Au début de février, une tempête de neige qualifiée « d’historique » a frappé le centre et l’est de la Nouvelle-Écosse. Le Cap-Breton y a particulièrement gouté avec les quelque 150 cm de neige qui ont enseveli Sydney. L’état d’urgence décrété a duré cinq jours.
Historique, peut-être, mais était-ce la tempête du siècle ? Comme il reste encore 76 années au siècle présent, il serait de mise de se garder une petite gêne. On verra bien. Mais si vous ajoutez 76 à votre âge, peut-être qu’en fait, on ne verra pas.
Et encore faut-il définir l’espace-temps de « tempête du siècle ». Tempête du siècle pour la région ? La province ? Le pays ? La Voie lactée ? Parions que la Voie lactée en a vu d’autres. Ce n’est peut-être pas pour rien qu’elle est blanche. Enfin.
Qu’est-ce qu’un blizzard ?
Avant d’aller plus loin, entendons-nous sur la définition du mot « blizzard ». On ne parle pas ici d’un dessert glacé populaire servi dans un gobelet qu’on peut retourner à l’envers sans que la cuillère qui y a été insérée tombe.
À l’instar de beaucoup de choses dans ce bas monde, la réponse n’est pas unilatérale et varie selon à qui l’on pose la question.
Pour Environnement Canada, un blizzard est une tempête de neige qui dure au moins quatre heures avec des rafales de 40 km/h et une visibilité réduite de moins d’un kilomètre. La température doit également être sous le point de congélation… ce qui habituellement est nécessaire pour la formation de la neige.
Wikipédia, qui cite également Environnement Canada, souligne qu’il faut seulement un minimum de trois heures de mauvais temps pour qu’une tempête atteigne le stade de blizzard, mais les rafales doivent être plus fortes, soit au moins 50 km/h, et la visibilité réduite de 400 mètres. D’autres sources ont, encore, d’autres réponses. Entendez-vous s.v.p.
Aux États-Unis, le National Weather Service place la barre des rafales plus haute, à 60 km/h pour étamper « blizzard » sur une tempête. À noter qu’aucune de ces sommités météorologiques ne mentionne une quantité minimale de neige. Une définition de blizzard, bizarre…
Bon. On n’en fera pas un blizzard dans un verre d’eau. Ou de cristal de glace.
Le palmarès des blizzards : un terrain glissant
Du point de vue des précipitations seulement, les 150 cm du Cap-Breton au début février mettent la barre haute. Mais…
Le « grand blizzard de 1888 » – c’est son nom – est souvent mentionné dans la liste des tempêtes de neige mémorables en Amérique du Nord. L’étendue du blizzard va du Maryland, près de Washington, jusqu’au Maine et dans l’est du Canada.
Les quantités de neige rapportées diffèrent selon les sources, de près de 60 cm à New York jusqu’à 150 cm au Connecticut.
Pas mal. Disons qu’on pourrait le considérer comme la « tempête du siècle » du XIXe siècle.
Mais qu’en est-il du XXe siècle ? La tempête qui est le plus souvent étiquetée comme étant celle « du siècle » est celle de l’hiver 1971. Entre le 3 et le 5 mars, une partie du continent nord-américain, y compris le Québec et les provinces de l’Atlantique, a été balayée par ce blizzard.
Montréal reçoit presque 60 cm de neige, ce qui est loin des 150 cm de cette année au Cap-Breton, mais ce sont les vents de plus de 100 km/h qui vont paralyser la région. Certaines personnes doivent dormir à leur lieu de travail, ce qu’on pourrait qualifier de l’inverse du travail à domicile.
Quatre ans plus tôt, en avril 1967, on a rapporté 175 cm de neige dans le sud de l’Alberta. Mais en y regardant de plus près, on s’aperçoit qu’il s’agissait en fait de deux tempêtes au cours du même mois. Bel essai, mais ça ne compte pas.
Deux tempêtes du siècle ?
Un autre blizzard vient rivaliser avec celui de 1971, soit celui du 12 au 15 mars 1993. Les Américains vont non seulement lui donner le nom de « tempête du siècle », mais aussi de «superstorm» [supertempête] ou « the great blizzard of 1993 » [le grand blizzard de 1993].
Ce mégasystème couvrait un immense territoire allant du Honduras (qui, en passant, n’a pas reçu de neige) jusqu’à l’est du Canada. C’était à la fois un ouragan en Floride et un blizzard dans le nord. Là on jase.
Dans la catégorie « mention spéciale », on peut souligner le blizzard de 1978 qui a laissé 70 cm sur Boston (bof) ou celui de 1939 qui a laissé 131,6 cm (qui a compté?) sur la ville de Québec, mais comme pour le cas du sud de l’Alberta, c’était deux tempêtes distanciées de plusieurs jours. Disqualifié.
Les Américains, qui aiment bien les superlatifs, ont donné à de grosses tempêtes les noms de « Snowzilla » (2016) et même de « Snowmageddon » (2010).
Évidemment, tout le monde veut pouvoir dire qu’il a vécu la « plusse-pire-grosse-tempête du siècle ».
Le 14 et 15 mars 2017, le blizzard qui a frappé le sud du Québec a été couronné de « nouvelle tempête du siècle » (quelle était l’ancienne ?). On a mesuré 119 cm de neige sur deux jours. On a envie d’y croire.
Mais le gagnant est…
Curieusement, les annales « blizzardiennes » omettent une autre « tempête du siècle » qui pourrait bien ravir le titre : Moncton, 1992. (Note de la rédaction : l’auteur nie tout biais même s’il réside dans cette ville depuis plus de 30 ans et qu’il a vécu ladite tempête.)
Fin janvier, il n’y a presque pas de neige au sol, ce qui est inhabituel. Encore plus inhabituel, il va neiger pendant trois jours, du 31 janvier au 2 février.
Des conditions de blizzard pendant 28 heures avec des rafales à plus de 110 km/h, des bancs de neige de plus de trois mètres cachant les façades des commerces. Des résidents doivent creuser des tunnels pour sortir de chez eux. Et un époustouflant total de 162 cm de neige !
Pour toutes ces raisons, le blizzard qui a frappé Moncton en 1992 peut être qualifié de « plusse-pire-grosse tempête du siècle ever ». Le sujet est clos.