le Mercredi 11 septembre 2024
le Mardi 7 novembre 2023 9:00 Actualités nationales

Intelligent comme un corbeau

  PHOTO : Rosenthal Charlotte - Unsplash
PHOTO : Rosenthal Charlotte - Unsplash
Entourés de mystères, les corbeaux et les corneilles ont mauvaise réputation. Leurs croassements suffisent à mettre mal à l’aise. L’intelligence et la capacité d’adaptation de ces oiseaux sont pourtant fascinantes. Ils possèdent un cerveau parmi les plus gros du peuple à plumes.
Intelligent comme un corbeau
00:00 00:00

Pierre-Yves Daoust est professeur émérite au Collège vétérinaire de l’Atlantique de l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard.

PHOTO : De gracieuseté

Le soir venu, des milliers de corneilles se réunissent dans le ciel de Charlottetown pour passer la nuit dans les arbres du parc Victoria. Leurs croassements affolent alors de nombreux habitants qui tentent de les chasser. Les corbeaux, plus solitaires et moins nombreux, sont également visibles dans le ciel de la province.

Dans l’esprit de l’Halloween, ces oiseaux de la famille des corvidés sont parfois considérés comme des présages de mort, annonciateurs de malheur. 

Cette mauvaise réputation n’a pourtant pas sa raison d’être. Corneilles et corbeaux sont en réalité des êtres sensibles, extrêmement intelligents. 

« Ce sont les oiseaux les plus intelligents que l’on connaisse », confirme Pierre-Yves Daoust, professeur émérite au Collège vétérinaire de l’Atlantique de l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard.  

« Ils sont capables de planifier, de se projeter dans l’avenir, de résoudre des problèmes inédits, de fabriquer et d’utiliser des outils de la bonne façon », complète Louis Lefebvre, professeur au département de biologie de l’Université McGill, à Montréal. Des compétences que l’on retrouve chez des enfants de 4 à 6 ans. 

Louis Lefebvre est professeur au département de biologie de l’Université McGill, à Montréal.

PHOTO : De gracieuseté

Mémoire des visages 

Après tout, il semblerait que se faire dire que l’on a une cervelle d’oiseau est loin d’être la pire des insultes. Du moins si l’on se réfère aux corvidés. 

Plusieurs études ont révélé que les corbeaux réfléchissent avant de prendre des décisions, qu’ils sont capables de raisonnement statistique et qu’ils utilisent des compétences mathématiques.

Des équipes de chercheurs ont notamment démontré que les corbeaux sont capables d’inventer spontanément des outils en fonction du besoin, dans le but de se nourrir. 

Au Japon, les corneilles laissent ainsi des noix sur la chaussée pour que les voitures roulent dessus et les ouvrent. Autant de preuves d’une forme d’intelligence analytique et déductive.

Selon d’autres recherches, les corvidés possèdent une pensée abstraite. Il semble qu’ils soient également en mesure de distinguer un humain d’un autre en se basant uniquement sur la structure de leurs visages. Encore mieux, ils se souviennent des visages pendant plusieurs années après les avoir vus une seule fois.

Les corvidés utilisent par ailleurs un langage complexe de sons, de gestes et de postures. Ils imitent les cris d’autres animaux, saisissent un objet pour attirer l’attention de leurs congénères, pointent du bec comme les humains le feraient avec l’index pour indiquer quelque chose. 

« Résilients face à la destruction de leur habitat »

Ils reconnaissent leurs amis, même après plusieurs années de séparation, et les réconfortent après une dispute en leur lissant les plumes ou en leur donnant de la nourriture.

« Les corbeaux et les corneilles ont un haut degré de conscience et une cohésion de société très solide, on leur doit beaucoup de respect », insiste Pierre-Yves Daoust. 

Dotés d’une grande capacité d’adaptation, ils peuvent vivre plus de 40 ans et trouver leur nourriture dans les habitats les plus variés, en ville comme en forêt ou en zone agricole. 

« Très débrouillards, ils profitent même de la perturbation humaine de l’écosystème pour prospérer », assure Pierre-Yves Daoust. 

« Ils sont très résilients face à la destruction de leur habitat et peuvent facilement changer leur façon de s’alimenter, le danger d’extinction de ces espèces est faible », abonde Louis Lefebvre.  

Le scientifique reste néanmoins prudent. Le corbeau d’Hawaï, fabricateur d’outil extrêmement intelligent, s’est éteint à l’état sauvage à cause de la pression humaine sur son environnement.