Jean-Philippe Giroux
IJL – Réseau.Presse – Le Courrier de la Nouvelle-Écosse
L’étude néoécossaise a été effectuée en mesurant deux variables sur plusieurs années: l’usage de la tablette chez les jeunes enfants et l’expression de la colère.
Les résultats démontrent que l’un nourrit l’autre. «L’utilisation de tablettes par les enfants à l’âge de 3,5 ans est associée à davantage d’expressions de colère et de frustration à l’âge de 4,5 ans», peut-on lire dans la conclusion de l’article, publié dans JAMA Pediatics.
«La prédisposition de l’enfant à la colère/frustration à l’âge de 4,5 ans était ensuite associée à une plus grande utilisation de tablettes à l’âge de 5,5 ans.»
En mars 2023, la coauteure Caroline Fitzpatrick a fait une présentation à l’Université Sainte-Anne, lors d’une conférence portant sur les écrans et les problèmes de gestion des émotions. Le but était de discuter des premières publications sur l’étude néoécossaise, Nova Scotia Media Use Study (NSMUS).
Early-Childhood Tablet Use and Outbursts of Anger vient montrer le cercle vicieux que les parents et tuteurs constatent tous les jours, explique la professeure de Sainte-Anne, Élizabeth Harvey, l’une des auteures de cette étude. «Quand les enfants utilisent plus la tablette, on dirait qu’ils deviennent plus intolérants, impatients, colériques.»
La solution est de limiter le temps d’écran tout simplement et d’encourager la participation à d’autres activités comme les jeux de rôle et les jeux de société, qui permettront aux enfants de développer des habiletés de régulation des émotions.
Ces dernières sont liées à nombre d’indicateurs de succès, autant à l’école que dans la vie de tous les jours, souligne Mme Harvey. Pour les mettre à l’épreuve, il faut choisir des activités où l’enfant est en contact avec les autres, surtout des adultes qui peuvent les aider et faire de la modélisation avec eux.
Pour l’année scolaire 2024-2025, la province a donné une nouvelle directive liée au téléphone portable ou aux appareils mobiles, imposant des restrictions dans les écoles publiques pour, au dire de la province, «aider les élèves à rester concentrés sur leur apprentissage et faciliter le travail du personnel enseignant».
En faisant un lien à son étude, Mme Harvey rappelle que les enfants ont besoin d’un cadre et des limites, et que les restrictions provinciales apprennent aux élèves à utiliser sainement les outils comme les tablettes.
Une autre étude à Mme Harvey, Child temperament and trajectories of student-teacher relationships quality, a été publiée cette année. Elle a été réalisée à partir d’un autre échantillon, dont le prélèvement a été fait dans le cadre de son doctorat.
L’on a découvert qu’un enfant qui présente des traits de tempérament plus prononcés et potentiellement problématiques, caractérisés par l’impulsivité et la recherche de sensations fortes, a généralement des relations moins positives avec ses enseignants, sur une longue période.
Ce qui est dommage, selon la professeure, car ce sont eux qui auraient le plus besoin d’une relation positive avec leur enseignant(e), qui en tireraient le plus profit.
La timidité chez l’enfant, de son côté, était associée à des relations moins conflictuelles, mais aussi moins positives. «Ils ont moins de relations tout simplement, on dirait, selon les résultats.»
Mme Harvey insiste sur le fait que le tempérament, «une forme de diversité invisible», est quelque chose d’inné et de biologiquement déterminé, et qu’on ne le choisit pas, d’où le besoin d’en parler à l’école afin de donner des conditions plus favorables pour aller à la rencontre des jeunes à risques.