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Présentation des épouses de Champlain et de Mons

Catherine Goulletquer lors de sa présentation à la galerie Le Trécarré.  — PHOTO: Richard Landry
Catherine Goulletquer lors de sa présentation à la galerie Le Trécarré.
PHOTO: Richard Landry
POINTE-de-l’ÉGLISE - Judith Chesnel (1561-1638) était l’épouse de sieur Pierre Dugua de Mons et Hélène Boullé (1598-1654) était l’épouse de Samuel de Champlain. Elles ont été présentées avec leurs contrastes et similitudes lors d’une causerie historique à la galerie Le Trécarré de l’Université Sainte-Anne par Catherine Goulletquer, le 21 mai en après-midi.
Présentation des épouses de Champlain et de Mons
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Catherine Goulletquer de Nantes, France, originaire de Saintonge, était journaliste professionnelle bilingue en France et aux États-Unis pendant plus de 10 ans. Elle s’est tournée vers l’écriture de biographies, particulièrement de femmes, et la traduction d’ouvrages historiques. 

Depuis 2000, elle a publié chez une dizaine d’éditeurs une vingtaine d’ouvrages individuels et collectifs ayant en commun une approche historique et culturelle. Elle s’est intéressée particulièrement à la vie de mesdames Chesnel et Boullé. Son époux, Phillippe, est de descendance acadienne des Poirier de Beaubassin.

Par sa présentation, la conférencière a présenté les deux femmes historiques. «L’une issue de l’aristocratie rurale, Judith Chesnel, et l’autre de la bourgeoisie parisienne et bretonne, Hélène Boullé. Elles ont vécu dans l’ombre de leurs époux et n’ont jamais eu d’enfants. Pourtant, à un moment donné, leur vie a basculé et elles ont pris leur destin en main», selon elle.

Hélène Boullé, née d’une famille bourgeoise catholique à Paris, a épousé Samuel de Champlain, alors âgé de 43 ans, en 1610 à l’âge de 12 ans. Sa volonté de se marier était contestable, selon Catherine Goulletquer. Son frère, Eustache, était lieutenant à Champlain. 

Elle s’est rebellée aux débuts de son mariage à l’âge de 15 ans à peine. On l’a retrouvé à Québec en 1620, où, à l’âge de 22 à 26 ans, elle a enseigné la catéchèse au peuple algonquin. Elle est retournée en France en 1624 et souhaitait devenir religieuse, mais Champlain lui a refusé de poursuivre cette vocation. 

Son mari est décédé à Québec en 1635, résultat d’un accident vasculaire cérébrale. On ne sait pas où il est enfoui. Madame de Champlain est alors devenue entrepreneuse pour s’occuper des affaires de son défunt mari. Elle a donc décidé de devenir religieuse, nommée la sœur Hélène Madeleine de Saint Augustin, et est entrée chez les Ursulines, où elle est décédée en 1654. 

Champlain était cartographe du roi, qui est venu avec de Mons et Poutrincourt fonder l’Acadie en bâtissant l’habitation à l’Île Sainte-Croix et, de là, à Port-Royal. Il a ensuite fondé le Québec. Il a fait son dernier voyage vers Québec depuis la France en 1633, donc il était souvent absent de son épouse.

Judith Chesnel de Saintonge, Brouage, avait épousé Pierre Dugua de Mons depuis un an environ quand Hélène Boullé est née en 1598. Judith est née à Meux dans une famille militaire aristocrate. Son mariage mixte (lui calviniste et elle catholique) a eu lieu en 1696. 

Elle a éventuellement hérité de la moitié de la fortune familiale et s’en est servie pour aider de Mons dans son rêve de coloniser le Nouveau Monde. On a noté à la conférence qu’il n’y aurait pas eu d’Acadie sans elle et son argent. Elle est aussi devenue femme d’affaires avec les restes de sa fortune familiale quand son mari est décédé en 1628.

De Mons a été nommé vice-amiral et a connu beaucoup de conflits dans ses affaires en Acadie. Il a cédé le projet de colonisation de Port-Royal à Poutrincourt quand d’autres marchands ont protesté le monopole qui lui avait été accordé par le roi Henri IV. Il est retourné en France en 1607.

Après avoir présenté les deux femmes, la conférencière a noté des contrastes et similitudes entre les deux épouses des colonisateurs. 

«Je dirais qu’Hélène est, à bien des égards, une femme de son temps, dit Mme Goulletquer. Mariée prématurément à un “vieil homme” pour sa dot, elle dépendit de lui pour tous les aspects de sa vie jusqu’à son veuvage qui la releva de cette tutelle.»

«Les épreuves à venir dans sa vie ont fait d’elle une femme indépendante et compétente, une gestionnaire avisée, mais qui ne se laissa pas détourner de sa mission intime : entrer en religion en un XVIIe siècle où la contre-réforme catholique occupait le devant de la scène. Le couvent était une protection pour les femmes seules. Devenue sœur Hélène, elle a utilisé son héritage pour fonder sa propre maison et continuer à former une nouvelle génération de femmes. D’une certaine manière, elle dut mourir avec le sentiment d’une vie accomplie», estime Mme Goulletquer.

Quant à Judith Chesnel, qui naquit presqu’une génération avant Hélène, on sait peu de choses. «Elle était née dans un autre temps et dans un autre milieu d’aristocratie rurale, les guerres de Religion ayant été dévastatrices en Saintonge. Lorsqu’elle épousa Dugua de Mons en 1597, elle n’avait pratiquement connu que la guerre. Du couple qu’elle forma avec lui, nous ne savons pratiquement rien sinon qu’elle lui apporta en dot une somme considérable qui dut aider à financer (presque la moitié) son expédition en Acadien de 1604», raconte la conférencière. 

«Quand la vie de Mme Dugua de Mons bascula, elle se défendit elle aussi en justice pour récupérer sa dot. Quand il est mort, de Mons a laissé son seul neveu comme son légataire universel. Elle a ainsi lancé une nouvelle procédure judiciaire pour obtenir son dû. Même si elle finit par négocier avec ledit neveu, sa démarche révèle également une femme combative, luttant pour ses droits», selon Mme Goulletquer.

Cette dernière a noté en conclusion : «En dépit de l’absence de droits juridiques propres, les épouses de Dugua de Mons et de Samuel de Champlain ont malgré tout réussi, dans la seconde partie de leur vie au moins, à défendre leur dignité et s’affirmer dans une certaine mesure.» 

La causerie a été présentée par la Société historique acadienne de la Baie Sainte-Marie avec la collaboration de la Société acadienne de Clare.