le Samedi 14 septembre 2024
le Jeudi 8 août 2024 9:00 Actualités nationales

Histoire des Noirs : une présence ininterrompue depuis quatre siècles

Dans les jardins de la Maison historique Beaconsfield, des panneaux évoquent les parcours d’insulaires noirs qui vivaient aux quatre coins de la province à différentes époques. — PHOTO: Marine Ernoult
Dans les jardins de la Maison historique Beaconsfield, des panneaux évoquent les parcours d’insulaires noirs qui vivaient aux quatre coins de la province à différentes époques.
PHOTO: Marine Ernoult
La Voix acadienne - Le jeudi 1er août, le Canada et l’Î.-P.-É. commémoraient l’abolition de l’esclavage, le 1er août 1834. À cette occasion, citoyens, politiques et représentants de la communauté noire se sont rassemblés à Charlottetown pour souligner l’héritage et la présence continue d’insulaires noirs depuis plus de 300 ans.
Histoire des Noirs : une présence ininterrompue depuis quatre siècles
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Avec l’exposition, le but de Matthew McRae est de «montrer que les habitants noirs de l’île sont ici sans discontinuer depuis des siècles». 

PHOTO: Marine Ernoult

Marine Ernoult / IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne

«Le Jour de l’émancipation est une journée où l’on reconnaît la résilience et la ténacité du peuple noir, la force que nous portons en nous pour après ce que nous avons enduré», partage Tamara Steele, directrice générale de la Black Cultural Society de l’Île-du-Prince-Édouard (Î.-P.-É). 

La responsable évoque également une journée pour se souvenir de tous ces «ancêtres noirs», morts à cause de la traite transatlantique des esclaves, «qui se sont réveillés au lever du soleil et n’en ont jamais vu d’autres.»

«C’est l’occasion de réfléchir à cette terrible histoire de l’esclavage dans ce qui était alors l’Empire britannique», ajoute à ses côtés Matthew McRae, directeur général du Musée et de la Fondation du patrimoine de l’Î.-P.-É. 

Le jeudi 1er août, devant la Maison historique Beaconsfield à Charlottetown, citoyens, politiques, représentants des communautés noire et micmaque se sont réunis pour commémorer l’abolition de l’esclavage au Canada, le 1er août 1834.

«Mais il a fallu beaucoup plus de temps pour que les Noirs soient effectivement libérés, précise Tamara Steele. Encore aujourd’hui, il nous reste du chemin à parcourir en tant que société pour que tous les peuples soient libres.»

«Le Jour de l’émancipation est une journée où l’on reconnaît la résilience et la ténacité du peuple noir», déclare Tamara Steele, directrice générale de la Black Cultural Society de l’ÎPÉ.

PHOTO: Marine Ernoult

Des esclaves noirs «dès l’occupation française» 

«Nous devons veiller à ne pas considérer l’émancipation comme la fin de l’injustice raciale. L’émancipation elle-même était un processus injuste», renchérit Matthew McRae. 

Les personnes libérées de l’esclavage il y a 190 ans n’ont ainsi reçu aucune forme de compensation. Au contraire, le gouvernement britannique a dû emprunter 20 millions de livres sterling pour dédommager les esclavagistes. 

Cela équivaut aujourd’hui à plus de 4 milliards de dollars canadiens. Le Royaume-Uni a intégralement remboursé ce prêt il y a seulement une dizaine d’années. 

Malgré l’esclavage, la pauvreté et le racisme systémique, des familles noires vivent à l’Î.-P.-É. depuis au moins le début des années 1700 et «dès l’occupation française», rapporte Matthew McRae. 

En 1732, l’homme d’affaires français Jean-Pierre Roma a notamment fait venir des esclaves noirs pour travailler sur le site de Roma à Trois-Rivières. 

Pour souligner cette histoire vieille de trois siècles, le Musée et la Fondation du patrimoine de l’Î.-P.-É. ont monté une exposition bilingue Les Insulaires noirs : quatre siècles et des poussières (en tenant compte du 21e siècle), qui retrace le parcours d’au moins une douzaine d’insulaires noirs.

«Notre but est vraiment de montrer que les habitants noirs de l’île sont ici sans discontinuer depuis des siècles, explique Matthew McRae. Nous voulons mettre en lumière leurs contributions de longue date à la communauté.»

«On parle de familles qui sont là depuis six ou sept générations, avec lesquelles nous avons grandi», poursuit le maire de Charlottetown Philip Brown. 

De nombreuses personnes étaient réunies devant la Maison historique Beaconsfield pour commémorer l’abolition de l’esclavage et célébrer le lancement de l’exposition Les Insulaires noirs : quatre siècles et des poussières. 

PHOTO: Marine Ernoult

Travail de mémoire contre l’oubli 

Dans les jardins de la Maison historique Beaconsfield, des panneaux évoquent le parcours des frères Shepherd, originaires de Cardigan, partis au Klondike avec l’espoir de trouver de l’or, ou encore de Robert Allie Hennessey, qui rêvait de percer dans la boxe. 

Les visiteurs découvrent également l’existence du quartier appelé «The Bog», fondé en 1812 à l’ouest de Charlottetown. Ce quartier devient au XIXe siècle le siège de la plus grande communauté noire de la province. 

Matthew McRae et son équipe ont rassemblé toutes ces informations et de nombreuses photos inédites avec l’aide de familles de descendants qui vivent toujours à l’Î.-P.-É.

Tamara Steele salue le travail de ces familles, qui «font leur part pour honorer leur héritage afin qu’il ne soit pas oublié, afin que leur peuple, leurs ancêtres ne soient pas oubliés.»

Aux yeux de la ministre provinciale de l’Éducation Natalie Jameson, cette exposition contribue à «maintenir vivante la culture de la communauté noire» tout en permettant aux jeunes générations de «mieux comprendre le passé de leur île, raconté d’un autre point de vue»

Cette exposition n’est que la première étape d’un projet plus vaste, assure Matthew McRae. Il reste encore beaucoup d’histoires d’insulaires noirs à découvrir et à partager.  

Charlie et Harrison Ryan, qui se sont engagés pendant la Seconde Guerre mondiale, faisaient partie de l’une des plus anciennes familles noires de l’île. 

PHOTO: Marine Ernoult