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le Mardi 2 juin 2020 13:07 Politique

Le Canada a un nouveau héraut d’armes

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 FRANCOPRESSE : L’Autorité héraldique du Canada a un nouveau héraut d’armes : il s’agit du Franco-Ontarien Samy Khalid. Il succède à Claire Boudreau, d’origine acadienne, qui a été la première femme à occuper ce rôle. Aujourd’hui méconnu, le titre de héraut d’armes est donné à la personne qui dirige l’Autorité héraldique.
Le Canada a un nouveau héraut d’armes
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Qu’est-ce que l’Autorité héraldique? C’est un service gouvernemental, rattaché au bureau de la gouverneure générale du Canada et chargé de créer des armoiries, drapeaux et insignes. Il a été créé en 1988. L’héraldique est un art ancien qui remonte au Moyen Âge.

Ce service est accessible à toutes et à tous : individus, organismes et institutions. Les coûts peuvent totaliser quelques centaines de dollars.

Samy Khalid, titulaire d’un doctorat en histoire et en études canadiennes de l’Université d’Ottawa, fait partie de l’Autorité depuis trois ans. Chaque spécialiste du service porte un titre de héraut. Jusqu’à sa nomination, Samy Khalid a occupé le poste de héraut d’armes adjoint du Canada par intérim et « héraut Saguenay ». Il a répondu à nos questions à propos de sa nomination et du rôle joué par l’Autorité héraldique du Canada.

En quoi consiste l’Autorité héraldique du Canada? Samy Khalid :  On est une petite équipe de 8-9 personnes qui sont chargées de créer des armoiries, des drapeaux, des insignes, donc toutes sortes d’emblèmes qui sont consignés, reconnus officiellement au Canada.

Les hérauts sont apparus au Moyen Âge. Ce sont des spécialistes de l’art héraldique et ce sont les personnes chargées non seulement de tenir les registres de ce qui existe comme armoiries, mais aussi d’en créer de nouvelles.

L’une des règles très importantes de l’héraldique, c’est que les armoiries doivent être uniques parce qu’elles sont une sorte de carte d’identité, de façon d’identifier les gens, les organisations, les municipalités, etc. Il faut que cette preuve d’identité soit vraiment distincte et unique.

Pour qui concevez-vous les armoiries? S. K. : Le service est offert à tous les Canadiennes et Canadiens. On a un certain nombre de personnes qui s’intéressent à ça et qui font des demandes chaque année. Ça peut être n’importe qui dans la société : des gens qui ont entendu parler de ce service-là, de cette science-là, des personnes qui ont peut-être des origines européennes et qui ont un intérêt pour la généalogie.

Et c’est aussi beaucoup pour des institutions. On pense principalement aux Forces armées canadiennes, qui utilisent des insignes militaires dans toutes leurs activités, soit pour se distinguer ou pour exprimer leur identité. Parmi les autres institutions, on peut penser aux municipalités, aux universités et à toutes sortes d’organisations, de regroupements et d’associations de famille même.

L’Autorité héraldique du Canada existe depuis 1988. C’est quand même assez nouveau dans l’histoire du Canada. Les armoiries sont apparues surtout sur les champs de bataille en Europe, au Moyen Âge, et ç’a été amené au Canada dès le début avec les premiers arrivants. Les gouverneurs, les familles notables avaient des armoiries. On en retrouve les traces dans toute l’histoire du Canada.

 Si le service existe depuis seulement 1988, qui s’occupait de cette tâche avant? S. K. : Jusqu’au 20e siècle, les Canadiens qui voulaient se faire créer des armoiries officielles devaient s’adresser aux autorités compétentes en Angleterre ou en Écosse.

Dans les années 1980, dans la foulée du rapatriement des institutions canadiennes, il y avait une volonté de faire en sorte que les Canadiens puissent se doter de leurs institutions dans tous les domaines. Une demande a été faite à Sa Majesté la Reine pour ramener au Canada cette prérogative qui lui appartient.
Donc, en 1988, la reine a transféré sa prérogative royale héraldique au gouverneur général. C’est ce qui explique que cette institution soit placée au bureau de la gouverneure générale.

Comment procédez-vous pour concevoir des armoiries de famille? S. K. : Il y a plusieurs façons de faire et cela va dépendre de ce que veut le demandeur. Une règle de l’héraldique, c’est que des armoiries ne peuvent pas être utilisées par plusieurs personnes, puisque cela représente une carte d’identité personnelle. Donc, ça n’appartient pas à une famille en général, mais à un individu. Ce que l’on fait la plupart du temps, c’est créer de nouvelles armoiries, une nouvelle série de symboles qui sont personnels, qui vous correspondent. Il y a une discussion qui se fait entre le héraut et le demandeur. Elle tourne autour de qui vous êtes, ce que vous avez accompli, quelle importance la famille a pour vous et quels sont vos intérêts personnels.

J’ai le sentiment que c’est un domaine qui intéresse encore les gens et qui va les intéresser de plus en plus. On remarque dans la société, depuis quelques années déjà, un regain pour les tatouages. Quel est le rapport? Les tatouages sont une forme d’identification. Ça reste normalement toute la vie. C’est un peu la même chose pour les armoiries. Il faut choisir ce que vous voulez avoir comme symbole. Ça va durer toute une vie, et encore plus puisque c’est quelque chose qui se transmet aux descendants. C’est une forme d’héritage qu’on lègue à nos enfants, à nos petits enfants, etc., et qui va durer pendant des générations.

Combien en faites-vous par année? S. K. : On en produit une centaine, mais on est le seul pays du monde qui affiche les résultats dans un registre — le Registre public des armoiries, drapeaux et insignes du Canada. Depuis 1988, on parle de quelques milliers d’emblèmes.

Le s a r m o i r i e s s o n t individuelles. Vos enfants, le cas échéant, auront des armoiries qui seront très semblables dont la base sera identique, mais avec une petite différence pour indiquer le début de chaque nouvelle lignée. Il y a un enfant qui peut être désigné pour hériter des armoiries, donc elles ne se perdent pas ; elles se transmettent. C’est un legs pour les descendants.

Pour ce qui est des drapeaux, quel type de clients avez-vous? S. K. : Les familles aiment se faire faire un drapeau, ou elles-mêmes vont convertir leurs armoiries en drapeau pour mettre au chalet, sur le bateau ou à la maison. Sinon, on parle d’organisations, d’institutions, peut-être les unités des Forces armées canadiennes. Les drapeaux sont vraiment utilisés comme un symbole qui représente l’unité.

Pourquoi faut-il une institution gouvernementale publique pour offrir ce service-là? S. K. : C’est une tradition européenne qui remonte à presque 1000 ans. La tradition d’utiliser des symboles pour représenter l’essence d’une identité, on retrouve ça dans toutes les cultures du monde.

Il n’y a pas énormément de pays qui sont dotés d’une autorité héraldique. Je pense que ç’a été une belle réalisation du Canada de pouvoir créer son propre bureau en 1988. La beauté au Canada, c’est que c’est ouvert à tout le monde. Il faut aussi souligner que le Canada a des symboles qui datent de longtemps, soit chez les peuples autochtones. On ne parle pas vraiment d’héraldique; c’est plutôt un emblème propre à ces cultures-là. Il y a un grand intérêt de pouvoir étudier ces formes-là et de les consigner dans
le registre canadien.

Dans les cultures autochtones, les images ne représentent pas une idée, mais sont associées à l’esprit de la chose qui est représentée. C’est une dimension complètement différente qui est absolument passionnante à étudier.