Farida Agogno – IJL – Réseau.Presse – Le Courrier de la Nouvelle-Écosse – Atl
Selon un rapport publié par Agri-Imt, un programme portant sur l’évaluation et les défis du marché du travail, la Nouvelle-Écosse a enregistré une perte de vente de 33 millions de dollars en 2017, attribuable à des pénuries de main-d’œuvre.
Quelque 251 emplois sont restés vacants, avec une proportion de 29 % de travailleurs étrangers, soit environ 1 900 personnes.
Les projections indiquent que, d’ici 2029, la province aura besoin de 7 190 travailleurs. Environ 43 % des travailleurs actuels dans le secteur devraient prendre leur retraite d’ici là, et on estime que 2 600 emplois pourraient demeurer non pourvus.
D’après Statistique Canada, en 2022, la province a accueilli 1 649 travailleurs étrangers temporaires provenant de pays tels que le Mexique, le Guatemala et la Jamaïque.
Stacey Gomez, gestionnaire du programme des travailleurs migrants de No One Is Illegal Nova Scotia (NOII-NS) explique que malgré la dépendance du secteur agricole à l’égard des travailleurs étrangers temporaires, ceux-ci sont des employés vulnérables.
D’une part, leur statut d’immigration est temporaire. D’autre part, ils ont un permis de travail étroit. Cela signifie qu’ils sont légalement autorisés à travailler uniquement avec l’employeur inscrit sur leur titre de permis de travail.
Par conséquent, s’ils sont confrontés à une situation d’abus de travail, ils ne peuvent pas facilement quitter leur job et trouver un autre emploi.
« De plus, en raison de leur statut d’immigration, il est difficile et risqué pour les travailleurs migrants de revendiquer leurs droits », affirme Mme Gomez.
Par exemple, si ces migrants sont confrontés à un problème de salaire ou d’accident de travail, il leur est difficile de le signaler aux autorités adéquates parce qu’ils risquent d’être licenciés et renvoyés dans leur pays d’origine, sans pouvoir revenir au Canada en tant que travailleurs migrants.
Le Courrier a tenté de contacter le ministère de l’Agriculture pour obtenir des commentaires, sans succès.
En ce qui concerne l’accès à des soins de santé publique, Gomez précise qu’un migrant doit avoir un permis de travail d’un an pour être admissible à la couverture de soins de santé publique.
Comme la plupart des travailleurs du secteur agricole arrivent dans le cadre du Programme fédéral des travailleurs agricoles saisonniers, leur titre de séjour ne dure que huit mois. Cette durée les exclut systématiquement de la couverture de soins de santé.
« En Ontario, les travailleurs qui font partie du Programme des travailleurs agricoles saisonniers ont accès à la couverture publique des soins de santé dès leur arrivée, poursuit Gomez. Nous constatons donc qu’il existe des inégalités dans l’accès aux soins de santé en fonction de la province. »
Mme Gomez cite le cas de Kerian Burnett, venue en Nouvelle-Écosse en 2022 comme travailleuse agricole, qui a reçu durant son séjour un diagnostic de cancer. La Jamaïcaine a été licenciée après avoir été diagnostiquée. Elle a aussi perdu l’accès à son logement, à ses revenus et son assurance maladie privée de son employeur.
« Kerian a courageusement dénoncé la situation, et nous avons travaillé ensemble. Après beaucoup de plaidoyers, le gouvernement fédéral a finalement étendu la couverture des soins de santé fédéraux à Kerian pour sa situation spécifique. »
Le Courrier a contacté la Fédération de l’Agriculture, mais n’a pas eu de commentaires avant la date tombée de cet article.
Bien plus, Mme Gomez atteste que les travailleurs migrants sont souvent embauchés dans des secteurs dans lesquels il n’y a pas de Canadiens prêts et disponibles à cause des conditions de travail peu attrayantes, dont le domaine de l’agriculture.
La responsable de NOII-NS soulève que ces travailleurs migrants et leurs collègues néo-écossais en milieu agricole sont soumis à des règles telles que les congés non payés et de longue durée de travail avec un salaire minimum. Ils sont de même exposés à des risques de santé lorsqu’ils travaillent pendant des périodes de chaleur extrême.
Selon Mme Gomez, des changements doivent s’opérer à l’échelle fédérale et provinciale. La gestionnaire souligne que son organisme a contacté les travailleurs migrants et ceux-ci espèrent une amélioration des salaires et la non-exclusion des travailleurs du secteur agricole, y compris ceux issus de l’immigration saisonnière, pour qu’ils aient le droit et puissent bénéficier de congés payés et des heures supplémentaires rémunérées.
En novembre 2023, No One Is Illegal a lancé une campagne intitulée Nous ne sommes pas temporaires, qui met en avant les voix des travailleurs migrants en Nouvelle-Écosse réclamant la résidence permanente.
Pour l’organisme, l’attribution de la résidence permanente dès l’arrivée permettrait aux travailleurs étrangers d’accéder à des services essentiels, de bénéficier des droits du travail et de droits de l’homme, et de se réunir avec leur famille.
Mme Gomez souhaite aussi une couverture publique de soins de santé dès l’arrivée, ainsi que des inspections du travail proactives, non annoncées et aléatoires, reconnaissant la vulnérabilité de ces travailleurs.
« Je dirais que le travail que font généralement les travailleurs migrants est caractérisé par les 3D, c’est-à-dire sale, dangereux et peu attrayant (dirty dangerous and not desirable), et nous voyons que les travailleurs migrants jouent un rôle clé au sein de nos communautés en Nouvelle-Écosse, complète Gomez. Et ils sont des membres importants de nos communautés et devraient être traités équitablement. »