le Samedi 30 septembre 2023
le Mardi 7 février 2023 7:00 Non classé

L’espace francophone forme-t-elle une communauté linguistique ?

  PHOTO - Arpit Rastogi (Unsplash)
PHOTO - Arpit Rastogi (Unsplash)
Cette interrogation parait pertinente, voire existentielle, pour tous ceux et celles qui vivent dans l’espace francophone ou qui s’y intéressent à des fins de recherche. Je ne suis pas le premier à m’interroger à ce sujet.
L’espace francophone forme-t-elle une communauté linguistique ?
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Compte tenu de la complexité dont la francophonie fait l’objet, il y a plusieurs auteurs ou chercheurs qui ont déjà tenté de répondre à une telle interrogation. Je peux citer, entre autres, Isabelle Violette dans son article titré Pour une problématique de la francophonie et de l’espace francophone : réflexions sur une réalité construite à travers ses contradictions, paru en 2006, Baggioni et Kasbarian en 1996 dans La production de l’identité dans les situations de francophonie en contact et un chapitre du livre titré Le français dans l’espace francophone, sous la direction de Didier de Robillard et Michel Beniamino.

Avant de tenter de donner une réponse à cette interrogation, il faudrait, d’entrée de jeu, définir les termes d’espace francophone et communauté linguistique. En général, l’espace francophone fait référence à un double critère linguistique et géographique. Cependant pour Michel Tétu dans son livre titré Qu’est-ce que la francophonie, paru en 1997, l’espace francophone a une dimension plurielle. Il affirme que « l’espace francophone représente une réalité non exclusivement géographique ni même linguistique, mais aussi culturelle; elle réunit tous ceux qui, de près ou de loin, éprouvent ou expriment une certaine appartenance à la langue française ou aux cultures francophones. » 

Quant au terme de communauté linguistique, Leonard Bloomfield le définit comme « un groupe de gens qui agit au moyen d’un discours ». Tandis que, pour William Labov, l’un des pères de la sociolinguistique moderne, la communauté linguistique est « un groupe qui partage les mêmes normes quant à la langue ».  

Peut-on considérer l’espace francophone comme une communauté linguistique ? Existe-t-il vraiment dans le monde un espace réellement francophone ? À rappeler qu’après la France et la Principauté de Monaco, tous les pays considérés comme francophones ont d’autres langues qui cohabitent avec le français. Et encore, le sentiment d’appartenance à la langue française dont Tétu parle n’est pas évident dans l’espace considéré comme francophone. Il y a des peuples qui veulent garder une distance avec la langue française en raison de son statut lié à l’héritage colonial.  

Qui peut se considérer comme étant francophone ? Une kyrielle de questions peuvent se poser. Cependant, il n’y a aucun doute que le français, la langue qui unit les pays qui se trouvent dans cet espace désigné comme francophone, ou la Francophonie, la structure qui coiffe ces pays, fait l’objet de beaucoup de contradictions. La Francophonie ne prône que le français de l’Hexagone. Une langue qui n’a pas de variétés standardisées. Une langue qui ne tient pas compte des variétés régionales. Cependant, ces dernières (les variétés régionales) se trouvent dans tous les pays francophones. Même la France comprend encore des variétés régionales. 

Considérant l’identité propre à chaque pays ayant le français comme langue officielle et le plurilinguisme dans lequel se baigne cette langue, considérant les multiples variétés qui constituent la réalité symbolique de l’identité sociolinguistique de ces pays, dire que l’espace francophone constitue une seule et même communauté linguistique parait problématique. Cependant, Aude Bretegnier, que cite Isabelle Violette dans son article mentionné plus haut, croit que la Francophonie pourrait être considérée comme une communauté transnationale. 

Cet auteur a peut-être mis une fin à ce débat. Cependant, le jour où la Francophonie prendra en compte l’identité particulière et les variations linguistiques de chaque pays constituant l’espace francophone, celle-ci pourra se considérer comme une communauté linguistique.