-là. Ce n’est pas comme aujourd’hui. » Donc l’épave a servi de lieu de plongée pendant de nombreuses années et a été un attrait touristique, d’un certain genre. Aujourd’hui, il ne reste plus rien à exploiter, selon M. Boudreau. Il ajoute : « Les touristes ne viennent plus et tout a été enlevé, tout ce qui valait quelque chose est parti. »
Pêcheur de carrière, Louis Boudreau a toujours jeté un coup d’œil dans la direction de l’épave du pétrolier Arrow. Il craignait toujours que l’huile qui avait été laissée dans la coque du bateau ne s’échappe et ne vienne ruiner ce qui est aujourd’hui, et depuis 15 ans environ, une pêche au homard lucrative. C’est en guettant qu’on s’est aperçu en 2015 que de l’huile s’échappait du pétrolier par une fissure créée par l’usure, la rouille et les mouvements des marées. L’alerte a été sonnée et on a dépêché des équipes sur les lieux pour pomper ce qui restait d’huile.
Apparemment, aujourd’hui en 2020, il n’y a plus d’huile. Mais Louis Boudreau dit : « Quand le vent souffle fort et que la mer est houleuse, on peut encore voir des traces d’huile qui remontent à la surface de l’eau. Pas beaucoup, tu sais. »
Dans un moment de nostalgie, Louis Boudreau ajoute : « Tu sais, je disais, à mon beau-frère l’autre jour : il n’y en a pas trop qui restent des pêcheurs qui étaient avec moi pour mettre les rets autour du Arrow, pour protéger les côtes. Non, la plupart sont disparus, sont partis. »
Cinquante ans font couler de l’eau sous le pont et apportent des changements dans une communauté.
L’histoire, en résumé, entourant le naufrage du pétrolier Arrow
Le 4 février 1970, le pétrolier Arrow était en route vers Point Tupper et, plus précisément, devait se rendre à la papetière de la région, connue aujourd’hui comme Port Hawkesbury Paper. Le pétrolier Arrow avait à son bord 10 millions de litres d’huile, de Bunker C. En entrant dans la baie de Chedabucto, il a été accueilli par des vents violents et des conditions météorologiques peu favorables. Ce sont ces conditions qui furent citées comme cause du naufrage sur le rocher Cerebrus. Pourtant, ce rocher était bien connu des navigateurs, et bon nombre de bateaux devaient se rendre à la papetière, souvent et régulièrement.
Au tout début, il ne semblait pas y avoir de menace de déversement d’huile. La coque du bateau avait l’air solide et résistait aux éléments. Cependant la tempête avait duré plus de quatre jours, ce qui empêchait les secouristes d’attacher des amarres et des fils afin de déprendre le Arrow du rocher, Cerebrus. Les efforts se multipliaient pour secourir le pétrolier. Mais avec chaque jour qui passait, les vents et les marées martelaient la coque. Finalement, le Arrow a cédé sous la force du vent et la puissance de la mer pour s’abîmer, coupé en deux, au fond de la baie de Chedabucto. Et bien sûr le déversement important d’huile a été catastrophique pour la région. Il a fallu plus de deux ans pour terminer le nettoyage des côtes, allant de l’Isle Madame jusqu’à l’Ardoise. Des travailleurs de l’usine Booth Fisheries, justement sans emploi à cause de la grève des chalutiers à Petit-de-Grat (en 1970-71), avaient pu gagner des sous à nettoyer les plages, un peu partout en Richmond.

Si le lecteur fait une recherche, il lira que : « Environ 10 330 tonnes de carburant et d’huile ont été déversées, polluant des centaines de kilomètres de côtes et de plages avec une épaisseur d’huile noire qui menaçait la faune marine et la pêche. Le nettoyage et la récupération de l’huile du pétrolier Arrow a été un long processus difficile. Il a fallu faire le transfert de ce qui restait de l’huile à bord vers une barge, le Irving Whale. C’était l’hiver, et le froid en plus des vents violents donnaient du fil à retordre aux travailleurs. La récupération finale des hydrocarbures de l’épave du Arrow a été achevée le 11 avril, ce qui avait été un défi de taille, tout en expérimentant de nombreuses techniques de récupération. Le nettoyage des plages, des côtes et des baies a duré pendant plusieurs mois, voire plusieurs années. »