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le Lundi 28 octobre 2019 13:51 Communautaire

Le Courrier de la Nouvelle-Écosse : la proximité du bon voisinage

Luné Roc Pierre Louis, Ph.D. Professeur à l’Université d’État d’Haïti — Gracieuseté
Luné Roc Pierre Louis, Ph.D. Professeur à l’Université d’État d’Haïti
Gracieuseté
PORT-au-PRINCE (HAÏTI) : Dans mon séjour dû à une résidence académique à l’Université Sainte-Anne au campus de la Pointe-de-l’Église du 30 septembre au 6 octobre 2019, dans le cadre du colloque annuel du Réseau de la recherche sur la francophonie canadienne, baptisé cette année Les médias francophones sous toutes les coutures : rôles, défis, occasions dans un environnement en changement, il ressort que tout ne s’était pas réduit à passer d’un auditoire à l’autre pour faire ou suivre des conférences, des causeries ou des tables-rondes.
Le Courrier de la Nouvelle-Écosse : la proximité du bon voisinage
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     À côté de la découverte du campus de l’Université et de ses instances, du village de Pointe-de-l’Église, de la Baie Sainte-Marie, de la municipalité de Clare, de l’histoire ou encore de la culture acadienne, la place était faite aux médias locaux dont Radio CIFA et surtout au journal acadien Le Courrier de la Nouvelle-Écosse.

     La découverte de cet hebdomadaire local se nourrit d’une part de la lecture de plusieurs articles de rubriques différentes et des renseignements ressortissant d’une visite du journal de 82 ans d’existence où j’ai eu le privilège de participer à une rencontre très conviviale avec son staff, rencontre présidée par Francis Robichaud.

     Dès lors, il s’agissait de ne pas attribuer cette découverte au folklorisme et à scruter si Le Courrier de la Nouvelle-Écosse en tant que journal local répond aux réquisits d’un média de proximité. Cela dit, la question était de faire ressortir le type de récit médiatique que promeut Le Courrier de la Nouvelle-Écosse, notamment dans sa production. En d’autres termes, comment choisit-il de dire son monde et quel type d’interactions opère-t-il avec son public?

     En effet, si tant est qu’un média de proximité, en qualité de média, ne soit pas nécessairement différent d’un média qui se dit national, il se doit toutefois de se montrer différent dans la manière de procéder pour choisir les sujets qui constituent ses priorités et surtout dans le traitement qu’il leur prodigue. Pour faire simple, le média national doit se montrer agressif ou incisif pour susciter le dérangement en allant toujours à la quête de ce qui ne va pas, tandis que le média de proximité doit se montrer plutôt convivial pour exercer sa mission de cohésion sociale en allant surtout à la quête de ce qui est susceptible de rassembler.

     Cela dit, l’un des enjeux majeurs pour ce qui concerne le point de vue éthique est que le média national doit en rendre compte quant à ce qui renvoie à ses sources et à l’équilibre dans les traitements, ce qui lui confère le droit d’être le plus distant possible, tandis que le média de proximité s’y investit directement afin de prendre sa place dans la communauté, ce qui lui confère une nécessité de rapprochement, sans lequel il lui serait illusoire de prétendre être un facteur de cohésion sociale.

     Mutatis mutandis, la double perspective de lecture de Le Courrier de la Nouvelle-Écosse (échange avec le staff, lecture des articles de différentes rubriques) révèle que le récit médiatique que ce dernier tisse demeure conforme à la loi de proximité qui lui confère le titre de ce qu’il convient d’appeler un médiateur immédiat. Aussi les quatre types de proximité, à savoir proximité géographique, proximité temporelle, proximité affective et proximité sociale, y coexistent-elles. Ce qui permet de conclure que ce journal est un véritable colosse pour la communauté constituant son public. Il s’y implante en s’investissant dans le journalisme citoyen par le biais duquel il contribue au renforcement de la démocratie (délibérative). En d’autres termes, il favorise un type de récit médiatique qui peut être qualifié d’intégrant en ce sens que son lecteur dispose de toutes les potentialités d’être également auteur ou producteur. Quitte à préciser que le facteur le plus fondamental de la loi de proximité est que le lecteur est susceptible de devenir auteur dans les colonnes d’un journal qu’il considère ou qu’il peut considérer comme étant propriété de sa communauté, de son monde immédiat. Ce qui n’est pas toujours facile à faire comprendre, mais tel doit bien être le cas dès qu’il s’agit d’un média ou surtout d’un journal local ou de proximité.

     Toujours convient-il de souligner qu’en sa qualité de média francophone, Le Courrier de la Nouvelle-Écosse constitue un véritable patrimoine à protéger par l’ensemble des minorités francophones en général et par la communauté acadienne en particulier, ne serait-ce qu’en le lisant et en s’y abonnant. Mais encore faut-il espérer que l’Université Sainte-Anne offre à l’avenir des programmes de formation en journalisme et pourquoi pas un département de journalisme. L’Université étant la première dépositaire des valeurs patrimoniales.