Jean-Philippe Giroux – IJL – Réseau.Presse – Le Courrier de la Nouvelle-Écosse
« Nous manifestons notre profond mécontentement par rapport à l’inefficacité et le laxisme de l’administration dans l’application des mesures proposées […] et à l’insensibilité avec laquelle l’initiative étudiante SA Change Now est traitée », déclare Gabriela Vellego, présidente de l’Association des professeurs, professeures et bibliothécaires de l’Université (APPBUSA).
Dans cette lettre, la présidente insiste sur le fait que le comité sur la prévention de la violence en milieu d’étude a envoyé, en septembre 2021, un document au recteur de l’Université Sainte-Anne (USA), Allister Surette, qui comprenait neuf recommandations afin de rendre le campus plus sûr pour les étudiants et le personnel.
Le syndicat a reçu un avis de réception de la part du bureau du recteur, mais aucune réponse formelle touchant à l’application des mesures n’a été formulée.
Parmi les propositions, le comité mentionne le besoin d’installer des téléphones ou des boutons d’urgence à différents endroits sur le campus, de concevoir un onglet accessible sur le site Internet de l’université pour trouver des ressources en matière de violence sexuelle ainsi que de créer un bureau d’équité, de diversité et d’inclusion, qui aurait pour mandat la prévention de la violence sexuelle.
De plus, le syndicat recommande la formation d’une équipe de soutien accessible en tout temps, la révision des tâches des gardiens de sécurité de plus que la création d’un programme de sensibilisation obligatoire pour tous les membres de la communauté universitaire.
L’administration de l’USA a présenté mardi dernier un bilan de ses travaux en lien avec la prévention de la violence sexuelle, qui inclut un plan d’amélioration de l’éclairage à l’intérieur et à l’extérieur du campus, soit l’une des recommandations citées dans la lettre ouverte du syndicat.
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Notons que l’APPBUSA avait soumis une lettre, le 10 juin 2022, exhortant l’administration à mettre en application la série de recommandations proposée l’année précédente.

Un aperçu de la lettre ouverte de l’APPBUSA, qui a été publiée sur les réseaux sociaux.
« C’était grave »
Le comité en question a été formé en 2021. La situation a évolué lorsque la professeure Andrea Burke-Saulnier, qui fait maintenant partie du bureau de l’APPBUSA, a fait part des inquiétudes exprimées par un membre de la communauté universitaire.
Mme Burke-Saulnier était choquée par les détails de son témoignage, notamment le nombre d’incidents mentionnés. « C’était difficile à digérer », avoue-t-elle.
Elle s’est tournée vers le syndicat des professeurs pour inciter au changement, ce qui a mené à la création du sous-comité derrière la lettre ouverte.
Deux ans plus tard, un groupe d’étudiants a décidé de lancer la campagne Faut que SA change maintenant en proposant ses propres recommandations : l’offre d’un service de conseil d’urgence, un soutien psychologique sur place, des accommodements universitaires pour les victimes ainsi que la désignation d’un bureau pour le traitement de plaintes.
« Je suis tellement contente et fière que les étudiants l’ont pris en main », lance Mme Burke-Saulnier. Elle soutient qu’elle n’a jamais vu autant de bouleversement et d’évolution à l’USA. Elle est d’avis que, grâce aux apports du mouvement étudiant, les changements systémiques se font à un rythme qui surpasse le travail de l’APPBUSA.
Mme Burke-Saulnier souhaite que le rectorat réagisse plus rapidement et plus efficacement. Pour ce faire, il faudrait, selon elle, une reconnaissance formelle de la culture du viol et une présentation plus concrète des actions à faire. « Une fois que nous reconnaissons ensemble que ça existe, je trouve que là, nous pouvons avancer ensemble », explique la professeure.
Selon l’Organisation des Nations unies, la culture du viol est un « ensemble de comportements qui banalisent, excusent et justifient les agressions sexuelles, ou les transforment en plaisanteries et divertissements. Le corps des femmes y est considéré comme un objet destiné à assouvir les besoins des hommes. Les commentaires sexistes abondent et ils créent un climat confortable pour les agresseurs. Dans une telle culture, la responsabilité de l’agression repose sur la victime, dont la parole est remise en cause. »

Andrea Burke-Saulnier, secrétaire de l’APPBUSA.
L’indignation face à la situation
Le jour même du lancement de la campagne Faut que SA change maintenant, Brian Gibson, professeur à l’USA, a réagi publiquement dans un texte d’opinion publié par le Halifax Examiner, dans lequel il critique l’administration de l’université.
Il est fier de voir les victimes prendre l’affaire en main et d’exiger le changement « de la part d’une administration qui, depuis très longtemps, ne répond pas aux étudiants ».
M. Gibson est impressionné par les retombées de la campagne. « D’une certaine manière, cette campagne est un exemple très encourageant de ce que les médias sociaux peuvent faire », fait-il remarquer.
Le professeur a pris la décision de ne pas joindre le comité sur la prévention de la violence en milieu d’étude de l’APPBUSA, car il « est entravé par le fait qu’il doit travailler dans les limites des rouages administratifs de cette université ». Selon lui, le comité n’est pas en mesure de changer suffisamment les choses.
Questionné sur la prochaine étape à suivre pour faire face à la pétition Faut que SA change maintenant, la directrice des communications de l’USA a réitéré que leur priorité demeure la prévention de la violence sexuelle et qu’il s’agit d’un enjeu que l’université prend très au sérieux.