La ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, a confirmé le 1er mars le financement de 58,8 millions de dollars pour trois ans. L’Initiative de journalisme local (IJL) permet de financer de la production journalistique pour des régions et des sujets qui sont peu couverts par les médias.
La directrice générale de la radio communautaire Boréal FM, Alyson Roussel, confirme que le programme a été important pour la communauté de Plamondon, en Alberta. «Depuis qu’on a l’IJL, on a été capable d’offrir des reportages et plus de bulletins de nouvelles, plus d’informations.»
Le financement leur a permis de passer d’une à deux entrevues par semaine à un poste de journaliste à temps plein qui peut «se consacrer concrètement juste aux nouvelles et ne pas faire 1000 tâches à la fois», illustre la directrice générale.
Cette augmentation du contenu local a eu un effet bénéfique, à la fois sur la radio et sur la région où habitent environ 500 personnes, dont environ le quart est francophone. «La communauté se sent plus impliquée parce qu’on les appelle, on les contacte. Ils se sentent plus écoutés.»
La popularité de la station a augmenté. «En un an, on a doublé nos cotes d’écoute l’année dernière», annonce Alyson Roussel.
Même montant que la dernière année
Le gouvernement fédéral reconduit 19,6 millions de dollars par année; le même montant qu’en 2023-2024. L’IJL a été créé en 2019 avec un investissement de 50 millions de dollars sur 5 ans. Il a été bonifié en 2022.
«Pour veiller à ce que les communautés mal desservies reçoivent les nouvelles qu’elles méritent, nous continuerons d’appuyer l’Initiative de journalisme local, qui aide les Canadiens et Canadiennes à obtenir des faits et des renseignements fiables lorsqu’ils en ont besoin», a affirmé la ministre St-Onge dans un communiqué.
Selon le gouvernement, l’IJL permet l’embauche de plus de 400 journalistes partout au pays qui couvrent 1500 communautés mal desservies.
Le gouvernement ne gère pas directement la distribution des fonds. Des organismes à but non lucratif se partagent le montant à distribuer à leurs membres. Médias d’Info Canada – qui représente les grands médias – gère 10,5 millions de dollars. Le reste est réparti entre Réseau.Presse, le Fonds canadien de la radio communautaire (FCRC), l’Association canadienne des usagers et stations de la télévision communautaire (CACTUS), la Quebec Community Newspapers Association (QCNA) et le National Ethnic Press and Media Council of Canada (NEPMCC).
Le renouvèlement a également été bien accueilli par les organismes gestionnaires, en particulier ceux qui représentent les médias de langue minoritaires qui bénéficient de peu d’autres sources d’aide financière.
Selon le Consortium des médias communautaires de langues officielles, 90 % des médias communautaires de langues officielles en situation minoritaire n’ont pas accès au crédit d’impôt pour la main-d’œuvre journalistique canadienne et aux redevances de l’entente conclue avec Google.
«C’est une grande avancée pour nos médias, car ce programme a permis de stabiliser leurs ressources en journalisme local et de rehausser la qualité de leur information locale produite», déclarent les coprésidents de Réseau.Presse (NDLR : Réseau.Presse est l’éditeur de Francopresse), Nicolas Jean et René Chiasson, par voie de communiqué.
Rapprocher les francophonies
Dans deux régions francophones du pays, l’IJL a permis d’ajouter des articles sur des enjeux touchant plus qu’une province ou territoire.
Le quotidien Acadie Nouvelle prend une partie de ses fonds IJL pour couvrir des sujets qui «intéressent à la fois tous les francophones des Maritimes», dévoile le rédacteur en chef, Gaétan Chiasson.
«On est en train un peu de reprendre ce que L’Évangéline faisait dans les années 1940-1950, dit-il. C’est de regrouper les francophones de tout l’Atlantique. Le monde a remarqué ça et c’est vraiment bien.»
Puisque l’IJL suit les principes Creative Commons, les autres médias de la région peuvent aussi les utiliser, permettant d’alléger un peu le travail de production de chacun tout en desservant leurs lecteurs.
Dans le nord du pays, un accord permet aux trois journaux francophones des territoires canadiens de partager une ressource. Une journaliste attachée au journal L’Aquilon, aux Territoires-du-Nord-Ouest, rédige des textes de l’Arctique qui peuvent aussi intéresser les lecteurs de l’Aurore boréale, au Yukon, et du Nunavoix, au Nunavut.
«On a des réunions chaque semaine par rapport [aux sujets]», confie le rédacteur en chef de L’Aquilon, Giovanni Imidy.
Qu’arriverait-il sans IJL?
Sans l’IJL, Boréal FM et l’Acadie Nouvelle confirment qu’ils ne pourraient pas continuer la production au même niveau.
«La population aurait peu de nouvelles locales», prévient Alyson Roussel de Boréal FM. La radio qu’elle dirige devrait diminuer sa production.
L’émission du matin garderait son segment de nouvelles, mais celles-ci abordent davantage les nouvelles provinciales et nationales. «Parce que du côté des nouvelles locales, il faut faire des recherches, il faut appeler des gens. Sans une personne qui travaille à temps plein à chercher des nouvelles locales, probablement que la population ne se sentirait pas entendue ni représentée», affirme la directrice générale.
Du côté de l’Acadie Nouvelle, Gaétan Chiasson confirme qu’ils ne pourraient pas continuer à financer la production d’articles pour tout l’Atlantique.
Un peu plus de travail
Giovanni Imidy souligne toutefois que la gestion que demande l’IJL augmente sa charge de travail déjà imposante. «Il se passe toujours de quoi à Yellowknife. Est-ce qu’il se passe toujours de quoi de civique [qui respecte les paramètres de l’IJL]? Pas vraiment», lâche-t-il.
En plus de passer plus de temps à rechercher des sujets, les rapports de production, même s’ils ne sont pas si lourds, sont tout de même un ajout moins bien venu à sa liste de tâches.
Alyson Roussel indique que pour les radios, l’IJL entraine d’autres dépenses non couvertes. «On ajoute un salaire, mais là, ça nous augmente nos frais SOCAN [pour les licences musicales]. Ce sont des dépenses qui ne sont pas couvertes par l’IJL», qui peuvent quand même compliquer la gestion d’un budget serré.
Néanmoins, les résultats sont plus positifs que négatifs pour la directrice générale. «C’est un des [programmes] plus faciles à gérer de mon côté, je trouve.»