Intitulé L’école francophone en milieu minoritaire est-elle apte à intégrer les élèves immigrants et réfugiés récemment arrivés au pays?, l’article a été coécrit par Malanga-Georges Liboy et Judith Patouma, professeurs au Département des sciences de l’éducation de l’Université Sainte-Anne.
Pour le professeur Liboy, auteur principal de l’article, la mission des écoles francophones en milieu minoritaire ne permet pas de répondre aux besoins des élèves immigrants. Le professeur défend qu’en mettant l’accent sur la promotion de la culture franco-acadienne dans le modèle éducatif, le personnel scolaire ignore les défis linguistiques et culturels auxquels sont confrontés les enfants étrangers.
Selon lui, l’école francophone tend à répondre aux besoins spécifiques des jeunes dont l’un des parents est francophone et a étudié en français — les ayants droit — au détriment des nouveaux arrivants : «Ces écoles ont pour mission le maintien du français et de la culture francophone, donc il faudrait ouvrir la mission de ces dernières pour ne pas seulement avoir des élèves ayant droit», suggère le professeur.
Les élèves allophones particulièrement touchés
L’étude a été réalisée auprès d’une vingtaine de personnes, « dont les parents d’élèves récemment immigrés, le personnel enseignant, les intervenantes et intervenants scolaires et les directions d’école », précise un communiqué de l’Université Sainte-Anne.
De cette étude, les deux auteurs dénotent que la barrière linguistique, les différences culturelles, le manque d’appui à domicile ou encore l’absence de communication avec les parents constituent des freins à l’intégration des élèves immigrants.
Pour eux, le manque de ressources sur les plans financier, humain et logistique empêche de créer un climat de confiance entre les écoles et les élèves.
Pour Karim Amedjkouh, coordonnateur de la diversité et des droits de la personne au Conseil scolaire acadien provincial (CSAP), ce ne sont pas tous les élèves immigrants qui sont confrontés aux défis de l’intégration. Bien que la mission des écoles francophones soit selon lui à revoir, il note que seuls les élèves immigrants allophones font face à cette difficulté.
« Les élèves immigrants ne font pas partie d’une catégorie précise. À l’intérieur de ce groupe, on retrouve des élèves immigrants francophones […] des cas d’élèves réfugiés avec des problèmes de scolarisation et des élèves réfugiés allophones. Ainsi, lors de ma discussion avec le professeur [Malanga-Georges Liboy], j’ai précisé que sa recherche se porte plus vers les élèves allophones et ceux ayant des difficultés de scolarisation », précise-t-il.
Plaidoyer pour des ressources supplémentaires
Déjà en 2018, dans un rapport de recherche sur l’intégration des élèves issus de l’immigration dans les écoles, le professeur Liboy soulignait le manque de ressources financières, matérielles et humaines dans les écoles francophones.
Le personnel enseignant questionné lors des entrevues se plaignait déjà du manque de financement accordé aux écoles, notamment lors de la mise en place de programme d’aide aux élèves en difficulté.
Dans sa plus récente recherche, le professeur Liboy constate que le manque d’information sur le parcours migratoire des élèves nouveaux arrivants et de leurs familles nuit également à leur inclusion dans les écoles. Les barrières linguistiques, le manque de formation du personnel enseignant ou encore le manque de soutien aux parents ne favorisent pas non plus l’encadrement de ces élèves dans leur parcours académique.
« Il faut avoir beaucoup de ressources si on veut accueillir ces élèves [issus de l’immigration] qui viennent avec des besoins spéciaux. Il faudrait mettre à leur disposition des intervenants scolaires et des psychologues pour les accompagner. Il faut aussi fournir de la formation pour les enseignants sur la gestion de la diversité », ajoute Malanga-Georges Liboy.

Une évolution lente, mais constante
Depuis 2018, le CSAP travaille à une meilleure intégration des élèves allophones immigrants. Bien que les initiatives de départ se soient concentrées dans la région d’Halifax, leurs efforts se sont poursuivis à tous les pôles de la province.
Le conseil scolaire a ainsi travaillé en collaboration avec le professeur Liboy pour la réalisation de son enquête. Le CSAP a également créé des services d’accueil et de tutorat pour aider à la francisation.
Des postes d’agents à l’intégration ont aussi vu le jour pour appuyer les élèves, et des formations sur la diversité et l’inclusion ont été proposées au personnel enseignant.
Enfin, le CSAP travaille à la création d’un programme technologique destiné aux parents immigrants et se dit content des progrès observés chez les élèves et le personnel.
« J’ai remarqué qu’il y a une prise de conscience chez les directions. [Les formations ont] permis à notre personnel de déconstruire certains préjugés, de comprendre la thématique de l’immigration et de la diversité […] Certains élèves ont réintégré les salles et n’ont plus besoin de ces services », félicite Karim Amedjkouh.